Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 02:50

8H37, je monte dans le free circle's tramway, celui qui fait le tour du centre ville de Melbourne gratuitement. Je rejoins Ben et Bry au Queen victoria Market.

Ils sont assis en terrasse, mangent leur bacon and eggs quotidien face au vent. Je commande un croissant gros comme mon avant bras que je plonge immédiatement dans mon café « take away ».

 

«-Alors ? Prêts ?

-Ba oui, y'a plus qu'à !T'as fini comment hier soir.

-Seul dans mon lit... J'suis allé à St Kilda, j'ai retrouvé des potes que j'avais rencontrés à Darwin, on a papoté et bu quelques bières.

-Gueule de bois ?

-Non non, j'suis pas rentré tard. »

 

Il fait froid, nous prenons la direction de la voiture, les mains dans les poches, le nez caché dans le col de notre veste.

 

( 8 heures plus tard )

 

«-Putain !... Çà fait bizarre de revenir à Canberra. Je l'avais presque oubliée. », nous dit Ben. 

 

Il est parti de Canberra sept mois plus tôt, à la recherche du grand frisson australien. Ben a fait le tour de son pays, avalant plus de 40 000 kilomètres au volant de sa voiture, jonglant entre travail et plaisir. Ici, on prend réellement conscience des distances. Dans certains « trous paumés », des bushmen, des types qui travaillent dans des catle-stations ( des ranchs ) ou dans des communautés aborigènes, font plus de 300 kilomètres pour sortir au pub le samedi soir..., donc, même pour un australien, se lancer dans un tel périple est tout sauf ordinaire. Combien d'entre nous ont fait le tour de l'Europe en voiture ?

 

Avant toutes choses, nous roulons jusqu'au sommet d'une colline qui surplombe la plaine de Canberra.

 

«-Alors qu'elle est ta première impression de Canberra ? » me demande Bryonye.

«- Elle a l'air propre, calme...

-Pour être calme, c'est calme !

-Y'a l'air d'avoir beaucoup de costumes-cravattes !?

-C'en est pollué!   

-Pourquoi ont-ils choisi Canberra comme capitale ? Sydney et Melbourne sont bien plus massives, ont bien plus de caractère !

-Je crois que... justement ! Il y avait une petite gué-guerre entre les deux villes, quand il a fallut trancher, ils l'ont choisie pour le symbole. En aborigène, Canberra veut dire lieu de rencontre, ou quelque chose comme çà. Les tributs des quatre coins du pays se rassemblaient ici. »

 

              IMG_2380.JPG

 

Nous allons passer trois nuits chez la mère de Bry. Elle m' accueille de la meilleure des façons, j'ai le droit à ma propre chambre, à un grand lit. Je fais presque parti de la famille. Ben et Bry ne buvant pas beaucoup de vin rouge, elle est toute heureuse d'avoir chez elle quelqu'un qui ne sache pas dire non, et en plus « un français de Bordeaux »!

Je profite de ces jours pour régler des taches administratives, j' envoie mes « tax back », les taxes que j'ai versé à l' Etat quand je travaillais, qui vont m'être remboursées, je vois avec ma banque pour obtenir une carte bancaire qui me permette de ne pas trop payer de commissions sur mes retraits d'argent à l'étranger. Je décide de ne pas virer mes dollars australiens sur mon compte en banque français, je les dépenserai en Nouvelle Zélande et en Amérique du Sud.

 

Le calme avant la tempête, le Dragon Dream Festival se profile en fin de semaine, nous emmagasinons un maximum d'énergie, car si le temps ne change pas, nous allons avoir froid, très froid.

 

            IMG_2386.JPG

 

( …. )

 

C'est le jour J, nos affaires sont prêtes, un petit tour au supermarché pour faire les provisions et nous serons...

 

En face de l'entrée. Le site est a quinze kilomètres de Canberra, dans un parc national, à une centaine de mètres d' altitude. Nous patientons une bonne demie heure avant de nous présenter devant le barnum qui fait office de guichet, de tendre nos billets prépayés 90 dollars à la hippie qui nous scotche un bracelet au poignet. Elle nous donne des sacs poubelle et un programme :

 

« Pas de feu, tout ce qui est recyclable dans le sac bleu, le reste dans le blanc. Vous roulez tout droit pendant 3 bornes, bon festival ! » nous dit-elle mécaniquement.

 

A la porte du camping, Bindu, un pote de Ben, nous accueille et nous montre le chemin. Le camp est déjà en place. Mick, un autre ami, arrive avec son van couleur crème.

Je déroule mon swag ( matelas-tente ), le protège avec une bâche étanche bleue.

Ben et Bry font une sieste pour être en forme ce soir, je pars faire mon tour de reconnaissance.

 

Les organisateurs finissent les préparatifs, les régisseurs font les balances, testent les lumières.

Trois scènes se distinguent, l'Air, l'Eau et la Terre. Les deux premières sont à ciel ouvert, elles ressemblent à des jardins psychédéliques aux couleurs fluorescentes, des petits pays merveilleux qui auraient ravi Lewis Carroll. La dernière prend la forme d'un chapiteau de cirque, elle abrite une estrade où se joueront des concerts acoustiques, des live-music. Le sol est recouvert de moquette et de coussins, le sas est un vaste meuble à chaussure, un panneau indique de se déchausser.

Le village fait le lien entre les trois mondes : un dôme blanc où des gens en quête de spiritualité pourront se réfugier, méditer, redescendre et écouter les paroles d'un sage ; une rue de stands où des commerçants vendent des vêtements, des bijoux, des peintures, des objets décoratifs, des huiles essentielles et des herbes magiques qui représentent une alternative aux drogues de synthèse, permettant de planer « bio »; et bien sûr de la nourriture, les vendeurs de fast-food se faisant tout petit face à ceux qui font la promotion d'aliments organiques.

 

Les hostilités n'ont pas encore été lancées mais on peut sentir que la foule est prête à en découdre.

Le style des participants est sensiblement le même que chez nous dans « les teufs trance », les filles ressemblent à Pocahontas ( en plus rock'n roll ), avec leurs jupes d'indiennes, leurs cheveux tressés, leurs larges ceintures en cuir retourné, mis à part qu' elles portent des bottes en caoutchouc à petits pois. Les mecs s'appliquent à ne pas avoir de dégaine, c'est toute une science ! Avoir le bon pantalon, trop large, troué de préférence, qui tombe sur des chaussures de skater, arborer une bonne vielle veste de survêtement vintage. Une différence notable, des types sont déguisés en Batman, en Spiderman, ont dirait des figurants qui bossent à Euro-Dysney, ils veulent sûrement offrir un délire visuel aux clients du Docteur H.

Des kilomètres de dread-locks flottent dans l'air.

 

C'est parti pour trois jours d'orgie, d'allers-retours entre le site et le camp, de communion avec la boue, trois jours pour s'amuser, pour faire des rencontres, pour refaire le monde, oublier l'actualité, toutes les facettes de cette société de consommation que nous subissons et rejetons, trois jours pour se défouler, pour gueuler ! Trois jours de froid...

N'ayant qu'un bonnet en guise d'affaires d'hiver, j'enfile trois t-shirts, une chemise et ma  bonne vieille veste de survêtement vintage .

Sur les dance-floors extèrieurs, la psy trance bat la mesure. A l'intérieur, des groupes se suivent.

C'est ce que j'apprécie dans ce Dragon Dream Festival, la musique électronique ne règne pas sans partage, on peut se mettre à l'abri, s'affaler sur un coussin et voir des performances de qualité : un groupe d' acid-jazz déguisé en Super Poulet qui envoie un son proche de celui de Magma, une bande de gitans virtuoses qui donne l'impression que jouer du jazz-manouche est d'une simplicité enfantine, quatre adolescents qui balancent un rock 70's de haute volée, ils avaient « - 25 ans » quand Jim Morrison est mort, quand John Bonham « partait en vrille » sur Moby Dick, mais ils maitrisent sacrément bien leur sujet, ils ont compris tous les codes, un chanteur charismatique et sexy qui s'approprit toute la scène, un unique guitariste, capable de faire la ryhthmique et des solos de dix minutes, un batteur qui chante ses rythmes, qui utilise tout les éléments de son instrument, un bassiste en retrait... Des musiciens, des vrais, des branleurs ! 

Entre rester dans cette ambiance surchauffée et danser dans le froid, mon choix est fait, je préfère enlever mes chaussures.

Je passe le plus clair de mon temps avec Bindu et Mick, ils sont marrants, allumés. Ils me font penser à Hunter Thomson, docteur en journalisme, et à son avocat, en moins tarés.

 

« C'est cool d'avoir un frenchie cette année avec nous, çà nous change un peu! »

 

             IMG_2388.JPG

 

 

Joshua, cheveux longs, barbe de quelques mois, le frère de Ben, nous a rejoint le deuxième jour.

Lui aussi est musicien, il chante une sorte de punk-folk en grattant des accords majeurs. L'ensemble n'est pas hyper mélodique, mais ces paroles sont critiques, il est rempli d'émotion, d'énergie. Je l'ai vu jouer à Canberra, j'ai adoré le voir faire tache à coté de folk-singers appliqués qui se chauffent la voix, en rajoutent des tonnes. Lui, il est en mode « j'en ai rien à branler ». Un « putain » de personnage !

 

C'est avec Josh que je rentre ce dimanche soir. Je dois retourner sur Canberra pour prendre le bus qui me conduira à Melbourne, d'où je m'envolerai pour Auckland.

Ben et Bry ne sont pas en état de conduire, je ne vous parle même pas de Bindu et de Mick qui doivent encore se trouver dans un monde parallèle.

Nous nous décidons à faire du stop, et à notre grand bonheur, la seconde voiture que nous croisons est la bonne.

A Canberra, c'est un pote de Josh qui me déposera à la gare routière.

Je ne me suis pas lavé depuis trois jours, je n'ai pas réellement dormi non plus. Encore un peu de patience, dans une trentaine d'heures je pourrai sentir le contact d'une eau chaude sur ma peau, me glisser dans des draps propres. C'est quoi trente heures finalement ? Pas grand chose...

 

 

 

Partager cet article
Repost0
5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 06:36

Mon paquetage est prêt. Je quitte ma chambre sans faire de bruit pour ne pas réveiller l' Irlandais.

J'ai cinq kilomètres de marche à faire pour rejoindre Ben et Bryonye. Je pourrai prendre les transports en commun mais je préfère faire cette petite économie que je compenserai sûrement par … une bière, et puis un peu d'exercice ne va pas me faire de mal, il faut dire que manger équilibré en Australie n'est pas une mince affaire, son identité culinaire se résumant en quelques mets, tarte à la viande, roulé à la saucisse, bœuf, patates et … boeuf.

Une heure et demie plus tard je monte dans la Ford Falcon bleue.

 

«-Bon alors, c'est quoi le plan ?

-The Great Ocean Road mec ! Trois nuits à camper n'importe où !

-Cool, cool ! Çà sent bon la bohème !

-Et ouai, en mode gitan, let's go ! »

 

Des champs, des vaches et des moutons défilent par milliers sous mes yeux, pendant que Bob Dylan et David Bowie chantent.

Notre première nuit, nous la passons dans un parc national, j'ai oublié son nom. Une centaine de mètres de dunes sépare l'océan de notre campement. Nous faisons un feu, à manger, jouons de la guitare et chantons. Je rentre dans mon swag, une sorte de matelas-tente, idéal pour dormir à la belle étoile.

Au petit matin, avant de tout remballer, nous rendons visite à l'océan, je ne suis pas vraiment dépaysé par ce décor qui ressemble étrangement à celui de nos côtes, la plage est exposée plein  ouest.

 

                 IMG_2341.JPG

 

                 IMG_2343.JPG

 

Nous reprenons notre chemin, nous arrêtons en fin d'après-midi.

Même motif, même punition : camp, collecte de bois, feu, nourriture, guitare, chanson, belle étoile.

La troisième nuit, nous allons dans un camping, un vrai, là où l'on peut se laver, faire une machine et recharger les batteries des appareils électriques. Il pleut, le vent est violent, le paysage, stupéfiant.

Imaginez la pure campagne, comme dans les Ardennes ou en Dordogne, avec des troupeaux, des champs à perte de vue, à cinq cent mètres de l' océan, l'odeur de purin se mélangeant à celle de l'iode, des perroquets rouges épiant les bêtes, posés sur les fils barbelés qui délimitent les parcelles.

Notre dernier objectif, avant de fouler les pavés de Melbourne, est de nous arrêter aux Twelve Apostles, les douze apôtres, une des merveilles du monde, où des pics rocheux surgissent de l'eau à quelques mètres de la côte. Ils ne sont plus que huit, les autres ayant dû s'écrouler, le mythe religieux en a pris pour son grade, qui a disparu ?  Judas, (c'est sûr ), André, Jean, Pierre ?

La vue est spectaculaire, ce paysage a été sculpté par un vent à la force prodigieuse.

La fabuleuse route de l'océan porte bien son nom.

 

                IMG_2350.JPG

 

                IMG_2352.JPG

 

Dernière ligne droite, les grattes-ciel de Melbourne nous « sautent à la gueule » !

Ben et Bry vont dormir chez un de leurs potes, ils me déposent sur Spencer Street, devant le Nomads Backpacker.

C'est un vieil immeuble, sur quatre étages, qu' une centaine de colocataires a élu pour domicile.

Le premier soir je reste sur place, profite du fait que les pâtes soient gratuites pour manger un diner à deux dollars. Je rencontre une bande de français, pour changer. Ils m'offrent des verres de goon , un vin de piètre qualité, vendu en cubi, dans lequel on peut retrouver des traces de poisson et d'œuf, une des boissons favorites des backpackers fauchés. Je finis au pub d'en bas, le U-bar, avec un néo-zélandais d'une cinquantaine d'années qui tient absolument à m'offrir de la bière, de la bonne bière.

Le jour suivant, je pars à la conquête de Melbourne, mais je vais rapidement rebrousser chemin, la queue entre les jambes. La ville est très grande, très très grande, je n'ai rien repéré, rien préparé, je ne sais pas où aller, je suis fasciné mais étourdi par cette montagne de building.

 

                  IMG_2356.JPG

 

                                IMG_2366.JPG

 

                    IMG_2364.JPG

 

Et puis, Nouvelle Zélande / France, le match phare de cette première partie de coupe du monde de rugby se profile.

Je retrouve mon nouveau pote kiwi, nous nous calons sur le comptoir. Mes compatriotes et moi faisons les beaux pendant les dix premières minutes du match, le chat noir français va-t'il rééditer ses exploits ? Non, il n'aura pas fallu longtemps pour voir l'ouragan « All Black » terrasser les petits coqs gaulois.

« Go ! Go ! Go ! Yeaaaaaaaaaah!!!!!!!!!!!! Hey Frenchie, çà va devenir compliqué maintenant !!! Allez c'est pas grave, ça va bien se passer, rebois un coup mon Frenchie! »

Se faire chambrer en direct par un néo-zélandais, « çà c'est  que'qu'chose » !

 

Sitôt le match fini, je dois rejoindre Ben et Bry dans un pub de Wellington Sreet. Je demande à un chauffeur de tramway

«- Wellington Street ? 

-Montes, je t'indiquerai quand descendre ! »

 

Il me dépose dans une rue du même nom, mais à l'opposé d'où je dois aller, je suis vers St Kilda Beach. Je mets un peu de temps avant de m'en apercevoir, je croise une bande d' indiens :

 

«-Non, t'y es pas du tout là, suis nous, on va prendre le tram, tu descends à Lindsey Street, tu vas à la gare, et tu prends le métro pour Collingwood.. Tu t'appelles comment ? …. Ha français !... T'es allé en Inde !!!?  »

 

Une fois dans le métro, c'est un type d'une quarantaine d'années, cheveux dégarnis blancs, lunettes de vue, qui me fait la conversation.

 

« Combien de temps en Australie ?.... Ha, très très bien, Uluru, il faudra que j'y aille un jour, je ne suis presque jamais sorti de Melbourne..... Bordeaux !!? Je rêve d'y aller... C'est ici que tu descends, bonne chance pour la suite ! »

 

A peine sur le quai, je demande mon chemin à deux grands gars excentriques et efféminés.

 

« Suis nous, on va par là... Ha, français !!!.... Je suis allé à Paris, j'adooooore Paris!... Coq au vin !!!.... Tu continue tout droit, c'est au prochain carrefour ! Bon vent mon joli ! »

 

J'entre enfin dans le Tote, trois heures après m'être lancé à sa recherche, tous ces gens que j'ai croisé étaient vraiment amicaux, serviables et curieux, bien moins rudes que les australiens du nord.

Je retrouve Ben et Bry, ils regardent le concert, une pinte de bière à la main.

 

«-Hey Vinnie, t'en as mis du temps !?

-Truc de fou, j'vous explique... »

 

Un quatuor chevelu, un bassiste, un batteur, un guitariste et un chanteur, à grands coups de breaks destructeurs, de « branlage » de manche et d' hurlements gras, envoie du bon gros métal. Le lieu est sombre, la lumière est rouge, des tags et des affiches de concert superposées les unes sur les autres ornent les murs. Je retrouve cette ambiance, cette odeur moite, mélange de sueur, d'alcool et d'haleines nicotinisées, que je cherchais dans les bas fonds et les caves de Bordeaux, çà faisait longtemps... Underground, quand tu nous tiens.

Je rencontre Joe, un pote de Ben et Bry, un  folk singer ressemblant étrangement à Robert Plant.

Un deuxième groupe va faire son apparition, le son est aussi puissant, l'approche musicale est plus cérébrale, le chanteur-guitariste, à la raie sur le coté, porte un t-shirt sur lequel est imprimé l'affiche d'« Eraserhead », le film de David Lynch, il ne gueule pas, il chante ! Un peu à la manière de Chino Moreno, un des Deftones.

 

                 069.JPG

 

Au moment de quitter les lieux, notre soirée se transforme, malgré nous.

Avec Ben, nous nous dirigeons tous les deux vers les toilettes, la foule est dense, nous nous faufilons, à deux pas de notre salut, un gars agrippe Ben.

 

«-Heyyyyy!!! T'as poussé ma copiiiine, tu t'excuses immédiatemeeeeent !!!!!!!!!!!! 

-J'ai pas fait expr... »

 

A peine le temps de finir sa phrase, Ben reçoit un coup de boule dans les dents. Le gros type lui saute dessus, je saute à mon tour sur lui pour ne pas qu'il s'acharne sur mon pote, je lui bloque les bras, Ben réussit à s'extirper, je prends des coups de poing et de pied, je lâche le type pour me protéger le visage, ils sont trois sur moi, je reste en appui sur mes jambes, cette fois-ci c'est Ben qui me tire dans le couloir des toilettes. Un des gars se présente face à moi, j'évite son coup de poing, avant qu'il se fasse attraper et tabasser par un videur.

 

«-Vous deux vous sortez !!!

-Mais on a rien fait ?!...

-Je sais ! Mais vous sortez quand même ! »

 

Face à la porte, les gars nous attendent, nous échangeons juste des mots, je vois ma casquette sur une autre tête que la mienne, je la récupère et nous filons.

 

Bry nous engueule :

 

«-Qu'est-ce que vous avez été chercher la merde ? A deux contre six, vous êtes graves !      

-Mais on a rien fait, on voulait juste aller aux chiottes!

-Ha bon? Désolée...

-L'autre, il attendait que çà, trouver un prétexte pour expulser ses frustrations d'alcoolique, ce genre de gars ne pensent qu'à se bastonner, il a dû faire une overdose de testostérone, voulais impressionner sa meuf, « regarde ma chérie comme je suis fort, ha ha ha !!! », çà va Ben ?

-Il m'a explosé la lèvre, mais sinon çà va, et toi ?

-J'ai eu d'la chance, ils ne savaient pas viser, juste un bleu à la hanche.

-Putain d' hooligans à la con !

-Tu l'as dit !

-Merci Vince, j'apprécie ce que tu as fait.

-T'as pas à me remercier, t'aurais fait la même chose pour moi, j'allais pas regarder et rien faire.

-Merci mon pote.

-De rien mon pote. »

 

Nous rentrons jusqu'à chez eux en taxi. Le chauffeur me dit de marcher tout droit pour retrouver mon hostel, je vais mettre deux heures avant d'être dans mon lit, me perdant, me retrouvant sur le terre plein d'une voie rapide. Je repense à ce qu'il vient de se passer, que retenir de çà ? Qu'il y a des connards partout ? Qu'il faut toujours faire attention ?

 

Je passe le lendemain sur mon lit, je décuve, me repose, je regarde l'intégralité de la série Spartacus, soit treize épisodes d'un cinquantaine de minutes....

 

Il ne me reste plus qu'aujourd'hui pour découvrir Melbourne, elle est fascinante, mais je me rend bien compte que quelques jours ne suffisent pas pour la comprendre. Il faut y vivre. Je pars sur Fitzroy le quartier artistique, hippie chic, tagué de partout, bondé de magasins « vintages » , de cafés et de restaurants à l'européenne. Je marche toute la journée, rejoins Ben et Bry sur Collingwood, Joe joue au Blue Tile Pub, nous allons le voir.

 

                  IMG_2372.JPG

 

                  IMG_2368.JPG

 

Clémence, la fille qui nous accompagnait, Sean et moi, quand nous sommes allés à Katherine, vient de m'appeler, elle est sur St Kilda Beach. Un dernier bout de chemin en tram, je la rejoins, elle est avec Aoitif, une autre copine, rencontrée à Darwin. Nous parlons de tout ce qui nous est arrivé depuis que nous nous sommes quittés. Quelques dernières bières à Melbourne, quelques derniers « chin-chin », je rentre au Nomads. Demain, nous partons à Canberra.

 

Partager cet article
Repost0
5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 05:36

 A peine rentré d'Uluru, je reprends la route le lendemain midi à la gare d' Alice Springs, avec Sara, l'italienne rencontrée pendant le tour.

Nous prenons le Ghan, qui relie le nord et le sud de l'Australie, d'après le prospectus, nous allons vivre « The Experience ».

Bien qu'il se fasse essentiellement remarqué par sa lenteur, 1500 kilomètres en 24 heures, ce train est confortable, les sièges s'inclinent, une « voix off » accompagnée de bruitages d'insectes, d'eau qui coule, de chants tribaux, nous conte l'histoire du North Territory, de ce même paysage qui défile indéfiniment sous nos yeux, « il était une fois... ».

Par moment, le train s'arrête au milieu de nul part pendant quelques heures, sans raison apparente.

Nous arrivons à Adélaïde à 12H30.

 

Je pars à la recherche du Tatt's backpacker, qui se situe dans le centre. A mi chemin, je m'aperçois que j'ai oublié mon ukulélé dans le train, je peste pendant deux minutes, pousse un cri de rage avant de me ressaisir rapidement en me disant que ce n'est peut-être pas plus mal, que je suis repartis en mode voyageur et qu'il m'aurait plus encombré qu'autre chose. J'espère que la personne qui le trouvera en fera bon usage.

Après une heure de marche, j'arrive dans Hindley Street, j'ai le don de bien choisir mes backpackers, la rue est bondée de restaurants, de bars, de boites de nuits, d'épiceries, et accessoirement, de clubs de strip-tease et de sex shops...

 

                  IMG_2321.JPG


Pour 16 dollars la nuit, je me retrouve dans un dortoir de quatre lits avec un irlandais.

Je jette mes affaires et sors me promener dans le Mall, une grande rue piétonne.

 

La plupart des gens que j'ai croisé m'ont dit qu'Adélaïde était une ville "chiante", je la trouve plutôt charmante. Je suis content de me retrouver à nouveau dans un univers où les gens ont du style. Bien que je sois amoureux de « Mère Nature », j'aime le chaos engendré par des kilomètres de pavés, de caniveaux et de gouttières, on croise un nombre incalculable de personnes, nos yeux accrochent les gens spéciaux, les beaux plus que les laids, les excentriques plus que les classiques, ceux dits « normaux » passant complétement inaperçus. Je suis un spectateur ...

Ce qui m'intéresse plus particulièrement ? Grande ville rime avec... musique ! Quand je vois un punk, un grunge ou un rasta marcher dans la rue, je me sens bien.

Dans la grande rue piétonne, des gens « pas pauvres » font la manche.

Un enfant, en tenu d'écolier, joue du violon, un duo guitare batterie, des lycéens, reprend du Oasis, un clown jongle, un joueur de yoyo asiatique fait son show, une bohémienne tire les cartes, une pelleté de guitaristes sans groupe se sont dispersés aux points stratégiques.

 

                IMG_2332.JPG


Adélaïde n'échappe pas à la règle, c'est un grand bordel, une opposition de style entre briques rouges et verre fumé, entre églises et tramways « dernier cri », des espaces verts ajoutant une touche romanesque.

 

                           IMG 2320

 

Au Tatt's, je n'avais réservé que pour deux nuits, il ne m'aura pas fallut longtemps pour signer pour deux de plus.

Je suis souvent le cul entre deux chaises, et après avoir parcouru l'ensemble des parcs nationaux du nord, j'ai envie de crier « VIVE LA TECHNOLOGIE !!! ».

J'ai juste eu à écrire « Adélaïde !!! » sur mon  cyber réseau social  pour retrouver Ben, l' australien que j'ai rencontré à Katherine. Il sera dans le coin demain, j'ai bien fait de prolonger mon bail.

En attendant, je continue à jongler entre la rue et la cuisine du Tatt's.

J'y fais la connaissance de Bob Maidorm...

Nous sommes assis à la même table, il zappe, je tapote les touches de mon clavier, les premiers mots qu'il m'adresse sont :

 

« T'as You Tube ? »

 

«-Heu... non, j' suis pas connecté...

-Ha, parc'que si t'avais You Tube, tu pourrais taper BOB MAIDORM !

-Bob quoi ?

-Maidorm ! Tu aimes Hendrix ?

-J'adore !

-J' suis guitariste, je reprends du Hendrix et du Steve Ray Vaughan.

-Cool ! Moi aussi je ... »

 

Il sort de la pièce.

Il a la cinquantaine, mesure environ 1m90, ses cheveux sont gris, longs, en queue de cheval, il a le nez d'un bagarreur.

 

Deux minutes plus tard, il est de retour avec sa guitare noire triangulaire et un ampli Micro-Cube.

Il ôte son bonnet noir ourlé à la Rocky Balboa et commence par jouer Foxy Lady.

 

« Tu connais Little Wing ? »

 

Il la maitrise à la perfection, sa voix a un petit temps de retard, mais c'est déjà une performance de pouvoir chanter en même temps. Il me tend son bébé, je ne vais pas m'aventurer sur son terrain car j'en suis incapable. Je joue et chante mon désormais classique Add It Up des Violent Femmes.

Ça lui plait, il mime la basse, joue de la « air » batterie, simule un solo de guitare, il est marrant, la musique coule dans ses veines.

 

« Tu devrais faire du busking mec ! Moi c'est c'que j'fais, je gagne ma vie en jouant dans la rue ! »

 

Nous jouons et chantons pendant deux heures, jusqu'au début du match de football australien , son autre religion. Là, plus un mot, silence radio, ce sont les demies finales, seuls, de temps en temps, quelques cris de suporters persistes

« Cà c'est un putain de bon tir !... Oh putain, t'es mauvais !... Putain d'arbitre de merde !... »

 

                DSC00505.JPG

 

 

Le lendemain midi, je retrouve Ben. Il porte dorénavant la crête. Il est avec sa nouvelle petite amie, Bryonye, rencontrée à Perth. Face à un pichet de Coopers, nous nous racontons toutes les aventures que nous avons vécu depuis que nous nous sommes quittés.

Il a parcouru la fabuleuse côte ouest.

 

«-On va longer la Great Ocean Road jusqu'à Melbourne, mais nous n'allons pas y rester longtemps , trois ou quatre jours, ensuite on rentre sur Canberra, y' a un gros festival dans deux semaines, avec plein de potes. D'ailleurs, si tu veux venir, on t'embarque !

-J' peux pas, j'ai déjà réservé mon billet de bus pour Melbourne.

-Bein, tu les appelles et tu demandes si tu peux l'échanger contre un billet Canberra-Melbourne, tu prends quand ton avion pour la Nouvelle Zélande ?

-Le 3 Octobre.

-Parfait ! Tu prends le bus le 2 ! Allez !!! Easy !!!»

 

J'appelle sur-le-champ, en deux minutes, la transaction est faite. Je vais passer mes deux dernières semaines en Australie avec Ben et Bry .

Contrairement à ce que dirait le grand penseur, fumeur de cigare, Hanibal Smith, «  J'adore quand un plan se déroule pas du tout comme prévu ! ».

 

Nous allons nous promener au jardin botanique. Nous errons au milieu des aromates, des cactus, des plantes grasses, d'arbres centenaires.

 

                  IMG_2338.JPG

 

Ce que je retiendrai d' Adélaïde ? Une ville cool, relaxe.

 

Partager cet article
Repost0
18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 04:56

 

 

 

 

Mon bus arrive, il est 17h15. « Cette fois c'est la bonne ! » me dit Yann. Je lui fais la bise, je suis certain que je le reverrai un jour, en France ou ailleurs, je monte, me cale au fond. Au revoir Katherine.

A ma gauche, un jeune aborigène, la casquette de travers, derrière moi, un vieil homme qui pourrait être son grand père, il semble fébrile, devant, une flopée de jeunes européens.

Le chauffeur prend le micro, il a la voix de « Francis ZEGUT », il parle comme un animateur de radio qui fait la nuit, comme un expert de blues-country. Son crâne est chauve, une toile d'araignée noire lui décore le cou.

Après deux heures de route, nous faisons un premier arrêt dans une road-house de Mataranka. Trois cowboys boivent du Bundaberg en regardant les fesses généreuses de la jeune serveuse blonde qui bouge au rythme d'une dance-music de bas étage ...

Nous atteignons Tennant Creek vers deux heure du matin. Le chauffeur nous abandonne à la gare routière, le temps d'aller faire le plein d'essence et de récupérer des colis à livrer. Il fait froid. Je n'ai pas frisonné ainsi depuis dix mois. Je suis en short-débardeur, mes vêtements chauds sont dans la soute à bagage. Je relâche les épaules, respire par le nez, ferme les yeux, je m'imagine qu'il y a du sable blanc, des palmiers, des vahinées...

Une demie heure à tenir et je reprends ma place, c'est la dernière ligne droite, le temps d'un somme, nous arrivons à Alice Springs.

Il est neuf heure, je demande à « Francis » s'il peut m'indiquer le backpacker le plus proche.

« Le YHA, tu traverses le Mall, ce sera sur ta droite. »

Je marche dans le centre commerciale, il ressemble comme deux goutes d'eau à celui de Darwin. Alice Springs ? Des magasins, des bars et des magasins. Une ville charmante? Non, pas vraiment.

 

Je n'ai qu'un objectif, partir au plus vite voir le Gros Caillou. Aujourd'hui c'est dimanche, les sociétés de bus sont fermées. Je fais le tour des agences de voyage, calcule le coût de revient si j' y vais par mes propres moyens.

« (Jusqu'à Ayers Rock Resort, j'en ai pour 90 dollars de bus, y' a quand même cinq cent bornes ! Plus environs 25 dollars par nuits pour dormir, plus le bus pour aller jusqu'à Uluru, j' aimerai bien voir King's Canyon aussi … Ça va me coûter plus de trois cents dollars. Putain ! J'aurai dû m'y prendre avant, trouver un « lift », une petite place dans un van, ça m'aurait couté vachement moins cher, un doigt, pas un bras. J' vais pas m' prendre la tête, il a l'air bien The Rock Tour. ) Bonjour mam'zelle, je suis intéressé par le tour de trois jours... oui je sais, 320 dollars, vous prenez la carte ? »

Je rentre au YHA, je n'avais pas eu de contact avec un vrai matelas depuis près de quatre mois, je m'enfonce dans mon lit, la couverture jusqu'au nez, je règle mon réveil...

 

5H55, Sara, une italienne, et Jaz, une anglo-pakistanaise, attendent à mes cotés la navette qui doit nous récupérer. Le minibus arrive, Karmen saute sur le trottoir, souriante, elle est plus que de bonne humeur.

« Allez ! En voiture les gars, on a de la route à faire ! Ça va ? Bien dormi ? Yahoo ! C'est parti ! »

 

Nous faisons le tour des « hostels » pour récupérer 14 autres passagers. Nous ne sommes que trois gars au milieu de quinze filles. Deux suédoises, quatre allemandes, une autre italienne, une nouvelle anglaise, deux chinoises, une thaie, une coréenne, çà commence bien, je sens que je vais aimer ce tour, aucuns touristes, que des voyageurs, la nuance est importante.

Cinq cent kilomètres nous séparent d' Uluru. Nous nous apprêtons à faire plus de mile trois cent kilomètres en trois jours.

Nous finissons notre nuit sur le trajet, notre premier objectif est Kings Canyon.

A mi-chemin, Karmen nous réveille :

 

« On va faire un petit jeu, on va faire les présentations »

Elle écrit sur le pare brise, « Nom ? Pays ? Profession ? Peur ? Talent de campeur ? »

 

« -Allez! Chacun va prendre le micro et se présenter, je m'appelle Karmen, mais tous le monde m'appelle La Folle, je viens de Cairns, je suis guide touristique et j'adore mon métier, j'ai un peu peur du noir et … je suis FOLLE !!!, à vous !

-Heu...je m'appelle Vince, je suis français, j'ai quitté mon job, donc sans emploi et fier de l'être, j'ai un peu peur de la mort, disons que je ne suis pas prêt et heu..., autour d'un feu de camp, je sais mettre l'ambiance.

….

-Bien, bien, je note que beaucoup d'entre vous ont peur des serpents et des araignées, mais personne n'a mentionné les souris. Très bien ! Car on va dormir au milieu des souris ! S'il y a des serpents, normalement, vous ne vous en apercevrez pas !!! »

 

 

Nous arrivons à Kings Canyon, les touristes ne sont pas là, nous l'avons pour nous seuls.

Nous parcourons le Rim Walk, la randonnée de 6 kilomètres, montons rapidement au sommet, à une centaine de mètres au dessus de la plaine. La vue sur le désert est imprenable, l'horizon s'étend sur des kilomètres et des kilomètres. J'ai l'impression de marcher sur Mars, sur un tapis de roches rouges, dans ce paysage sculpté à grands coups de périodes glacières lors des dernières 600 millions d'années...

Cet endroit était réservé aux hommes qui venaient chasser dans ce Jardin d'Eden ( baptisé ainsi par les australiens ) aux fougères préhistoriques, enfanté par un billabong, un trou d'eau.

Ils fumaient les feuilles d'un arbuste pour rester éveillés trois jours durant :

« l'arbre à speed » nous dit Karmen,

«- On peut en prendre pour le camp de ce soir ?

- Non, dans un parc national, il est interdit d'arracher une feuille... »

 

               IMG_2228.JPG

 

 

               IMG_2250.JPG

 

               IMG 2248


 

Nous marchons pendant trois heures, remontons dans le bus, roulons, nous arrêtons devant Attila , le frère d' Uluru, avant le coucher du soleil.

 

             DSC00500.JPG

 

             IMG_2253.JPG

              ( Lac de sel )

 

Un passage par un « bottle shop » ( oui, même dans le désert, l'alcool coule à flot) pour faire le ravitaillement de bières, une seconde étape pour collecter du bois, et nous partons camper dans le bush.

J'imaginais le désert australien rouge et... rouge, mais Karmen m'apprend que la pluie régulière qui tombe depuis ces sept dernières années l'a rendu... vert.

Nous préparons un grand feu sur lequel nous ferons cuire de la viande de kangourou, des haricots, des légumes et du pain.

Diego, un astrophysicien mexicain nous parle de l'espace, nous nous endormons sous la voie lactée, la lune est ronde...

 

               IMG_2259.JPG

 

Réveil à cinq heure, Karmen est déjà au top de sa forme :

 

« Allez, allez, debout bande de fainéants, on se dépêche, y' a du café, du pain, des céréales, allez allez ! On a une longue journée devant nous ! »

L'haleine fraiche, les aisselles odorantes, nous reprenons la route, direction Kata Tjuta, en aborigène, cela veut dire « plusieurs têtes ». Ils comptent différemment, un, deux, trois, deux-deux, deux-trois, tjuta, tjuta voulant dire aussi dix, cent, mile...

Ce paysage est féérique, mythologique, « mais où est Frodon ? »

Karmen nous donne le choix :

 

« Vous avez deux options. Soit vous partez pour une longue marche , faites le tour du parc. Soit vous me suivez, la marche est courte, un peu plus dure, j'attendrai les autres en haut de la colline. »

 

Je suis un des seuls à la suivre, les choix ne se font jamais par hasard, à ma grande joie, je reste assis pendant deux heures, je discute avec Kata Tjuta.

 

«-Karmen, t' as vu ? La colline a des yeux !

-Ça fait plaisir, tu vois les choses. J'allais attendre que tout le monde soit là pour demander : vous ne vous sentez pas observés ? »

 

Nous stoppons devant une sorte de jardin :

 

« C'est ici que les jeunes aborigènes étaient initiés à la chasse, venaient s'entrainer. Tu vois ces marques sur la pierre ? Le maitre se tenait là, notait les élèves, ils se devaient de respecter à la lettre les coutumes, de chasser tout en respectant les proies, sous peine d'êtres punis. Si un membre de la tribut faisait une grosse bêtise, les conséquences pouvaient être très lourdes. Durant son sommeil, on lui injectait un produit qui le rendait aveugle pendant trois jours, puis on le lâchait dans le bush. S'il parvenait à revenir au camp, tout était oublié... »

 

Kata Tjuta est clairement l'endroit que j'ai préféré.

 

           IMG_2262.JPG

 

           IMG_2263.JPG

 

           IMG_2278.JPG

 

           IMG 2272

 

C'est reparti pour un tour, le moment tant attendu, « Uluru ! J'arrive ! »

Mon désolement commence au tourist-centre.

Ok, les informations sur les us des aborigènes sont intéressantes, mais çà pue le fric à plein nez, « Venez voir quelque chose d'authentique » qu'ils disent, «  Nous vous offrons de la culture sur un plateau, mais si vous pouvez boire un café et acheter des t-shirts et des casquettes pour vos petits enfants, c'est encore mieux ! ».

Un grand panneau incite les visiteurs à ne pas monter Uluru, cet acte est irrespectueux. Un peu plus loin, une affiche indique les heures d'ouverture pour l' escalader...

Il est aussi interdit de prendre des fragments d'Uluru, ce qui est drôle, c'est qu'il existe un service où des gens, se sentant coupables et maudits, renvoient les pierres qu'ils ont ramassées.

 

J'y suis enfin, je marche sur le sentier pédestre, touche tendrement le gros caillou. Je regarde avec peine les gens grimper dessus, me disant avec ironie que j'aimerai bien en voir un tomber.

Je vois Uluru comme une femme, une protectrice qui abritait les tributs environnantes.

Karmen nous explique qu'une de ces cavités était la cuisine, qu'une autre était le terrain de jeu des enfants, celle-là servait pour des cérémonies...

Même si je suis impressionné par ses courbes, par le fait qu'elle ne se soit qu'un seul et unique bloc, par le contraste de sa couleur avec celle du ciel, par sa beauté, je n'arrive pas à profiter du moment, je ne me sens pas très à l'aise, je fais parti de ces gens qui violent cette mère...

Uluru a été rendue aux aborigènes à la condition que le gouvernement australien puisse l'utiliser à des fins touristiques.

J'aimerai l'avoir pour moi tout seul, m'assoir face a elle , la comprendre, l'observer attentivement, ressentir l'atmosphère si particulier qui l' entoure, mais trop de monde s'agite, je dis à Karmen que nous ne vallons pas mieux que « ces  putains de touristes à la con », elle me rassure en me disant que je suis un voyageur.

 

            IMG_2287.JPG

 

            IMG_2288.JPG

 


 

Nous nous éloignons pour le coucher du soleil, afin de la voir de loin et de prendre la photo de carte postale. Elle est bien plus impressionnante, je ressens d'avantage de choses, bien que nous soyons entourés par tous les autres « tours-opérators » qui ont fait péter le vin blanc pétillant pour l'occasion.

 

              IMG_2300.JPG

 

Si j'avais à refaire les choses, je louerai un van et j' irai à contre sens de tous le monde, mais bon je ne vais pas bouder mon plaisir, j'ai choisi le moins pire des tours, et j'ai de belles photos, des souvenirs...

Mon objectif australien est rempli ! Voir Uluru, çà, c'est …!

Une dernière nuit sous les étoiles, un dernier lever de soleil face à Uluru, c'est notre récompense, nous sommes enfin seuls au monde, une dernière marche dans le parc, cette fois-ci je parviens à m'isoler, et nous prenons la route du retour.

 

                IMG_2308.JPG


Ce soir nous mangerons tous ensemble au Rock Bar, ils nous ont concocté un bon petit menu pour dix dollars.

Je prends le Ghan demain, je serai à Adélaïde après-demain...  

 

Partager cet article
Repost0
10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 05:49

Mardi 23 Aout 2011...

 

9 mois, 12 jours, 13 heures, 48 minutes après mon départ de Lyon en direction de Prague.

Mon séjour à Katherine est compté. Même si mon compte en banque s'en réjouit, je suis en overdose de travail à la chaine . J'en ai marre de pointer, de participer à rendre des gens à croc à la « junk food », de porter ce logo jaune, de recevoir des ordres de managers élevés à la baguette qui ne pensent qu'à sauver leur peau.

J'ai cru que servir des verres au club de rugby me permettrait de prendre d'avantage de plaisir à travailler. Voir ces gamins jouer avec le ballon oval, garçons ou filles, les parents les encourager, profiter du moindre temps mort pour jouer aux « pokies », les machines à sous, et siroter un Jack Daniel's-Coke en canette. Mais la froideur des piliers de comptoir du North Territory aura eu raison de moi. Objectif financier atteint ! Il est temps de mettre les voiles, de continuer l'aventure. Dans deux semaines je serai à nouveau en vacance, je prendrai la direction d' Uluru … normalement.

        IMG_2225.JPG

                      ( Katherine Sports Club )

 

Comme avant chaque nouveau départ, je me refais le film. « Coco's Backpacker, scène du barbecue, ACTION ! ». Les moments de communion avec les autres voyageurs, les apéros, les repas autour du feu, les histoires de Coco, maintenant je vais sûrement en faire parti, « il y avait un français, un gars qui jouait de la guitare et chantait, un jour il m'a demandé s' il pouvait me filmer dans mon atelier, j'ai fait venir deux aborigènes face à la caméra et j'ai interprété mon propre rôle, jouant du didjeridoo, expliquant comment on respire tout en soufflant dans l'instrument. Il... », les « Yeah...All Right ! » et les « Hey... call the police !» du bon vieux Tony, les cowboys, les femmes qui portent des maillots de rugby, les aborigènes, le Nitmiluk National Park, toutes ces images resterons gravées sur mon disque dur crânien. Après trois mois de vie à Katherine, j'ai l'impression d'avoir joué dans un épisode de Twin Peaks, le surnaturel en moins, la caricature étrangement similaire, des gens simples, vivant dans un bled paumé, qui se connaissent tous. Une vie lente qui passe vite.

        DSC00497.JPG

 

Mon esprit est déjà ailleurs, je veux redevenir un gitan, ressortir mon sac à dos. La sédentarisation tue l'instant présent, on sait trop bien ce que l'on va faire le lendemain.

 

 

 

Mardi 30 Aout 2011...

 

 

Je ne fais presque plus rien. Plus que trois jours de boulots, et je serai à nouveau en vacance, je pourrai bruler ma casquette de travail. Mes journées sont calmes. Je reste chez Coco, dans le jardin. Je communique avec les poules, je ne sais pas trop ce que je leur raconte, mais elles me répondent, avant de détaler dés que je fais un pas vers elles, j'espère que je ne les insulte pas...

 

        DSC00499.JPG

 

J'ai une nouvelle addiction, les échecs. « J'en rêve même la nuit, c'est grave docteur ? ».

Nous sommes une petite dizaine « d'à crocs ». Je suis encore débutant mais en l'espace d'un mois j'ai dû jouer une centaine de parties. Les matchs sont serrés, je limite la casse contre les aguerris, en restant concentré et en espérant gagner sur un coup de « trafalgar », mon but étant d'engranger un maximum de victoires. J'adore gagner !

On est tous un peu chambreurs, les provocations en duel, les mots et les rires fusent.

 

Nos deux grands maitres à jouer, Istok et Max le germain sont partis. Il reste Shu, l'éternel favori japonais, le mathématicien, qui peut cependant perdre son sang froid dés que la bataille n'est plus conventionnelle, Mélis, le redoutable joueur estonien, Paolo, l'expérimenté italien, l'endurant, qui a néanmoins besoin de réfléchir dix minutes avant chaque mouvement, l' Irlandais, l'efficace qui parle de trop, Max, le québécois, capable de coups destructeurs, mais qui a tendance à oublier de protéger sa dame, Yann et moi, les deux français, les créatifs, l'expérience nous faisant parfois défaut.

Cette métaphore du combat et de la vie est passionnante.

Les pions, ces soldats qui vont aux front, les éternels sacrifiés pour la « juste » cause, ils rentreront dans la légende s'il perforent les lignes arrières ennemies.

Les cavaliers qui ont la classe, les héros chevaleresques, les créatifs qui peuvent faire gagner une guerre.

Les tarés et les costauds, qui imposent le respect, dont il faut éviter le chemin mais qui sont faillibles, leur force est un défaut, on se souviendra de leurs exploits mais aussi de leur disparition qui fit perdre la bataille.

La Reine, la maline, la terrible, la tigresse, la « sans pitié ». Par amour pour son homme, elle mettrait la terre à feu et à sang. Elle respire la victoire, la tragédie, quand elle affronte sa semblable jusqu'à la mort.

Et le Roi, ce bon vieux fainéant, qui prend les décisions en se cachant derrière les autres. Il ne va pas souvent au combat, il préfère fuir. Il est très influent car il est conscient que sa légende ne dépendra pas de lui....

 

 

Samedi 10 Septembre...

 

 

Je devais partir avant-hier, puis hier, est-ce que je vais partir ce soir ?

 

Tout à commencé mercredi soir. Cette nuit était censée être la dernière, je fêtais mon départ, Yann son anniversaire, « Et ouai, trente ans mon Loulou ! ».

J'ai préparé cinq litres de planteur, Yann a acheté une bouteille de rhum, nous avons tout picolé avec la bande, avant d'aller se finir au Kirby's. Résultat, « rentrage » bourrés et « rigolage » assuré.

Jusqu'ici tout va bien.

 

J'étais censé partir à Alice Spring en auto-stop, le lendemain. Le réveil est quelque peu douloureux, nous ne nous plaignons pas car nous l'avons bien cherché. Je me résous à partir en bus , je ne me sens pas la force d' affronter la chaleur et une éventuelle longue attente avant que quelqu'un ne daigne s'arrêter. Yann et Jérémie m'accompagnent au bus vers 4H30, il décolle à 5H15. Une femme me tend mon billet :

 

«- Allez Vince, ton bus part dans une demie heure, on va s' boire une dernière bière au Kirby's.

-Non les gars, j'ai mon bus à prendre.

-Tu fais chier Vince, en plus Coco t'as dit qu'il t'offrait la nuit, çà n'va rien t' coûter. Vas-y, reste, c'est mon anniversaire! Madame ? S' il part demain, son ticket sera toujours valable ?

-Oui, » dit-elle en rigolant

« -Les gars vous faites chier, j'ai un bus à prendre.

-Tu peux l'prendre demain, hein madame, qu'il peut le prendre demain ?

-Oui.

-Bon, on a vingt-cinq minutes pour boire une bière, après je pars! »

 

Aux Kirby's, Fanny est arrivée en renfort :

 

«- Bein non Fanny, il veut pas rester, Coco lui a même proposé la nuit gratuite.

-Sérieux ? Vincent, fais pas ta majorette, allez je te repayes une bière, tu prendras ton bus demain !

-Non Fanny, je pars, j'ai plus de tente, plus rien à manger, c'est l'heure, j' y vais.

-Mais on va te trouver un endroit où dormir, allez, bois ta bière et oublie ton bus.

-Je vous laisse une chance.

-Non, tu vas pas nous la faire à pile ou face.

-Pile, je reste, face, je cours pour pas louper mon bus.

-Tu fais chier Vince, alors ?

-Bon ok, vous avez gagné...

-C'est trop facile avec toi !

-Ho c'est bon! On la fait ou quoi cette fête !!? »

 

La soirée fut mémorable, dans la lignée de la veille, j'ai même gagné de l'argent en jouant au billard contre un aborigène, apparemment, la table était à lui, pour que l'on puisse jouer, il fallait relever son défi.

Nous sommes rentrés tous les trois, avec Yann et Jérémie, histoire de finir les fonds de bouteille. Yann a fait l'erreur de s'endormir, il a fini tatoué de partout, victime d'un photo-montage vicieux.

Imaginez Tony Montana ayant éclaté un énorme sachet.

 

«- Yann, nous avons les moyens de vous faire parler !

-Non les gars! Vous avez pas fait çà, bande d'enfoirés !

-Dormir c'est tricher! »

Jusqu'ici tout va bien.

 

Le lendemain, je pars d'un pas décidé vers mon bus après avoir fait mes «aux revoirs » pour la seconde fois. Yann, Jérémie et Johanna m'accompagnent. En donnant mon ticket au chauffeur, il me dit que je ne suis pas sur sa liste, il va au bureau revient cinq minutes plus tard en me disant que je ne peux pas monter.

Je vais au comptoir, trois femmes papotent, je leur explique mon cas :

 

«-Non monsieur, votre ticket est annulé, il faut que vous en repreniez un autre ! 

-Pardon ? Vous plaisantez ? Y' a pas moyen que je perde 230 putains de dollars ! Votre collègue, hier m'a dit que je pouvais prendre le bus avec ce ticket !!! »

La femme prend un air supérieur, me parle comme-ci j'étais un gamin de dix ans.

 

«-Non, c'est de votre faute, vous ne nous l'avez pas signaler ! Votre ticket est perdu !

-Je vous promets que je ne vais pas perdre mon argent, c'est mort ! Où est votre collègue ?

-Elle sera là demain ! »

 

Je commence à bouillir :

 

«-Il va falloir trouver une solution! Vous me réservez un billet pour demain !

-Ce n'est plus de notre ressort, maintenant il faut que vous appeliez la société de bus !

-C'est malhonnête! Donnez moi le numéro ! »

 

Une autre femme me fait la morale en me disant que le ton que j'emploie n'est pas autorisé dans ce bureau, je lui répond que je comprend son agacement mais qu'elle pourrait aussi comprendre le mien.

J' appelle le Grey Hound, le gars à l'autre bout du fil a l'impression de perdre son temps, car la manipulation est enfantine :

 

«-Vous êtes où Monsieur ?

-Au comptoir.

-Vous leur dites de vous réservez un billet pour demain, c'est pas compliqué.

-Merci Monsieur. »

 

Deux minutes plus tard j'ai mon nouveau billet, elle aurait pu le faire quand le bus était encore à quai, mais elle avait sûrement envie de mettre un peu de piment dans sa triste journée et de ne pas aider un de ces étrangers qu'elle déteste. Elle aura même le culot de me dire de faire fonctionner mon cerveau.

Je rentre chez Coco, tous le monde est mort de rire, je raconte l'histoire une dizaine de fois, pour conjurer le sort, je résiste aux appels de la fête.

A l'heure qu'il est, je ne sais pas encore ce qu'il va m'arriver, je suis censé prendre le bus à 17h15, vais-je réussir à quitter Katherine ?

Jusqu'ici tout va bien.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 juillet 2011 6 30 /07 /juillet /2011 11:30

                               IMG_2224.JPG

 

 

 

C'est l'histoire d'un mec qui arrive au Coco's Backpacker en vélo. Un turban mauve sur la tête, une barbe de trois ans et demi grisonnante, des lunettes de soleil noires, il se présente sous le nom d' Istok , il est slovène mais insiste particulièrement sur le fait qu'il soit yougoslave car il préfère être d'un pays qui n'existe plus. Son âge reste un mystère, il a certainement passé plus d'une quarantaine d'années sur Terre.

Il a parcouru tout le continent américain sur sa bicyclette, de New York à El Paso, de Cuba à Santiago du Chili, naviguant sur l' Amazone, passant du temps avec une tribu qui vit perchée dans les montagnes caribéennes de Colombie. Il a volé ensuite jusqu'en Nouvelle Zélande, étape nécessaire pour atteindre le sud de l'Australie et pédaler jusqu'à Katherine. Il se dirige vers l'Indonésie …

C'est le genre de type qui ne passe pas inaperçu du haut de ses 1m90, il est muni d'une grande gueule qui ne s'éteint que lorsque le marchand de sable est passé, je me demande d'ailleurs s'il n'est pas ce fameux endormeur car si je devais me le représenter, il lui ressemblerait étrangement.

La première fois que je l'ai vu, je rentrais du travail, il était déjà attablé avec les habitués du Coco's, la bande de jeunes voyageurs, et racontait pêle-mêle, des histoires intéressantes et des idioties insensées pour distraire l'assemblée, amuser la galerie.

De sa voix portante, résonnent des accords slaves, des harmoniques méditerranéennes, des gammes latines. De cette addition de racines et d'influences en fusion, résulte un type complètement fou, digne représentant de tout ces peuples loquaces et chaleureux.

En une semaine, il a chamboulé nos habitudes, instaurant les échecs comme notre nouveau sport national, « Hey, tou né prend pas soin de ta reine, jé l'attrape, elle est à moi mainténant, jé mé tappe ta pétite française, cé comme ta femme, tou dois la protéger », nous rassemblant tous au coin du feu, le soir, autour d'un repas commun qu'il cuisine , «  Hey, cinq dollars, cé cadeau ! Va voir en ville cé qué t'as pour cinq dollars, une putain dé café de mierda! ».

L'ambiance est plus que joyeuse, les rires collectifs polluent l'espace sonore du seul gars frustré qui partage notre quotidien et qui ne supporte pas le bruit quand il veut dormir, les discussions politico-philosophiques fusent dans tous les sens. Ce n'est pas que la vie dans notre auberge était morose avant son arrivée, mais il a fait ressurgir en nous la passion qui nous anime, et au sortir de longues journées de travail, nous avons encore plus de plaisir a rentrer à la maison.

Il ne s'arrête jamais de parler, ne fumant et ne buvant plus, c'est son moyen de passer le temps, il nous inonde d'anecdotes de voyage en Mongolie, au moyen orient, complète nos connaissances sur l'histoire de l' Europe, nous reporte la guerre en Yougoslavie, nous raconte comment il a monté l'un des plus gros squat artistique de Ljubljana. Il sort son disque-dur pour partager ses gigaoctets de films, Kusturica se trouvant sur la première marche de son podium, suivi de très près par Godard, il fait son intéressant en nous faisant écouter du Noir Désir, « Bien sour qué jé connais Noir Désir ! Qu'ésqué tou crois ! ».

Il aime être au centre du débat, si vous vous trouviez sur le même marché qu' Istok, vous n'entendriez que lui, « Maaa, hey, té tomates elles sont toutes pourries, tou peux pas lé vendre, donné lé moi !!! », « Qui veut dou bon thé ? Allé donnes moi un dollar, antioxydant!!! sa té bouffe tout l'acide qué tou as dans lé ventre ». C'est un vendeur de rêve, un usurpateur gentil, il essaye de grappiller les quelques dollars qui lui sont nécessaires pour manger et se loger, pas plus, pas moins.

Son grand fait d'arme à Katherine, il l'a réalisé hier soir. Dans l'après-midi, me préparant pour aller travailler au Katherine Sport's Club, je le vois arriver avec Paolo, l'italien, et Guilhem, un français :

 

« -Hey, tou né sais pas où jé peux trouver un programme pour mixer de la mousique?

-Demande à Max, il joue de la psy-trance, il en a un. Pourquoi ? Tu vas mixer ici ,après le repas ?

-Non, jé joue cé soir au club.

-Non... Sérieux ? 

-Bé oui !!!

-C'est vrai Paolo ?

-Oui, on s'est présenté au manager, avec nos turbans.

-Vous êtes des grands malades ! Trop bon ! Mais, t'as déjà mixé Istok ?

- Hey Non ! A mon époqué y'avait pas dé dj, c'était qué du live, jé deux heures pour apprendre. Max, va mé montrer.

-Qu'est-ce que tu lui as dis au manager ?

-Qué jé souis DJ Youssi pardis !

-Truc de fou, ça va être du grand n'importe quoi ! Et t'es payé ?

-Hey ouai, 100 dollars. Il m'a proposé 200 au début, jé loui ai  dis, hey tranquil, tou né mé connais pas, donné moi 100, mais tou fais rentrer mes deux assistants gratis, et on boit à l'oeil touté la soirée! Hey CULTURA !!!

-Bien joué ! Je veux voir la tête des gens. Vous êtes des grands malades ! ».

 

Après avoir préparé le repas du soir, il rejoint le Kirbie's vers 9h30 avec Paolo. Je reste autour du feu avec Yann, Guilhem, Henning, Anna et Marianna. Nous débattons d'un sujet sensible, l'intégration.

Nous sortons vers 22h30, les loulous sont déjà dans leur cage de bois. Le bar est grand, coté intérieur, des machines à sous draguent les joueurs de billard, nos deux talibans sont entre les deux, je suis assez surpris par leur prestation, ils font dans la pop, balancent du Bowie, du Michael Jackson, du Depeche Mode, les Rolling Stones, Kiss, bon ok, ils craquent un peu envoyant du Faith No More, mais çà tient la route, c'est de la traditionnelle musique de pub, « easy listening ».

Des locaux les regardent bizarrement, une petite dizaine de danseurs semblent être heureux, le manager paraît préoccupé, il va les voir régulièrement.

Ils nous rejoignent à minuit pile en terrasse, nous sommes tous plus ou moins chauds.

 

«-Bon alors, DJ Oussama, c'est la pause ?

-Hey non, ils nous ont virés !

-Sérieux !!? Pourquoi ?

-Ils n'aimaient pas la mousique, lé grand barbu, il ést vénu toute lé cinq minutes pour nous dire, çà tou changes, çà tou changes, là tou baisses, bla bla bla, bla bla bla

-Ils sont graves, la plupart des morceux sont dans leurs juke-boxes! Ils ne doivent pas supporter le turban ! En tout cas c'était marrant de vous voir ! »

 

Le gong  a sonné, nous sortons  accompagnés cordialement par les videurs. Nous rentrons en troupe, en ordre dissipé au backpacker pour boire le fameux dernier verre.

 

                 P1040449.JPG


 

A l'heure qu'il est, je savoure ma seule journée de repos de la semaine, la tête pleine d'ébène, Istok viens d'arriver, il est allé chercher sa paie, il m'explique que le gars a eu toutes les peines du monde à le payer, vous voyez l'image, quand on tend un billet et qu'en même temps on le tire vers soi car on a pas envie de le donner...  

 

 

Partager cet article
Repost0
19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 09:30

 

 

 

 

Cela fait déjà deux mois que j'ai posé mon paquetage à Katherine et curieusement, même si mon activité extra professionnelle ne se résume qu'en peu de mots, je ne vois pas le temps passer. Je me sens comme à la maison chez Coco et Tony.

Sean est parti en hélicoptère... Il bossait au Motel, sachant qu'il devait se rendre sur la côte-est, un de ses clients, pilote, lui a proposé de le rapprocher de Brisbane. Une proposition « irrefusable », je l'imagine dans l'engin, ne lâchant pas son appareil photo, les yeux brillants comme jamais.

Je me nourri de toutes ces histoires hors du commun :

 

Coco, ou les anecdotes d'un backpacker retraité, me régale deux ou trois fois par jour... Il est sans cesse occupé, coupe des branches par ci, bricole par là. Entre deux tâches, il aime s'arrêter cinq minutes pour discuter. Il nous demande comment se passe le travail, où nous irons ensuite, m'encourage à aller à Melbourne pour gagner de l'argent en chantant dans les rues, « Very good monay ! ». Il est à l'écoute, s'intéresse à toutes les expériences. Souvent, il fini par dire « je vais te raconter une histoire ». Du choc des cultures, quand il s'est rendu au Luxembourg avec de l'art aborigène à exposer :

« En Europe, la taille du cadre est standard, chez les aborigènes il prend toutes les formes, rien n'est droit... « Non Coco tu vois ta toile irait mieux ici, la symétrie voudrait que... » « Ha, bon, pourtant je la vois..là... » ».

A son amour profond pour les aborigènes :

« ...et quand il y a un mort dans une maison, ils s'en foutent, ils la désertent, quitte à dormir dehors, ils vont même te dire que c'est mieux, qu'ils pourront voir les étoiles »,

« … le gouvernement leur propose des programmes payés, pour leur apprendre à vivre comme des blancs, à mettre de l'argent de côté, à ne pas boire, mais ils n'y vont pas, il sont loin de tout çà... »

 

Les récits des aventuriers qui s'arrêtent au Coco's Backpacker... Les vrais, les puristes, ceux qui sont faits de courage et d'abnégation. Tout d'abord, le couple de suisses est arrivé en vélo, une étape dans leur tour d'Australie, puis un cycliste danois est apparu, un « tourdumondiste » atypique un peu frappé, et enfin Sylvain le randonneur.

Il marche depuis trois ans, depuis la France, a traversé l'Europe de l'Est, la Turquie, l' Iran, l'Ouzbékistan, la Chine à vélo, attrapant au passage le « palu » en Thailande, continuant à pédaler jusqu'à Bali, remarchant de Darwin à Katherine.

Je me souviens avoir navigué sur son site quand je préparais mon voyage. A l'époque j'amassais en permanence des informations, je passais mes journée devant l'écran, je ne visualise plus le contenu, mais le nom m'a marqué, sylvain-autourdumonde.com .

Je n'imagine pas le courage qu'il faut pour affronter le vent, la motivation nécessaire, quand il faut se lever pour marcher trente bornes. Pour faire Bordeaux-Paris çà prend vingt jours ! Je vous laisse réaliser le reste...

 

Tous mes colocataires ont quelque chose d'intéressant à raconter, chacun a son lot d' histoires croustillantes.

Après avoir fait une bonne vieille crise de foie, après avoir souffert d'une indigestion télévisuelle, je suis passé à la table des « djeun's », les personnages changent mais la série continue... Nous sommes une dizaine, nous travaillons tous, avons tous un objectif. Max, Pierre et Anna, les allemands, Johana et Yann, mes nouveaux complices français, ont tous besoin de se refaire la cerise, car voyager en Australie coûte un voir deux bras. Il se sont arrêtés à Katherine par accident, sont finalement partis pour rester encore quelques semaines, avant de reprendre d'assaut le pays.

Henning, lui aussi allemand, ( une invasion coordonnée de français et d'allemands se prépare en Ozie, qui sont les plus nombreux ? Difficile à dire. Une chose est sûre, à nous deux, nous sommes plusieurs centaines de milliers, nous progressons discrètement, vicieusement, ce pays est bientôt à nous... enfin jusqu'à temps qu'ils nous suppriment le visa ! ) vient d'être sponsorisé par son patron. Cela veut dire qu'il va travailler un an chez lui, comme mécanicien. Il veut devenir résident permanent, c'est le premier pas, il pourra ensuite travailler dans les mines à 50 dollars de l'heure :

«- Au bout de dix ans j'arrête de travailler! Ils vont avoir besoin de 58000 putains de travailleurs !

-Hum... pourquoi pas ? Et après tu seras encore vivant? En bonne santé ?

-Peu importe, c'est juste dix ans, çà peut valoir le coup ! »

Effectivement il y a énormément d'argent à faire en Australie, un type manuel, simple employé, peut se faire facilement 40000 euros à l'année !

A Katherine nous sommes tous payés entre 18 et 22 dollars de l'heure, « cash » sur le compte en banque, en ayant des emplois faciles, sauf peut-être Johanna... Elle travaille dans un « bottle shop », son vicelard de patron embauche des filles mignonnes pour mieux attirer et servir ses clients, jusque là ça va à peu près, ce qui est moins drôle, c'est qu'elles doivent porter toutes les caisses de bière, décharger les camions de livraison comme de vrais bonhommes, le tout en petit short, tenu obligatoire ! Je comprend la haine qu'elle a quand elle rentre le soir !

Pour ma part, je viens de décrocher un second job, grâce à Mikk, parti pour le Vietnam. Je vais enfin faire un boulot qui me ressemble, servir des bières, et en plus, au Katherine Sport Club !!! Je commence samedi, pour le match de rugby, j'enchainerai trois autres jours la semaine prochaine et ainsi de suite, avec les heures que je fais chez « le clown américain », je me prépare psychologiquement à en enchainer entre 50 et 60 par semaine. En tant qu'adulescent formé aux 35 heures, çà va me faire un peu mal au … . Mais bon, c'est un mal pour un bien ! Mon plan se précise : rester encore deux mois ici, amasser la monnaie, traverser l'Australie jusqu'à Adélaide, m'arrêter au passage à Uluru et King Canyon, près d'Alice Spring, pour rejoindre Melbourne, où je veux respirer au rythme de la musique, et être en Amérique du Sud à la fin de l'année.

Je pourrais rester plus longtemps, jusqu'à la fin de mon visa, explorer d'avantage le pays, mais même si je sais qu'il y a énormément de choses à voir, j'ai l'impression que sur une terre régit par des occidentaux, je connais déjà l'histoire. J'ai envie de découvrir des cultures vraiment différentes, de me remettre en danger ...

 

 

Partager cet article
Repost0
12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 07:42

 

 

 

 

 ( Lybie, Kadafi, résistants, peuple armé... publicité... Des morts... des morts... Ben Laden... Militaires, forces spéciales... Pakistan, Afghanistan... Paiements, millions, centaines de millions, centaine de milliers, milliards, argent, billets, dollars, euro, PIB, Cac 40, Dow Jones, or, petrol, gaz, céréales, taxe carbone, actions, ressources, Wall Street, trésor de guerre... Crise...Entrainements, terroristes, otages, rançon, pirates, coopération, islamisation, capitalisation, Guantanamo, envoyés spéciaux... Immigration, négationnisme, antisémitisme, guérilla, massacres, scandales, corruptions, écoutes téléphoniques... pacification, évangélisation... Réseaux, trafic d'organes, cocaïne, héroïne, drogue de synthèse, caféine, codéine, antidépresseurs, sous ordonnance, industrie pharmaceutique, Monsanto... CIA, FBI, NCIS, espionnage, barbouzes, services secrets, experts.... Etats-unis d'Amérique, Sarkozy, DSK, FMI, OTAN, ONU, OPEP... Nanotechnologies, dernière génération, hybride, clone, microchirurgie, avancées décisives, écran plat, 3D... Écologie, biologique, énergies renouvelables, pollution... Costume, cravate, raie sur le coté, calvitie, talon-aiguilles, tailleur Chanel, balaie dans le cul, élite, bureaucrates, technocrates... Chercheurs, épidémie, contamination, trithérapie... Flash, tapis rouges, podium, people, voyeurs... Misère, famine, détresse, ONG, secours, PEVD... Inondations, ouragans, cyclones, tremblements de terre, sécheresse, catastrophe nucléaire... Victoire, champions, patriotisme, marché des transferts... Made in China.. )

 

 

 

J'avais fini par oublier le « télécran », six mois de voyage à travers l'Europe et l'Asie m'avaient permis de tirer un trait sur ce racoleur vicieux, sans état d'âme. Plus de messages subliminaux, plus de ménagères de moins de cinquante ans, plus de politiciens véreux, narcissiques, plus de sondages, plus de démagogie, plus de morts à la seconde, plus de silicone, d'abdominaux « testostéronisés ».

L'horizon, le feu, l'eau, le bois et la chlorophylle l'avaient remplacé avec succès, me redonnant une fraicheur d'esprit intacte, l'œil vif ayant remplacé le globuleux, les idées claires ayant éradiqué la masse d'informations brouillonnes qui s'amassait en moi quand je faisais corps avec mon canapé après une journée de travail, mangeant des surgelées « micro-ondées », une fourchette dans la main droite, une zappette dans l'autre. Nous avons toujours le choix ( quoique … ) de ne pas lui vendre notre âme, mais cela demande une grande force de caractère, une attitude révolutionnaire et un mode de vie adéquat, car il faut bien l'avouer, il régit le monde, façonne les opinions, lisse les caractères, effraie le consommateur afin qu'il fasse des réserves pour aménager son abris antiatomique.

 

Je l'ai retrouvé dans le pays occidentale le plus à l' Est, l' Australie, dans une ville isolée, Katherine, dans un backpacker tranquille, le « Coco's ».

Dans la salle à manger, il est le chef de table, personne ne peut lui tourner le dos. Il ne dort que très peu, ne se tait que lorsque quelqu'un a le courage de faire le pas de plus pour actionner le bouton rouge qui lui fasse fermer sa gueule. N'étant pas de cette trempe, je me suis laissé envouter, me rassurant tout seul en me disant que c'est un excellent professeur d'anglais, omettant partiellement que le meilleur moyen de maitriser la langue de Shakespeare est de discuter avec des gens.

Travaillant à nouveau dans une multinationale, j'ai repris le plis, m'installant quotidiennement vers 18h30 sur ma chaise auto-attitrée, avec une bière, regardant les news, le sport, tout en pianotant son petit frère haut comme une pomme, téléchargeant des applications pour ne pas rater une miette du  feuilleton de la vie française, de la vie terrestre. Boire devant la télévision est la pire des accoutumances.

Xavier Dupont de Ligonnès le tueur nantais en cavale, qui en plus d'avoir massacré sa famille n'a même pas eu de pitié pour son chien ( un « Faites entrez l'accusé » serait en préparation, ils attendent juste qu'on le retrouve), la montée en puissance de Marine Le Pen et Sarkozy qui tente de séduire son électorat en propulsant Guéant, le type qui ne sait pas compter, et en faisant d'énièmes remaniements ministériels, la droite décomplexée, la gauche qui se prépare à une guerre d'égos, Kadafi l'ex copain du « petit », qui avait planté sa tente dans Paris il y a quelques mois, qui tire sur son peuple et qui menace, aujourd'hui, l' Europe entière..., la Syrie, le Yémen, le Pakistan..., O'bama qui n'a toujours pas fermé Guantanamo, Wikileaks révélant chaque jours les atrocités qu'ont subi ces hommes en tenues oranges, nus sur ces vidéos, baillonnés, humiliés, violés par des fonctionnaires souriants ( qui sont les terroristes ? ), l'assassinat, sans images à l'appui, de l'ennemie public numéro un, et le top du top, la série que même les plus grands scénaristes hollywoodiens n'auraient osé imaginer, l'affaire DSK.

« Sexe, mensonge et vidéo » ou « Ex-présidentiable, pute et grand déballage médiatique »...

J'avoue, sans grande fierté, avoir suivi l'Affaire passionnément, ne ratant pas un article de Libération et du Monde.fr, espérant le silence dans l'assemblée quand un « flash » d'information apparaissait entre deux coupures de publicité, me souvenant avoir lu, avant que je ne quitte la France, que le « petit » ( encore lui ), l'avait mis en place au FMI pour mieux le détruire, notant l'avis de Poutine, expert en la matière, disant qu'il trouvait cette situation louche, il paraît si simple de piéger un « queutard » qui rêve d'esthétique à la Eyes Wide Shut...

 

Alors que la joie de vivre, la zénitude, les choses simples dictaient ma vie ces derniers mois, j'ai retrouvé un trait de personnalité qui me caractérisait moins, le cynisme. Dualité, quand tu nous tiens...

 

Le télécran, que je visionne ici, possède quatre canaux, représentants les chaines locales des différents territoires. Pas un film à se mettre sous la dent, que des « talk-shows », des séries, des infos, des morts, du sexe, de l'entertainment à l'américaine, et du sport,  . Ah du sport! Je fais aussi parti des ces addictes aux sports télévisés.

Je maitrise désormais les règles du football australien, j'ai pu suivre Wimbledon et Jo Wilfried Tsonga, regarder des matchs du « super 13 » le top niveau du rugby mondial. Je suis surpris de voir à quel point les australiens aiment le Tour de France. Ils n'en ratent pas une miette, j'aime leur dire que j'avais l'habitude de le regarder pendant que je faisais la sieste, que le soccer se nomme football.

 

Le point positif ? Le télécran est une sorte de shakra,  de troisième oeil   , il nous permet de fixer un point et de réfléchir, de méditer. Combien d'entre nous le regarde sans voir les images ? La moitié du temps, si l'on me demandait ce qu'il vient de se passer, je serais incapable de répondre à cette question, comme quand un professeur, me voyant les yeux dans le vide, me demandait :

«- Vincent !? Qu'est-ce que je viens de dire, là ?

-Heu... J'sais pas ... ».

 

Promis, je vais décrocher...

 

 

 

Partager cet article
Repost0
5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 11:49

 

 

 

 

 

 

Ce matin là, en entendant frapper à la porte, je savais, sans ouvrir les yeux, que nos dernières heures sur le parking « magique » étaient comptées. Un type, en uniforme beige, chapeau beige, bermuda beige et pataugas kakies, actionnant une manivelle imaginaire, me fait signe de baisser la fenêtre :

 

«- Bonjour, ranger du comté. Ce véhicule est à vous ?

- Oui.

- Vos papiers s'il vous plait ?..... Merci. »

 

Sean se réveille, nous sortons de la voiture.

 

« -Vous savez que vous n'avez pas le droit de camper sur ce parking.

- Heu... non...

- On nous a signalé que vous êtes là depuis six jours.

- Désolé... Ma voiture est en panne... j'ai bien cherché à l'emmener chez un mécanicien... mais personne n'a voulu la prendre, « trop débordés » qu'ils disaient. Je ne sais pas comment faire.

- Je devrais vous verbaliser. Bon... vu que vous avez l'air de gentils garçons, je vais vous laisser une chance. Vous devez quitter ce parking avant ce soir. Si vous êtes encore là...

- Mais monsieur, je ne sais pas où amener ma voiture...

- Bon, ok, tu vas aller chez Pffennig, tu dis que tu viens de ma part, il va la prendre ta voiture.

- Merci Monsieur !

- Je vous préviens les jeunes, si ce soir...

- Promis ! »

 

Ce ranger était charmant, il nous a parlé comme si nous étions ses fils, juste une petite remontrance, et avec le sourire s'il vous plait !

 

Cinq heures plus tard, Monsieur Pffennig est arrivé avec sa dépanneuse :

 

« -Attendez cinq minutes s'il vous plait, il faut que je décharge les affaires.

-Tu vas où?

-Coco's Backpacker.

-Monte dans le camion, tu déchargeras tes affaires là-bas!

-Merci! »

 

Quand je suis arrivé devant le « Coco's », le ranger, qui a vu la voiture remorquée, est venu nous remercier en nous disant, « c'est bien vous êtes de bons gars! ».

Sean avait prit les devants, négociant déjà avec Coco, au lieu de 130 dollars la semaine, en tente, nous paierons 110 et nous aurons trois heures de wifi gratis.

Au premier abord, Coco a l'air rude, il a une grande gueule :

 

« ...et vous ne me ramenez personne ici, donc çà veut dire que si vous voulez baiser dans votre tente, il va falloir trouver une fille chez moi. Je ne plaisante pas, sinon c'est dehors, même si vous avez payé pour la semaine! »

 

Je comprendrais plus tard, qu'il voulait juste nous impressionner pour que nous respections les règles de vie qu'il prône. Il est d'origine fidjienne et hollandaise, mais est « australien à 100 % », il a la cinquantaine. En creusant un peu le personnage, je vais découvrir, que c'est un type qui aime la vie, au sens noble du terme, c'est un ancien backpacker qui a voyagé partout en Europe et en Asie, un passionné d'art aborigène, un très bon joueur de didgeridoo qui sait aussi titiller les six cordes d'une guitare. En plus de l'auberge, il tient un atelier d'art :

« Ça c'est mon vrai métier, c'est ce qui donne du sens à ma vie ! »

 

Un soir, vers 22 heure, en le voyant passer, je lui ai demandé comment faire pour respirer tout en jouant du didgeridoo. Il m'a dit de le suivre dans son atelier. De l'extérieur, on dirait un garage poussiéreux, mais quand il a ouvert la porte, je fus surpris par la propreté du lieu. Il m'a donné un cours, soufflant dans chacun des instruments pour me faire écouter les différentes notes, pour me justifier le prix exorbitant que certains peuvent avoir, il me les a fait essayer, m'a vanté les toiles qu'il achète à des artistes. Quand on l'accroche sur un sujet qui l'intéresse, il peut parler pendant des heures.

 

               

 

L'ambiance est paisible, nous vivons au milieu des poules, nous avons planté nos tentes dans le fond du jardin, avons vite été adoptés par les autres voyageurs, qui sont actuellement des travailleurs qui bossent dans le coin. Il y a Méli et Ruby, lui est estonien, elle coréenne, ils ont la trentaine, ( Ruby est ma collègue, Mél' est celui de Sean ), Henning un allemand de l'est  bon vivant, Ben, un australien qui est l'exception qui confirme la règle car ceux que j'ai rencontrés jusqu'à présent n' étaient pas des flèches, un coréen et un japonais, discrets, un couple franco-estonien, Yann et Johana, et la bande des cinquantenaires, Mike, un australo-hollandais, Marianne, hollandaise, Gavin, australien, ils travaillent dans des fermes, font la cueillette, et Tony. Au début, je pensais qu'il faisait parti du décor, qu'il était là pour acceullir les arrivants, donner des tickets internet... Il est toujours devant la télévision, dans la véranda , sur sa chaise attitrée, collé à la porte fenêtre de sa chambre, ce qui lui permet, quand il a bu trop de Gold XXXX, d'avoir environ sept pas à faire pour atteindre son lit. Après des années de voyage dans le sud-est de l'Asie, il a investit dans ce backpacker avec Coco, vingt ans plus tôt. Il est fier de dire qu'officielement, cinq couples se sont mariés après s'être rencontrés... ici.

 

                

                

( Sean, un écrivain en herbe )

 

                

 

J'ai embauché chez le grand clown américain depuis trois semaines. Cinq jours par semaine, j'enfile mon déguisement pour passer ma journée derrière le comptoir à faire le « runner » en préparant les commandes, en servant les clients, ou le « front counter » en prenant les commandes et en encaissant l'argent, des fois je suis au « drive »... Comment je fais pour ne pas péter les plombs et accepter de travailler dans une boite de merde qui produit énormément de déchets ? Je compte les heures ( 19 dollars de l'heure ), faisant semblant de m'impliquer pour en faire un maximum,  le nombre de pas qui  séparent  ma tente  de la pointeuse ( 314,5 pas, moins quand je suis en retard à 6 heure du matin) , et surtout, je me dis que même le grand Alexander Supertramp est passé par là pour mettre de l'argent de coté, s'acheter du matériel et planifier son voyage en Alaska. Je vise l'Amérique du Sud.

 

Ce qu'il y a de bien à Katherine c'est... qu'il n'y a rien à faire. La seule distraction que nous avons est d'aller au pub le vendredi soir, de boire quelques bières, de jouer au billard, de mettre une pièce dans un des jukebox pour zapper les Guns'n Roses, les dieux vivants des cowboys. C'est le seul soir où la ville est "animée", et vu que les jeunes locaux consomment leur salaire en une nuit, ils ne sortent pas les autres jours, nous ne sommes donc  pas tentés de faire les fous quotidiennement  . Comme dirait Mark Renton, « c'est le trou du cul du monde ici ! ». C'est ce que je recherchais, çà me permet de mettre 350 dollars de coté par semaine.

Le jour, durant mes temps libres, je joue de la guitare, révise mes classiques pour animer les feux de camps, et pourquoi pas, essayer de gagner un peu d'argent en chantant quand je retournerai à la ville. J'ai à nouveau de la corne aux doigts. Le soir, je m'attable avec les cinquantenaires qui fument et boivent de la bière devant le footie, le football australien, ils m'ont appris les règles, c'est un mixe entre le football et le rugby, qui se joue sur un terrain de cricket. Selon Tony, « le rugby est un jeu de gentlemen joué par des bourrins, et le footie est un jeu de bourrin joué par des gentlemen ». Je participe à leurs cessions « chambrage », chose qui me manquait depuis mon départ.

 

J'ai besoin de prendre l'air, de quitter les environs l'espace d'une nuit, d'aller dans la nature, d'oublier un peu tous ces gens stressés et dépressifs que je côtoie au quotidien. J'ai deux jours de congé, avec Ben, nous avons prévu d'aller aux Katherine Gorges qui se trouvent au Nitmiluk National Park, à une trentaine de kilomètre. Nous partons... maintenant.

Nous embarquons notre matériel de camping, des provisions, nos guitares, montons dans sa voiture.

Vingt cinq minutes plus tard, nous sommes au « tourist-centre », prêt à louer un canoë pour partir à l'aventure sur Katherine River, mais à notre grand désespoir, la petite femme de l'accueil nous explique qu'il est trop dangereux de pagayer dans les gorges en ce moment, trop de crocodiles.

Ben tient vraiment a voguer sur l'eau pour pouvoir prendre de beaux clichés. Nous nous renseignons sur le prix des croisières touristiques :

 

«-77 dollars ?!! » Lui dis-je.

« -Ouai, c'est pour quatre heures, c'est correct .

-Ha bon?

-Qu'est-ce que t'en penses?

-Je ne sais pas trop... heu..pourquoi pas......

-Donc on réserve ?

-Bon... d'accord, par contre j'aimerais bien voir la tête des gens qui embarquent d'abord... »

 

A peine dans le bateau, je commence déjà à déprimer. Il n'y a que de riches touristes du troisième âge, portant les même chaussures, les mêmes chapeaux, qui applaudissent à l'unisson les commentaires du guide. Il faut que je fasse abstraction, Ben les ignore déjà, il s'est mis dans sa bulle, je dois faire la même chose, car il faut que je profite du spectacle.

Je me retrouve pour la troisième fois au cœur du pays aborigène, dans un parc national, naviguant cette fois-ci dans un canyon sculpté par des millénaires d'érosion fluviale. Je me concentre sur la vue, j'oublie les larsens du micro pour prévisualiser dans ma tête mes futurs photos. Je me sens récompensé au moment ou je vois un crocodile se reposer sur les bords de la rivière, je dis à Ben, « elle coûte cher cette putain de photo, 77 dollars ! », il rigole. Je peux raturer ma liste de choses à faire en Australie, « prendre une photo d'un crocodile en liberté, çà … c'est fait ! ». Il est compliqué de voir un crocodile à l'état sauvage, ils sont discrets, celui-ci a l'air de toujours venir à la même place pour prendre le soleil, le guide savait exactement ce qu'il faisait en se rapprochant des rives. Malgré la beauté extrême de ce paysage nous n'allons pas passer un super moment méditatif, nous nous consolerons avec les images...

 

               

 

               

 

               

 

               

 

               

 

                              

 

En revenant vers le « tourist center », nous nous demandons s'il nous faut rester ou rentrer à la maison. Encore une fois je le joue à pile ou face, nous restons, nous dormirons au camping cette nuit ( 17 dollars ).

Des 4X4 et des tentes de 15 mètres carré sont implantés sur la plupart des emplacements, nous cherchons un endroit truffé d'igloos, il n'y en a pas.

Nous nous installons dans un coin. Au dessus de nos têtes, des centaines de chauves souris sont accrochées aux arbres comme des fruits, elles poussent des cris stridents.

 

               

 

               

 

Au moment de cuisiner notre riz sur un réchaud bon marché, nous voyons apparaître un wallaby, c'est une femelle, son petit est caché dans sa poche, il ne sort sa truffe à l'air libre que de temps en temps. C'est le premier que je vois vivant, les autres étaient morts au bord des routes, écrasés par des routiers. Elle n'a pas peur de nous, elle reste à une vingtaine de mètre, s'assoit, elle me regarde dans les yeux, je l'appelle comme si c'était une chienne, ses oreilles bougent, elle ne vient pas vers moi. Nous l'oublions. La nuit tombe, nous mangeons :

 

« Hey, Vince, regarde ! » me dit Ben en souriant.

 

Elle s'est rapprochée de nous, elle n'est qu'à cinq mètres, attirée vraisemblablement par l'odeur du curry et des légumes. Je lui parle, elle continue à bouger ses oreilles, je lui tend un morceau de pain, elle s'approche, le prend délicatement dans ma main. Je la caresse du bout de l'index. Elle se laisse faire, puis recule, « attend ma belle, c'est le prix à payer, si tu veux du riz approche toi », elle comprend, je mets un peu de riz par terre, la caresse à nouveaux, son petit, curieux, montre sa tête, elle est minuscule, à croquer . Elle reste encore quelques minutes avec nous, puis s'en va.

Nous sortons nos guitares, nous jouerons jusqu'à temps d'aller nous coucher. D'autres wallabies, intrigués par la musique feront leur apparition.

 

               

 

               

 

                

 

Au petit matin, nous sommes réveillés par les chauves-souris, elles hurlent à la mort, se battent avant de se coucher. Nous plions le camp, nous partons marcher.

Plusieurs parcours de randonnée ont été tracés dans le parc, certains se font en deux ou trois jours, nous prenons le chemin qui mène à la  Butterfly Gorge . Le paysage est à la fois aride et  tropical , montagneux, il fait près de 35 degrés, deux serpents vont fuir en attendant nos pas, des papillons noirs avec des points blanc, des White Crows Butterlies, nous guident jusqu'aux rives. Nous escaladons cette montagne de roche sableuse, pour nous assoir en hauteur, sur son flanc. La vue est imprenable, nous méditons, n'usant aucune salive pour nous parler. C'est ce que j'aime chez Ben, car en plus d'être un chef spécialisé dans la cuisine française, d'être un fou de musique, d'être intéressant, il n'a pas besoin de causer pour se sentir vivant. Nous restons là, plus de deux heures...

 

               

 

                            

 

               

 

               

 

Nous rebroussons chemin, avançant prudemment. Le soleil est au zénith, nous regardons attentivement où nous mettons les pieds, de peur de marcher sur un serpent, particulièrement quand nous traversons un point d'eau, ceux que nous avons croisés ce matin raffolent des grenouilles, même s'ils ont peur de nous, s'ils se sentent agressés, ils tuent en moins de 45 minutes. Quand on fait attention il ne se passe jamais rien de mal.

Nous sommes en phase avec les éléments, au loin, l'horizon nous sourit...

 

                        

 

               

 

 

Dans la voiture, en rentrant, mes yeux se ferment , je me souviens de mon enfance, quand je luttais pour ne pas m'endormir ainsi, après un week-end actif, après m'être dépensé...

 

 

 

 


 

 

 

 


 

Partager cet article
Repost0
5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 11:43

 

 

 

 

( Construite le long de Stuart Higway, cette route qui relie Darwin à Adélaïde, Katherine est une petite ville isolée dans le North Territory, une étape pour les voyageurs qui traversent l'Australie du nord au sud. Aux portes du désert, elle offre quelques sites naturels intéressants à visiter, dont le Nitmiluk National Park et ses fameuses gorges sculptées durant des millénaires par la rivière... Katherine.

Mis à part camper dans la nature ou se détendre dans des sources d'eau chaude, il n'y a rien à faire dans cette bourgade. L' intérêt qu'un backpacker trouvera à venir dans le coin ? L 'argent ! Les salaires sont élevés et l'économie locale tourne à plein régime. Vous pourrez cueillir des pastèques et des mangues, servir des bières ou des burgers à des barbus, cuisiner, faire le ménage dans une base militaire, dans un hôtel. Encore faut-il tomber au bon moment, rencontrer la bonne personne, avoir un peu de chance, de l'expérience ou du culot. )

 

 

 

 

 

 

Après trois semaines passées à Darwin, après une escapade à Kakadu, des derniers jours faits de rencontres, de déplacements en bandes, d'apéritifs géants, je me suis décidé à quitter Darwin. Disons qu'il fallait que j'aille voir ailleurs, bien trop de backpackers recherchent des emplois, et vu que je n'ai pas encore d'expérience professionnelle australienne, mis à part ces quelques jours passés chez Bill, je passais après les autres :

 

« - On a choisi quelqu'un ayant plus d'expérience que vous, désolé, votre entretien s'est bien déroulé, je garde quand même votre CV sous le coude.

-Vous plaisantez j'espère, vous avez lu mes références ?! Que diriez vous à un gamin de 20 ans. Çà fait 10 ans que je bosse dans le business!

- Sincèrement désolé Vincent, je ne doute pas une seconde de vos capacités, mais, vous n'avez pas de référents australiens... »

 

 

Ici les entrepreneurs aiment qu'on leur indique des personnes à contacter pour qu'ils puissent vérifier que vous êtes un bon travailleur, je ne leur ai laissé que des numéros de téléphone français. Il va falloir que je triche, comme certains, que je donne de fausses références, genre, serveur dans un restaurant italien, et que je note le numéro de Jacomo, un pote.

 

« Ciao... Vincenzo ? Cé oun poutin dé bon tlavaillor !!! Ma qué, j'aulé aimé né jamais m'en sépaler !... »

 

Mon idée première était d'aller sur Alice Spring, c'est une ville située au centre de l' Australie, au coeur du désert, qui ne laisse personne indifférent, peu de gens s'y plaisent, donc peu y restent. Je me disais que m'isoler dans un coin paumé où l'on est bien payé serait la meilleure solution pour mettre des sous de coté.

L'équation est simple :

 

Travailler à 20 dollars de l'heure minimum + ne rien avoir à faire mis à part boire 2 ou 3 bières le soir face à 1 « ZZTop » dans l' 1 des 2 seuls pubs du coin + tenir le coup pendant au moins 2 mois = compte en banque²

 

Laurent, un français, me dit qu'il n'en peut plus de zoner à Darwin, qu'il part pour Katherine « Y' a gavé de jobs là-bas, on s'y rejoint ?! », j'y songe sérieusement.

Le soir même, j' empreinte la guitare de Fabien. En faisant mon show dans le pré, en face du Frog's Hollow, au sein de notre troupe franco-germano-anglo-italienne, Clémence et Sean, me disent qu'ils veulent aussi quitter Darwin.

Dans le même temps, deux hollandaises, vendent leur voiture, une Ford Falcon blanche, un break. Après être allées chez le garagiste pour la faire réviser, elles me proposent la voiture pour 500 dollars, il y a l'alternateur à changer. Je vais au garage avec elles et Fabien ( mécanicien ) dés le lendemain. Je me renseigne sur l'état de la voiture. « C'est une bonne voiture, tu pourras rouler encore pendant 30000 ou 40000 bornes », me dit le garagiste. Je l'achète, fais faire les réparations, au final elle ne me coûte que 950 dollars, une « putain » de bonne affaire !

 

Un dernier passage au marché de Darwin afin de profiter du coucher de soleil, de voir ces musiciens barrés, d' écouter ce set hallucinant, où l'un fait vibrer ses toms, son shirley et sa grosse caisse à la sauce post-rock, où l'autre se joue de quatre didjeridoos « électronifiés », un chanteur-guitariste participant partièlement à la fête. Des aborigènes sont en transe, face à la scène. Un dernier barbecue sur la plage, notre décision est prise, nous partons avec Sean et Clémence à Katherine, au passage nous nous arrêterons au parc national de Litchfield et  rejoindrons un couple d'américains et un allemand.

Au moment de dire au revoir, Thomas, me dit :

 

«- Hey Vincent, tu cherches toujours du boulot ? J'ai un plan pour toi, pour aller bosser quelques semaines sur un chantier, tu partirais en avion, tu y bosserais sept jours sur sept.

-Merci Thomas, mais je vais à Katherine, j'en ai marre d'être ici, j'ai besoin de bouger... »

 

                

 

                

 

 

Sean est un anglais de 22 ans, un fanatique de musique qui passe son temps à lire, ses écouteurs bien calés dans les oreilles. Il est calme, réfléchit, mûr pour son âge. Clémence à la trentaine, elle est blonde, sourit tout le temps. Elle possède un gros tempérament, une de ces femmes indépendantes qui aime s'amuser.

 

Nous sommes prêts. Nous passons à la station essence, faisons des provisions, «  En route mauvaise troupe !!! ».

 

Je m'habitue rapidement au fait de rouler à gauche, la voiture fonctionne bien … jusqu'à quelques kilomètres de Litchfield, au moment de vouloir faire un demi-tour, elle cale, de la fumée s'échappe du moteur, du récipient contenant le liquide de refroidissement. Nous attendons un peu, je la recharge en eau, nous repartons.

Bo, Cory et Leandro sont déjà sur place, la nuit est sur le point de tomber, nous trouvons un camping.

Bo, est biologiste, je pars avec lui pour chercher du bois afin de faire du feu. Il m'enseigne comment le sélectionner, « le bois doit être dur, très dur », à grands coups de machette, nous récoltons six ou sept buches qui flamberont la nuit entière.

Nous passons la soirée autour du feu, je joue du ukulélé. Bo sors un didgeridoo de son van et me l'offre, un cadeau qu'un ami lui a fait, il attendait de trouver quelqu'un qui puisse prendre soin de son bébé.

 

« Merci Bo, j'sais pas quoi dire. J'ai trop de chance, il y a une semaine, Thomas et Hélène m'offraient une tente, quand je suis parti du Frog's Hollow, Fabien m'a donné sa guitare, et là ce didjeridoo, c'est un truc de « ouf »!... »

 

Ces trois routards ont un état d' esprit parfait, ils sont généreux, exubérants, attentifs à ce qui les entoure, intelligents, prêts à tenter n'importe quelle aventure. Sur un coup de tête, ils se décident d' aller nager, de nuit, à la cascade, nous les suivons. Frileux, je me contente de regarder les étoiles et d'écouter la nuit.

 

Le lendemain nous sortons de nos tentes au petit matin pour aller voir ces fameuses chutes d'eau, c'est splendide, il y a un peu trop de touristes à mon goût, mais nous ne boudons pas notre plaisir. Équipés de masques et de tubas, nous explorons les profondeurs de cette eau douce et fraiche, il y a des milliers de poissons. En remontant vers nos véhicules, nous croisons le chemin d' un serpent, il n'a pas l'air effrayé, il fait semblant de nous ignorer tout en faisant le beau.

 

                

 

                

 

                

 

                

 

Je vérifie le niveau d'eau de la voiture, j'en ai remis ce matin, il n'y en a déjà plus, j'ai l'impression qu'elle coule par terre. Je la recharge. Nous décidons de reprendre la route, nous avons encore deux cent kilomètres à faire, nous allons rouler tranquillement. Les hollandaises avaient baptisé cette voiture Sandy, je l'ai rebaptisée Amy, et là du coup j'ai l'impression qu'à l'instar de cette junkie de génie qu'est Amy Winehouse, elle a très mauvais caractère, j'aurai peut-être dû l'appeler Christine...

Quarante kilomètres plus tard elle s'arrête, il n'y a plus d'eau. Un australien vole à notre secours :

 

« C'est du sérieux ! Il doit y avoir un crack dans le moteur, l'eau va dedans, si vous allez jusqu'à Katherine, roulez lentement, maximum 60 à l'heure, arrêtez vous régulièrement pour remettre de l'eau. »

 

Sean et Clémence tentent de me convaincre de retourner sur Darwin mais je m'y refuse, s'il y a bien une chose que je n'aime pas, c'est revenir en arrière, j'ai besoin d'aller de l' avant, je ferai réparer Amy à Katherine. De toute façon, j'aurai beau dire tout ce que je veux au garagiste, il aura gain de cause, j'ai juste une facture indiquant qu' il a changé l'alternateur, mais je n'ai rien qui prouve qu'il a fait une révision de la voiture. Je tente le coup, nous allons peut-être tomber en panne au milieu de nul part, je m'en balance.

 

Je roule entre 40 et 60 Km/h, des trains routiers nous doublent à toute allure. Nous atteignons Pine Creek, 100 kilomètres après Litchfield, trois heures plus tard...

C'est une ville  minuscule, il y a juste une station service, deux ou trois hôtels, un camping et un garagiste.

Je me renseigne pour faire opérer Amy, un type, derrière son comptoir, m'explique qu'il y a un enterrement, que le mécanicien est de la partie. Il me dit de repasser demain.

J'hésite, je ne sais pas quoi faire, j'attends ? Je continue ? Après avoir tenté de nous faire embaucher dans ce trou paumé, nous reprenons la route, faisons refroidir deux fois le moteur, récupérons de l'eau dans une roadhouse pour finalement nous garer sur un parking pour camion afin d'y passer la nuit. Nous mangeons des noodles « non délyophilisés », partageons une boite de thon et croquons dans une pomme en guise de dessert. Nous nous endormons en regardant deux épisodes de « How I met your mother ».

Nous nous réveillons vers 9 heure, donnons à boire à Amy, elle en demande toujours plus.

Nous roulons 40 bornes, il n'y a plus de station-service avant Katherine, nous remplissons des bouteilles dans une rivière en nous méfiant de l'arrivée d'un éventuel crocodile, l'eau est transparente, elle fera l'affaire.

Enfin la dernière ligne droite, nous pénétrons lentement dans Katherine, abrutis par le clic-clac des feux de détresse, nous nous garons sur le premier parking venu. Il est 14 heure, mission accompli ! Amy est sur le point de rendre l'âme, elle suffoque, elle couine, elle transpire...

 

Nous sommes déjà en train de déposer des CV dans tous les bars, les cafés, les restaurants, les magasins. Katherine est toute petite, son centre est composé d'une rue principale d'à peine 500 mètres de long, et d'une rue parallèle. Dans cet espace réduit il n' y a pas moins de quatre "bottle shops" ( magasins qui vendent uniquement de l'alcool ). Les hommes ont des dégaines de cow-boy, les femmes aussi (ou presque) , il y a beaucoup d'aborigènes qui errent sans but le long de la route, qui sont  assis sur le terre-plein ...

 

               

 

               

 

 

Avec Clémence, nous revenons bredouille. Sean, en bon anglais, a déjà trouvé un job, barman au Motel.

 

« J'suis dégoutée en fait » me dit Clémence,

« -J'ai refusé un job à Darwin parce qu'on partait...

-Moi aussi...

-Je crois que je vais y retourner. J'suis trop impatiente! Putain ! Je n'étais à Darwin que depuis cinq jours! Je commence à regretter...

-Ne regrette pas, comprends. Je ne retournerai pas à Darwin, si je dois bouger, j'irai à Alice Spring, je vais attendre ici une semaine, et si rien ne bouge... »

 

Clémence partira deux jours plus tard, en auto-stop.

 

Avec Sean, nous avons garé la voiture sur le caravan-park, Amy ayant rendu l'âme, nous la squattons pour dormir. Pour l'instant aucuns rangers n'est venu nous dire de bouger, mais nous savons bien que nous n'avons pas le droit de nous installer ici.

Je passe quelques jours à trainer dans Katherine, j'ai postulé au supermarché du coin, au Mc Donald, dans un hotel pour travailler en tant que commis de cuisine, au golf-club, au country-club, toujours rien. La seule chose positive est que je dépense peu d'argent à vivre comme un gitan.

Sur le parking, des voisins sont arrivés, Sacha et Lara, un couple franco-allemand qui espère aussi trouver du boulot dans le coin. Un soir alors que nous nous faisons cuire des pâtes, un aborigène titubant vient à notre rencontre, s'assoit en tailleur à coté de nous :

 

« -J'ai faim, brothers, vous auriez du pain ?

-Tu veux du pain?... Tiens.

-T'as pas quelque chose pour mettre dedans?

-Non, désolé.

-Donne moi une bière, brother.

-...Tiens. » Je lui tend ma bière, je n'en ai qu'une.

 

« -Donne moi une cigarette, brother.

-...Tiens.

-T'as pas du poulet ou du bœuf pour mettre dans le pain?

-Non, désolé, on a juste ces quelques pattes, pour nous.

-Donne moi du bœuf... donne moi une bière... donne moi une clope.... donne moi....donne moi brother.,... brother....brother.

-Attend, tu m'a demandé du pain, je t'en ai donné, tu m'as demandé une bière je t'ai fait boire dans la mienne, tu m'as demandé une cigarette, je t'ai fait fumer. On a pas grand chose, on ne peut pas t'aider plus... »

 

Il reste assis, il ne cesse de nous demander, demander, demander, il est saoul, défoncé.

 

« Attends, tu arrives, on ne te connais pas, tu nous demande, on te donne, tu ne nous dis même pas merci, on ne peut rien faire de plus pour toi. »

 

Il reste assis, continue.

 

« -C'est parce que je suis noir hein? Tout ça parce que j'ai la peau noir » Il se tire  la peau du bras.

« -Pas de çà avec moi s'il te plait! Que tu sois noir, ce n'est pas l'problème. Tu viens, tu nous demandes, on te donne et t'en veux toujours plus. Tu t' fous de notre gueule, tu te fous d'nous connaître, tu veux juste ce qu'on a. Tu n'te présentes pas, tu ne cherches pas à partager un moment avec nous. C'est pas une question de couleur. Non, on ne te donnera plus rien !

-Aidez moi, brothers, donne moi du bœuf, du poulet je m'appelle...merci...je m'appelle...merci...

-T'as rien compris! Ecoute moi bien, t'es le seul à pouvoir t'aider, le seul! Même tes frères de sang ne pourrons rien pour toi si tu ne décides pas de t'aider toi même, on est tous tout seul! »

 

Il a la quarantaine, ses traits sont épais, creusés, mais il boude comme un gamin. Il reste là, assis, se foutant complètement de ce que je lui dis, ses yeux sont globuleux, sa réalité est ailleurs. Nous arrêtons de cuisiner, remballons nos gamelles, fermons nos voitures à clé et partons marcher.

Nous sommes bouleversés. Nous nous rendons compte à quel point les aborigènes sont mis à l'écart de la société australienne, à quel point ils sont écorchés, brulés à l'intérieur comme à l'extérieur.

Il y a beaucoup de tribus qui vivent dans des réserves en respectant les us et les coutumes de leurs ancêtres, ces aborigènes sont sages, élevés spirituellement. Un grand nombre des aborigènes qui vivent en ville ont été exclus de leurs clans à cause de problèmes liés à l'alcool, à la drogue, à la pornographie. N' étant pas réellement inclus dans la société australienne, ils vivent des pensions de l'état et n'ont rien d'autre à faire que de trainer, ils n'ont pas d'emplois et çà arrange « tout le monde », seuls les artistes s'en sortent avec honneur, car le marché de l'art aborigène est florissant.


Quand vous vous levez tous les matins sans avoir de but et que vous vous sentez rejetés, qu'est-ce qu'il se passe ? Vous vous enfoncez, vous employez tous les moyens qui sont à votre portée pour tenter de vous échapper, rajoutez-y le fait que dans votre culture, on ne vous a jamais évoqué les dangers de l'alcool et des drogues, vous touchez alors le fond.

Ces êtres humains ne sont pas considérés comme tels, je lis le désarroi sur chacun de leurs visages, je ne compte même plus le nombre de fois ou j'ai vu une femme pleurer à chaudes larmes, hurler de dépit dans la rue. Le pire, c'est qu'ils sont bien plus chez eux, en Australie, que tout ces petits-enfants d'européens............

 

 Je me réveille avec l'idée de quitter Katherine, j'en discute avec Sean, il me propose de s'occuper de la voiture pour qu'il puisse continuer à dormir dedans. Cela m'arrange,car je sais bien qu' Amy ne sera pas opérable, je me suis déjà fait à l'idée que j'avais brulé de l'argent.

Je regarde le prix des billets de train pour aller à Alice Spring, j'hésite, est-ce que je dois les acheter maintenant ? Pile ou face. Pile je les achète, face, pas maintenant... Face !

 

Je vais attendre demain.

Sacha et Lara sont de retour sur le parking en fin d'après-midi, il n'ont pas trouvé de job, ils sont désabusés, une femme leur a dit qu'il fallait qu'ils se lavent les cheveux avant de chercher du travail, ils veulent partir au plus vite. Nous buvons l'apéritif, mon téléphone sonne :

 

« -Allo?

-Vincent?

-Oui.

-Bonjour, Richard, directeur du Mc Donald's de Katherine. Vous cherchez toujours un emploi ?

-Oui !... »

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de magicworldtour
  • : Sur les traces de Jack Kerouac, de Santiago le berger et d'Alexander Supertramp... A la recherche de l'inspiration, de la musique et de la sagesse....
  • Contact

Recherche

Liens