Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 19:59

 

 

 

 

«-Bonsoir mesdemoiselles, bonsoir mesdames, bonsoir messieurs, nous sommes en direct d' Auckland,  à quelques minutes du coup d'envoi de la finale de la coupe du monde de rugby 2011.


              IMG_2518.JPG


Bonsoir Jean Michel, le tournoi touche à sa fin ?

 

-Tout à fait Thierry, bonsoir à tous et à toutes, bonsoir Thierry. On peut dire que ce soir, le monde de l'ovalie, de la cocotte et du raffut est en fête ! Nous sommes en terre néo zélandaise, chez les All Blacks, cette équipe qui, vous l'admettrez assez facilement, est la référence rugbystique planétaire, à l'image des brésiliens au football, des canadiens aux hockey sur glace et je dirai même des français au handball. Une finale à domicile face, on l'espère, avec de valeureux français, qui ont été vivement critiqués par tous les spécialistes depuis leur victoire face aux gallois.

 

-Ha oui oui oui Jean Michel ! On a pu lire pendant toute la semaine les horreurs écrites par nos confrères du New Zealand Herald, qui disaient tout simplement que de voir ce quinze de France en finale de cette coupe du monde était une insulte faite au rugby.

 

-Tout à fait Thierry, il faut dire que nos coqs sont loins d'avoir livré un match abouti, ils ont tiré leur salut du mauvais jeu au pied des diables rouges, mais cela fait parti du sport ! Ils ont privilégié un retour aux fondamentaux, conquète, solidarité et engagement, au dépend de notre supposé « french flair », et n'en déplaise aux amoureux du beau jeu, pour l'instant çà paye !

 

-Oui, Jean Michel, après la désillusion face aux  Tongiens, il s'est dit beaucoup de choses dans le vestiaire tricolore, les langues se sont déliées et un histoire d'hommes est née.

 

-Mais cela ne nous... regarde pas mon cher Thierry !

 

-Détrompez vous mon cher Jean Michel, je ne parle pas de vie privée, qui effectivement, ne nous... regarde pas, je ne parle pas non plus de virées au « Fucking Blue Boy », qui bien entendu, ne nous …

 

-Regarde pas ! Tout à fait Thierry, vous vouliez sûrement dire qu'une équipe est née.

 

-Maintenant, chers téléspectateurs, retrouvons sans plus attendre notre envoyé très  spécial qui se trouve au cœur de l'action ! Bonsoir Vincent, où êtes vous actuellement ?

 

-Bonsoir Thierry, bonsoir Jean Michel, je suis aux portes de Victoria Park, en train de tenter de rentrer dans une des zones à écran géant implantées aux quatre coins d' Auckland. J'ai perdu ma carte de presse donc je suis obligé de faire la queue, et çà fait environ une heure que j'attends.

 

-Hou malheureux, vous n'en ratez pas une ! Racontez-nous un peu comment s'est passée votre journée.

 

-J'étais encore à Waihi ce matin, j'ai tout simplement pris le bus à 9H05 et suis arrivé sur les coups de midi. J'ai trainé dans les rues pour m'imprégner de l'ambiance, profiter de ce moment assez exceptionnel. Les rues étaient noires de monde mon cher Thierry, et la bière coulait à flot !

 

-Mais cela ne nous... regarde pas mon cher Vincent, je vous rappelle mesdames et messieurs que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé et qu'il faut boire avec.... modération ! Est-ce que les supporters français étaient présents dans les rues.

 

-Tout à fait Thierry, une vague bleu blanc rouge a envahi Queen's Street, les chants français résonnent encore les « on vient, on gagne et on s'en va », les « palapapalapapa palalala , Olé !!! » et bien entendu les marseillaises. Par contre je ne vous cache pas, mon cher Thierry, que le supporter français ne craint pas de passer pour ridicule, contrairement à nos amis kiwis très classes tout de noirs vêtus, des perruques de clown, des Obélix, des anciens avec des coqs en peluche sur la tête, s'offraient en pâture. Heureusement, les néo zélandais sont très sympathiques, ils ne se sont pas moqués de nous !

 

              IMG_2487.JPG

 

-Vos jugements subjectifs ne nous … regarde pas mon cher Vincent !

 

-Pardonnez moi mon cher Thierry, je voulais juste mettre en relief la classe des supporters All Blacks, je suis conscient que  la France de Jean Pierre Pernaud vous fait vivre, pardonnez moi encore pour cet écart.

 

-Dites nous en un peu plus sur cette ambiance !

 

-Il y avait beaucoup de spectacles de rues, les passants encerclaient les musiciens, les acrobates, les jongleurs. La foule faisait déjà la queue pour entrer dans les aires où le match est retransmis sur des écrans géants. Au Queen Dwarf, au coup d'envoi, il y aura plus de 50000 personnes, il faut patienter près de quatre heures pour pouvoir accéder au site. J'ai tenté le coup mais me suis ravisé au bout de deux heures, n'étant pas sûr de pouvoir assister au haka. J'ai donc choisi d'aller sur le port du coté du marché marinier, près de Victoria Park, je fais la queue depuis une heure, je suis à deux pas de l'entrée, qui est close pour le moment même si beaucoup de gens sont déjà dans l'enceinte, le coup d'envoi arrivant incessamment sous peu, les gens commencent à s'énerver, à pousser, j'ai au moins mile personnes derrière moi, je ne suis pas très rassuré, oui je sais Thierry vous allez me dire que les détails de ma vie sexuelle ne vous regarde pas, c'est juste que je suis légèrement coincé contre les barrières, non Thierry n'en rajoutez pas.

 

               IMG_2470.JPG


Çà y' est ! Ils sont en train de réouvrir en direct, c'est de la folie, je suis propulsé contre les barrières qui sont sur le point de tomber, les agents de sécurités force dans l'autre sens pour les maintenir debout, mes bras et mes jambes sont tendus, je résiste à la masse, non sans peine, je me faufile, çà y' est Thierry, je suis entré, je suis entré ! Je vais à la buvette me boire une bière pour fêter çà, non pardon, un soda light ( aux édulcorants non surtaxés ), je vous retrouve plus tard.

 

-D'accord mon cher Vincent.

 

            IMG_2525.JPG

 

( … )

 

-La messe est dite mon cher Jean Michel, les All Blacks sont Cham pions du mooooonde !

-Tout à fait Thierry, c'est dur , c'est très très dur pour les bleus qui ont livré un très beau combat, on est passé très très près de rentrer dans l'histoire.

 

-Oui oui, çà fait mal au cœur de voir Lionel Nallet, ce grand bonhomme, en pleur.

 

-Tout à fait Thierry, les bleus ont fait preuve d'abnégation, même s'ils auraient pu l'emporter avec ces deux pénalités ratées en seconde mi temps, il ne faut pas qu'ils aient trop de regrets car ils ont tout donné. Mais l'expérience , la défense et les espaces trouvés au pied par les All Black pour faire reculer les français ont payé, et puis il faut le dire, sur l'ensemble de la compétition les All Blacks méritent amplement leur titre.

 

-C'est quand même malheureux mon cher Thierry ! Nous avons retrouvé Vincent ! Alors Vincent comment çà se passe ?

 

-C'est de la folie mon cher Thierry, tout le monde danse, chante y compris les français. On est passé à deux doigts, non Thierry ce n'est pas ce que vous pensez, de quelque chose d'exceptionnel. Vous auriez dû voir la tête des supporters kiwis en deuxième mi-temps, on pouvait lire sur chaque visage, « Oh non! c'est pas vrai ! Ils vont encore nous la faire à l'envers », et entendre les tricolores chanter et crier des « Alllezzzzz, alleeeeeez, vas-yyyyyyyy, putaaaaaaain, vas-yyyyyyyyyy, oh putaing, oh putaing! C'est pas possiiiib', enfoiré d'arbitre de merde !». Ce fut une véritable délivrance quand monsieur Joubert a sifflé la fin du match. Les néo zélandais commencent déjà à nous féliciter, à nous dire que nous faisons parti des grands, que nous n'avons pas à rougir, que nous pouvons être fiers de cette équipe mais que la coupe est à eux. Les feux d'artifices éclatent, des gens courent, un moment de communion énorme, les vieux se jettent dans les bras des gamins, on se tape dans les mains, on monte sur les voitures, ce soir ils ont le droit de gueuler, de foutre le bordel ! C'est parti pour une longue nuit d'ivresse mon cher Thierry !

 

-Merci de nous avoir fait partager ce moment inoubliable, bonne chance pour la suite de votre voyage, car il me semble que vous vous envolez demain pour le Chili. La coupe du monde touche a sa fin. Merci mesdemoiselles, merci mesdames et merci messieurs de nous avoir suivi, merci Jean Michel !

 

-Tout à fait Thierry !

 

-Nous rendons, l'antenne, c'était Jean Michel Largué et Thierry Groland en direct d' Auckland, à vous les studios, à vous Mufflin ! »             

 

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 18:53

La boule de feu chasse partiellement les nuages, c'est le jour J, il faut que j'en profite pour fuir Rotorua.

On dit que le manque de lumière et de chaleur irrite, cette expérience forcée me permet de le confirmer, comme le chante si bien Au Petit Bonheur, «J'veux du soleil ! ».

 

Ma première idée est de continuer mon périple en stop, mais au cas où, je passe d'abord au centre touristique pour connaître le prix du billet de bus pour aller à Tauranga, à 90 kilomètres au nord.

A ma grande surprise, le guichetier m'annonce : « cinq dollars ». Vendu !

Ce prix, au plus bas, est sûrement lié à la marée noire qui s'étend sur les côtes de la Bay of Plenty, les tours-opérateurs n'ont-ils plus le choix que de réduire leurs marges ?

J'ai quelques jours à tuer avant de retourner sur Auckland, si je peux les consacrer à nettoyer les plages, à tenter de réparer les conneries de ce capitaine d'équipage qui fêtait son anniversaire, saoul à en perdre le contrôle de son porte container ( ce n'est pas drôle ), mon karma s'en portera à merveille.

Arrivé à bon port, je file au Central Backpacker, pose mes bagages et part me renseigner afin de connaître les procédures pour intégrer une équipe. Un ancien m'explique que les tonnes de fuel qui se sont déversées sont très toxiques, beaucoup de volontaires sont malades ( nausées, maux de tête ), que maintenant, seuls des spécialistes et des organismes sont habilités à combattre.

Le temps ne me permet toujours pas me balader autre part que dans le centre ville et sur le port , je reste deux jours, reprends un bus à 6, 5 dollars, me rends à KatiKati.

 

              IMG_2435.JPG

 

KatiKati est une ville où d'ordinaire les plantations de kiwis sont florissantes, c' est un petit bout de campagne ravissant. Mais ces derniers temps, la morosité a envahi cette bourgade. La maladie du Kiwi, la PSA, ravage les cultures. Par conséquent le moteur de l'économie locale manque d'huile. Les gens sont déprimés, heureusement que les All Blacks sont là pour remonter le moral des troupes.

 

                    IMG_2445.JPG


Dans l'auberge, la seule du coin, les backpackers se rongent les ongles, ne sachant qu'au jour le jour s'ils auront du travail.

Je refais le plein d'énergie en empruntant la guitare collective. Je ne resterai qu'une nuit, les lits ne sont pas confortables, la cuisine n'est pas fonctionnelle, je rogne sur ces poêles extra-adhésives qui ruinent mes patates sautées.

 

Le lendemain, je repars en stop, je veux aller à Waihi, pas très loin.

Au bout de quelques minutes, un van s'arrête, je grimpe :

 

«-Merci ! Salut, je m'appelle Vince.

-Hey salut Vince, comment çà và ? Moi c'est Hippie !

-Hippie ?

-Ouai je sais, tous le monde m'appelle comme çà ! » me dit-il en tirant ses longs cheveux et sa barbe.

Il a plus cinquante ans.

 

«-Çà fait combien de temps que t'es en Nouvelle Zélande ?

-Deux semaines.

-Seulement ! T'as encore plein de choses à voir !

-Pas vraiment, j'ai un avion à prendre lundi, je vais au Chili.

-Waouw, cool ! Donc tu n'as pas eu le temps d'aller au sud .

-Non, tous les gens que j'ai rencontrés m'ont dit à quel point cette ile est merveilleuse. Mais je n'ai pas beaucoup de temps...

-Tu sais, en 27 ans passés ici, je n'ai toujours pas vu l'ile du sud, c'est un bijou, je le sais, mais bon.

-T' as le van pour ! T'as juste à faire le plein d'essence, à partir.

-Ouai je sais! Mais j'ai quatre filles, elles vont bientôt être indépendantes, peut-être qu'après...

Et puis en ce moment c'est la merde, entre ce putain de pétrole qui pourrit nos plages et les kiwis qui sont malades. J'ai plus de boulot jusqu'à nouvel ordre. T'es d'où ?

-France.

-Ha la France! Mon frère vit à Plaix, c'est au centre... Tu sais que, dans les années 80, j'ai fait le tour de l'Europe dans un van 2CV.

Je suis parti d'Angleterre, j'ai fait le tour de la Hollande, de la Belgique, de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, puis je suis allé en Italie, en Yougoslavie. A cette époque à Split, il n'y avait presque pas de voitures, je me souviens d'une petite ville où la station essence n'était ouverte qu'une fois par semaine, le mercredi, pendant deux heures. J'ai attendu pour faire le plein, puis je suis parti en Grèce, en Crête, en Turquie, là j'ai laissé ma voiture, et suis parti en Inde. Je devais y rester deux mois, j'y suis resté trois ans.

J'ai vécu à Goa, à Hampi, dans le Kerala.

-J'y suis allé aussi, tu as eu la chance de voir Goa à la bonne époque !

-Ouai, maintenant c'est bondé de touristes. A ce moment là, avec un passeport anglais, tu avais un visa de 47 ans !...

Je vais prendre cette route, çà nous fait un petit détour mais au moins tu vas pouvoir voir Waihi Beach... Je vais juste m'arrêter dans cette boulangerie pour acheter des tartes, t'en veux une ? Je te l'offre .

-Merci, c'est gentil, j'ai déjà déjeuné.

-T'es sûr, c'est les meilleures tartes du pays !

-Non, merci beaucoup. »

 

Nous nous rendons à la plage :

 

«-Tu sais s' il y a un backpacker dans le coin ?

-Hum, j' sais pas, on va faire le tour.... là t'as un camping, là aussi …

-Finalement, tu vas p' t' être me laisser ici, quitte à dormir dans le coin, je préfère crécher près d'une plage.

-Ok, si tu veux, tu ne m'en voudras pas ? »

 

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'il m'a dit, « tu ne m'en voudras pas », pourquoi lui en voudrais-je ? Il gare le van face à la mer, nous continuons à discuter.

 

              IMG_2448.JPG

 

Juste avant de me déposer :

 

«-T'as une pipe ? » me demande-t-il.

«-Non, jamais l' jeudi.

-Hahaha, c'est con! J'ai un peu d'herbe mais elle est trop humide. Tant pis .

-Salut, merci beaucoup.

-Bon voyage mec, tu feras un bisou de ma part aux chiliennes.

- J'y manquerai pas, merci encore, bonne vie ! »

 

En regardant le van partir, je note un auto-collant « What if hippies are right ? », et si les hippies avaient raison, on fait quoi ?

 

Je vais me renseigner au camping pour planter ma tente, la réceptionniste m'annonce : « 24 dollars pour cette nuit, par contre demain, c'est 75 dollars, c'est jour férié. ».

Je la remercie continue mon chemin, elle me rattrape sur le trottoir : « je viens de demander à mon patron, demain je peux vous le faire à 28 dollars ! ». Je la remercie à nouveau.

Je retourne sur la plage.

 

Ce délire ! C'est quoi ce Morrison Hotel !? Ce serait le comble que je passe une nuit au Morrison Hotel, cet album, qui m'envoute depuis plus de quinze ans, que j'avais acquis pendant une partie carte à l'internat pour la maudite somme de deux Craven A sans filtre.

« Il y a du linge étendu sur la terrasse... c'est joli », je cherche une entrée, à gauche, un panneau indique « propriété privée, chien méchant », je passe par la droite, on peut lire sur un autre panneau «  interdiction d'écouter ABBA », je fais quelques pas dans la cour avant de me rendre compte que c'est tout simplement une maison, non pas un hôtel, sûrement encore des vieux hippies rescapés des années 70.

C'est drôle, la maison voisine s'appelle Hotel California. Laquelle des deux était là avant l'autre, je me plais à croire cette idée lumineuse ne peut venir que d'un ou d'une fan des Doors, pas d'une personne qui ne connait qu'une chanson du Best Of Eagles.

 

Je comprends maintenant ce qu'à voulu me dire Hippie, je ne trouverai nul part où loger. Je retends le pouce pour aller sur Waihi City. Quatre voitures plus tard, un utilitaire s'arrête. Je monte, le chauffeur d'environ 35 ans écoute  Origin Of Symmetry, l'album de Muse. Il est métisse anglo-maori. Il doit être entrepreneur dans le bâtiment, il a la tête du gendre idéal, du bon mari et du bon père de famille sérieux :

 

« Je suis en vacance dans deux heures », me dit-il.

« Juste le temps de passer sur un chantier, de rentrer faire les valises. Je pars avec ma femme, la belle soeur et son mari, il joue aussi de la guitare, çà va être trop bien! Bière, guitare, bière, guitare, bière, guitare ! »

 

Il me dépose au centre ville.

 

Je trouve une grande battisse grise qui fait office d'hôtel. Le patron est d'origine chinoise, la cigarette au bec, il me dit qu'il s'appelle John, que la chambre est à 25 dollars. J'ai une chambre pour moi tout seul, c'est le grand luxe !

Waihi est entourée de collines verdoyantes, de forêts, la vue est agréable, l'air est reposant.

C'est une ville minière, l'attraction phare de la ville est... une mine d'or à ciel ouvert. Une promenade est implantée le long de cet immense trou. Encore une insulte à Maman Nature, la connerie humaine est universelle, pourquoi conserver un paysage d'une pureté insolente quand on peut le détruire, le creuser pour chercher de l'or, même dans un pays où les gens sont bons, l'appât du gain prend inévitablement le dessus.

 

                    IMG_2459.JPG


Dans ma chambre, un poster punaisé représente une amérindienne, qui dit :

« Quand nous aurons dévoré tous les poissons des rivières, tous les animaux, quand nous aurons brulé toutes les forêts, quand nous aurons pillé toutes les richesses, il ne nous restera plus qu'une seule chose à manger... de l'argent. »

 

Je vais conclure mon séjour néo-zélandais ici, bien que je ferai une dernière pige à Auckland pour vivre de l'intérieur la finale de la coupe du monde de rugby.

Je me sens bien à Waihi, la vie est simple, je suis le seul voyageur du coin, mes colocataires sont de purs produits locaux, des bons vieux maoris. Pas l'ombre d'un backpacker !

J'écris, je relis Bukowski, je me sens un peu comme lui, en moins alcoolique, en moins dégueulasse, je dévore  La Philsophie Pour Les Nuls.

De ma fenêtre, je vois des tags et des collines.

 

                   IMG_2467.JPG


Je me rends compte que je passe à coté de ce pays merveilleux qu'est la Nouvelle Zélande, au moins ces dernières trois semaines m'auront permis de me retrouver face à moi même, seul, chose qui ne m'était plus vraiment arrivée depuis que j'ai quitté l'Inde. Je reviendrai, si la vie me le permet. Plus que deux nuits avant de me retrouver à seize fuseaux horaire d'ici.      

 

 

 

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 01:05

La veille de partir d' Hamilton, en rentrant à la maison après le match, je fais la connaissance d'une maman maori. Elle est curieuse, amicale, elle a envie de savoir qui je suis, elle mène la conversation :

 

«-Et donc, combien de temps tu vas rester à Hamilton ? » m' interroge-t'elle,

«-Je pars demain matin.

-Tu vas où ?

-A Rotorua.

-C'est drôle, les gens qui sont arrivés hier soir en survêtements noirs et rouges, nous sommes tous de Rotorua! On fait parti du club de billard de la base militaire, demain nous rencontrons les équipes d' Hamilton et d' Auckland. Tu comptes y aller comment ?

-En auto stop.

-Si çà te dis, on doit bien avoir une place pour toi, nous sommes partis à quinze voitures !

-Ce serait génial !

-Nous finissons demain vers 15 ou 16 heure, rejoins nous au club, c'est juste en face, à deux blocs d'ici.

-C'est très gentil, merci beaucoup Madame. »  

 

Le lendemain, comme prévu, je me pointe à la porte du club, mais comme son nom l'indique, seuls les membres et les adhérents sont autorisés à rentrer. La journée est déjà bien avancée, la nuit tombera dans un peu plus de deux heures, je n'ai pas envie d'attendre, je ne veux surtout pas m'imposer, il est donc trop tard pour partir le pouce en l'air. Je vais à la gare routière, achète un ticket de bus à 21 dollars.

 

En route je me familiarise avec les paysages néo-zélandais, des champs et des parcelles habillent les courbes d' innombrables collines. Les terres du pays au long nuage blanc sont peuplées par plus de moutons que d'habitants.

 

Quelque chose me frappe en arrivant à Rotorua, on dit souvent qu'une odeur est liée à un souvenir. Je me revois au collège, en cours de chimie, utilisant pour la seule fois de l'année la blouse blanche qui figurait sur la liste du matériel scolaire, à coté de flute Aulos, jouant avec un bec benzène, manipulant des éprouvettes, mais oui ça sent..., çà sent... l'œuf pourri! Oui c'est çà ! Quand nous prenions plaisir à envoyer des bombes puantes autorisées, terrorisant tout le second étage, c'est çà, c'est çà, çà sent ... le souffre à plein nez ! Le noyau terrestre n'est pas si loin.

 

M'étant mis en « mode radin » pour garder un maximum d'argent pour l'Amérique du Sud, je pars à la recherche du Kiwipaka, un camping que j'ai repéré sur la toile.

 

«-Bonjour, j'aimerai planter ma tente ici.

-Salut, pas de soucis, c'est quinze dollars!

-Attendez, sur internet c'était dix dollars.

-Ha non, Monsieur, regardez c'est marqué là, 15 dollars !

-Au revoir. »

 

Je déteste qu'on essaye de m' e....mpapaouter ! Par fierté, je tourne les talons. Je vais chez leur concurrent le plus proche :

 

«-Vingt dollars pour une malheureuse tente ! Vous plaisantez !?

-C'est un quatre étoile mon cher Monsieur !

-Pas étonnant qu'il n'y est personne... mon cher Monsieur ! »

 

Pour ce prix là, je préfère aller dans un backpacker, je vais au Base.

C'est déjà l'heure du match de rugby, Nouvelle Zélande versus Argentine, je fais quelques pas, entre dans le Lava Bar. Je rencontre Abdès, un marocain, nous regardons ensemble les All Blacks gagner.

 

Ce passage à Rotorua va être tout sauf passionnant. « Venez au cœur de la culture Maori !», « Venez visiter des sites géothermaux uniques au monde ! », qu'ils disaient dans les prospectus. Ils ont juste oublier de préciser « venez dépenser un maximum d'argent chez nous ! ». Comme dirait mon pote Richard: "enfoirés d'capitalistes ! ".

Toutes les activités sont payantes, y compris pour voir des cadeaux de notre Mère Nature.

Je me rend au centre touristique, demande à une dame qui travaille au bureau d' information : « Quelles sont les activités gratuites ? S'il vous plait. ». Elle me rit au nez, d'un air de dire « non y' a rien pour les pauvres ici ! ». Pétasse...

 

Heureusement, il est quand même possible de faire de belles ballades autour du lac, dans le parc Kuirau, dans la Redwood Forest. J'irai marcher... quand il cessera de pleuvoir.

Il pleuvra durant tout mon séjour, soit une semaine.

Pour la première fois depuis que je suis parti, je m'ennuie. Je me bats en écrivant, passe mes journées entre la bibliothèque et le Cactus Backpacker, un endroit moins cher et bien plus sympathique que le Base.

J'hésite à payer les 125 dollars pour aller visiter les parcs géothermaux, çà a l'air magnifique, mais Rémi, un français et Jayme, un chilien, m'en dissuadent :

 

« Tu pourras voir la même chose à San Pedro de Chile, pour un prix dérisoire ! ».

 

Je vais donc attendre gentiment la demie finale de coupe du monde, en espérant que la pluie cesse. Je lis les journaux, constatent la mauvaise foi des journalistes sportifs du New Zeland Herralds envers les français, vicieux que nous sommes. Ils n'ont toujours pas digéré, et cela peut se comprendre aisément, l'affaire du Rainbow Warrior, et nos " touts petits " essais nucléaires dans le Pacifique.

Je parle « rugueuby » avec les sympathiques locaux, concluant toujours par un « rendez-vous en finale », eux m'opposant un « non non, on jouera les gallois ! ».

 

Entre deux averses, je réussi enfin à me glisser dans le parc Kuirau.

Selon la légende Maori, le lac , du même nom, s'appelait Tawakahu . A l'époque, il était assez tempéré pour que l'on puisse s'y baigner.

Une jolie jeune fille voulait nager, elle se nommait Kuirau, son mari lui donna son accord, ne soupçonnant aucun danger. Mais un monstrueux Taniwha vivait dans ces eaux... Il l'observa jusqu'à n'en plus pouvoir. Et donc, un matin, il surgit et attaqua l'innocente Kuirau !

Les sages Maoris dirent qu'elle mourut de peur avant d'être plongée au fond, mais quel qu'il en soit, les dieux étaient tellement furieux qu'ils firent bouillir le lac afin de punir ce maudit Taniwha.

Depuis ce jour, le lac fut baptisé Karui en mémoire de cette jolie jeune fille qui nageait...

Les cartésiens répondrons que ce phénomène n'est rien d'autre que de la géothermie, et ils n'auront pas tort, mais je me plais à croire en cette mythologie, c'est tellement plus poétique.

Je me retrouve donc dans ce paysage « gratuit », quelque peu lugubre. La vapeur d'eau souffrée est reine, quels mutants ont bien pu évoluer dans cet atmosphère invivable. Un lieu de tournage idéal pour un film de Tim Burton.

« Je suis l'étrange Noël ! Où est Mister Jack ? »

 

                 IMG_2421.JPG

 

                 IMG_2424.JPG

 

( … )

 

 

Le soir du match, je retourne au Lava Bar avec une bande de français. Nous sommes seuls et contre tous, la foule a choisi son camp, celui des diables rouges !

80 minutes et quelques pintes de bière plus tard, c'est de la folie. Enfin.., nous sommes les seuls à chanter dans ce grand silence de mort :

« On est en finaaaaaaale, oooon est en finaaaaaaaaaaale, on est, on est, on est en finaaaaaaaaaale!!!!!!!!! ».

 

« Vous ne méritez pas d'être en finale », nous rétorque l'assistance,

« C'est quand même pas d' notre faute si les gallois sont maladroits, pour une fois qu'on gagne de cette façon, çà a souvent été l'inverse! Dominer sans gagner, c'était notre leitmotiv ! Les cinq centimètres de Bénazie, les arbitres anglo-saxons, etcétéra etcétéra ! On va pas non plus bouder notre plaisir!!!! Meeeeeerde ! Et c'est qui qu'est en final ? C'est nous ! »

 

Dans l'ivresse de la nuit, j'ai quelque peu oublié qu'il faisait froid, je me réveille le lendemain matin non pas avec la gueule de bois ( p't-être un p'tit peu quand même ) mais malade, fiévreux. Cela me pendait au nez depuis quelques semaines, affronter un temps hivernal en veste légère... C'est bizarre, parfois on sait que quelque chose de pas très agréable va nous tomber dessus, on a encore toutes les cartes en main pour l'éviter, genre acheter un blouson, mais non ! On ne fait rien ! Attendant juste la confirmation de notre prédiction. Et hop, au lit pendant deux jours ! J'entends d'ici les « bravo, félicitation mon cher Vincent, c'est çà de dormir sans culotte !!! », oui je sais, merci. C'est un peu tard, je vais avoir du mal à changer...

 

Vous aurez bien compris que cette étape n'a pas été la plus agréable de mon voyage, mais bon, je ne vais pas non plus me plaindre ( pas vrai mes chers travailleurs ? ), ce n'est tout simplement pas la bonne période pour venir dans cette zone du globe, quoi que, on en reparlera après la finale. En attendant, je suis déjà ailleurs, plus qu'une semaine avant de me remettre à parler espagnole. 

 

                  IMG 2428

 

                  IMG_2429.JPG

 

Partager cet article
Repost0
14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 06:01

Inventaire du sac à dos, fait. Nourriture dans le frigo, empaquetée. Baskets, chaussées. Veste, zippée. Tente, accrochée. Café, digéré.

Plus qu'à prendre l'ascenseur, à récupérer la caution que j'ai laissée pour la clé de la chambre, je sors dans la rue. Je remonte l' Anzac Avenue jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche. J'étudie la carte du réseau, le 472 arrive, c'est le bon. Je monte, paye 1,80 dollars à la chauffeuse, je dois descendre à Market Square.

Il y a des petits détails qui en disent long sur l'état d'esprit d'une société. Chaque passager, sans exception, arrivant à bon port, remercie la conductrice en lançant un « merci chauffeur » empli de sincérité. La réputation des néo-zélandais n'est pas usurpée, ils sont clairement amicaux.

 

Avec l'aide de mon téléphone, faisant office de carte routière pour l'occasion, je trouve une première entrée d'autoroute. Cela ne va pas être simple de me faire prendre en stop ici. Des travaux de voirie sont en cours, les feux tricolores sont momentanément hors services, les automobilistes ne pourrons pas s'arrêter en toute sécurité. Je tente le coup, en vain, je remballe ma pancarte au bout de vingt minutes, c'était un bon échauffement pour travailler ma présentation, je récolte quelques sourires, des signes de la main, j'ai réussi à créer des contacts visuels. C'est de bon augure pour la suite.

Je suis encore un peu trop dans le centre, je marche à la recherche d'un autre abris-bus, étudiant à nouveau la carte.

Si je prends le 487, la route du sud rejoint une entrée d'autoroute à Otahuhu. Je m'y retrouve une heure plus tard. Je remercie le chauffeur près d'un centre commercial. Le trafic est dense, cet endroit me semble idéal.

J'analyse les infrastructures, les accès. Dans ce sens, trop dangereux, là, c'est plutôt une voie d'accélération, en plus, un panneau indique « interdit aux piétons ». Tiens, ce feu m'a l'air intéressant, ceux qui seront sur la droite du boulevard vont forcément prendre cette direction, le terre-plein est large, gazonné. Je m'y installe, sors mon écriteau « HAMILTON », reste planté une demie heure, sans succès.

Un routier m'interpelle :

 

«-Si tu veux aller à Hamilton, t'es pas vraiment bien placé.

-Mais... vous tournez tous à droite pourtant ?!

-Oui, mais c'est pas simple pour s'arrêter ici, et puis les gens prêts à te prendre passerons sûrement au vert, pas au rouge.

-Mais... c'est interdit aux piétons...

-Tu t'en fou ! »

 

Je suis son conseil, je me déplace. C'est vrai qu'à cet endroit, ils pourrons se garer tranquilement. Je brandi mon HAMILTON, une autre demie heure passe, toujours rien.

Je fais une pause, mange un sandwich, fume une cigarette. Je rembauche, un type dans un bahut me montre son pouce, que voulait-il me dire ? « Excellent mec, top ! » ou «  Lâche ta pancarte et tend le pouce », j'opte pour le deuxième sens. J' hésite, et comme souvent quand j' hésite, je la joue à pile, pancarte, face, pouce. Pouce ! Je range mon cahier, lève le pouce en l'air. Un van gris-marron déboule, je me dis « C'lui là c'est l'bon ! », il s'arrête, je coure, avant de monter dans le véhicule, je note l'autocollant  KORN collé sur le pare brise arrière.

Jeffrey a la trentaine, les dents pourries, les yeux bleus-lagon, il est blond, porte une casquette blanche sale. Il écoute à fond System Of A Down. Il est du sud de l'ile du nord, plutôt proche de la nature, ne suit pas le rugby, préférant aller pécher que de perdre son temps devant la télévision, il est peintre-carrossier. Il me dépose à Bombay, devant un endroit idéal pour continuer mon chemin.

 

« Si tu veux, j'ai tout ce qu'il faut pour que tu te fasses une pancarte Hamilton » me dit-il.

«-J' te remercie, j'en ai déjà une.

-Ha bon ?!

-Merci beaucoup Jeffrey, bonne vie !

-Pas d'soucis, bon voyage mec ! »

 

Je ressors mon cahier. Cinq minutes plus tard, un camion s'arrête. Dale a 25 ans, il est routier, a une coupe de cheveux à la Prodigy, courte et longue à la fois. Lui est fan de rugby, il vit à Aukland. Par politesse je fais la conversation, mais il n'est pas très loquace. Cela me va bien, je n'aime pas trop parler pour ne rien dire.

 

«-Je sors à Huntly, t'as deux solutions, soit je t'arrête à l'entrée de l'autoroute, soit à l'air de repos, tu devrais y croiser pas mal de voyageurs faisant le plein d'essence, y' a même un pub.

-L'air de repos alors, merci. »

 

Je ne vais à la rencontre de personne, je me contente de boire une pression.

 

Je me remets à tendre le pouce, la première voiture s'arrête, un 4X4 avec trois personnes à bord. Le chauffeur est maori, « chemise ouverte, chaine en or qui brille », une permanente digne d'un footballeur des années 80. Sa femme est assise à la place du mort, elle l'embrasse dans le cou, lui pose la main entre les deux jambes. A coté de moi, un vieux garçon à moustache, à chapeau, un campagnard, il promène une bouteille en plastique de 3 litres, remplie d'un LVNI ( Liquide Verdâtre Non Identifié ). Il en sert une tasse aux amoureux, ils la boivent. Il m'en propose une, je renifle, pas d'odeur, je bois, presque pas de goût.

 

«-C'est quoi ?

- Un liquide naturel stocké dans un arbre. C'est fait maison, je l'mélange avec de l'eau.

-Et y' a des effets secondaires ?

-Non çà désaltère, c'est un coupe soif.

-Ok...

-Ha si! Cà te rend fort ! Disons que si tu rencontres une fille, tu ne vas pas la lâcher de la nuit. »

 

Je comprends mieux pourquoi les deux de devant en redemandent.

 

J'arrive à Hamilton, mission accomplie.

Je me présente au Central Backpacker, un homme souriant est au comptoir, c'est le patron, le gérant , l'homme de ménage, l'hôtesse d'accueil. Il fait tout ! Je remarque une carte du monde sur laquelle des têtes d'épingles sont pointées.

 

«-Ce sont tous les endroits où vous êtes allé ?

-Oui. », répond-il timidement.

 

«-Vous êtes un sacré baroudeur !

-J'aime voyager... »

 

Un concept intéressant, pas pour le coté vaniteux de montrer à tous le monde que vous avez parcouru le globe, mais plutôt pour le fait de pouvoir réaliser tout ce qu'il vous reste à voir. Je pense que j'en ferai autant en rentrant, j'économiserai des heures de télévision.

Je prends mes quartiers, je partage mon dortoir de huit lits avec Patrick, un allemand.

Hamilton est une petite ville, tranquile mais active, pas très originale. Les Chiefs, l'équipe de rugby locale, participe au Super 15, championnat regroupant les meilleures équipes de l'hémisphère sud. Je ne vais pas chercher à la découvrir, je suis un peu las des villes coloniales anglo-saxonnes, elles ont peu de caractère. Une rue principale, des magasins, des bars, des restaurants. En revanche, il ne faut pas marcher longtemps pour trouver un atmosphère paisible.

 

            IMG_2402.JPG

 

                      IMG_2400.JPG

 ( Une statut intéressante, un hommage au Rocky Horror Picture Show )

 

               IMG_2403.JPG


Je repère la bibliothèque, où je pourrai avoir le WIFI gratuitement. Sur la place, des gamins, plus ou moins âgés, patinent sur la glace.

 

 


C'est le grand jour, c'est « jour de match ». La France affronte l' Angleterre à l' Eden Park d' Auckland, je ne raterai la rencontre pour rien au monde.

Je vais au Shenanigans, un pub irlandais. Je m'assois dans l'arrière salle, près du billard, la Marseillaise retentit, je ne suis pas super fan des paroles de notre hymne( «... qu'un sang impur abreuve nos sillons...» ), mais je me lève.

Trois gars arrivent, se posent à coté :

 

«-On peut s'assoir là ?

-Pas de soucis. »

 

Nous jouons depuis quelques minutes, les anglais ont une touche à quelques mètres de notre ligne d'en but, c'est chaud, mais la balle est récupérée par les français, j'échappe un « yes! ».

 

«Hey! T'es kiwi ? » me demande l'un des trois.

 

«-Non, j' suis français ! 

-Menteur! T'as pas d'accent !

-J'ai pas d'accent ? Tu plaisantes !? J' te dis que je suis un putaing de français !

-Ha si ! T'as un accent !

-Moi c'est Mick, lui c'est Nathan, on est anglais, et lui c'est Mark, il est écossais.

-Ouaip, j' suis écossais, j 'espère que les anglais vont perdre !

-Toi t'as gueule ! »

 

Le match continu, les anglais font beaucoup de fautes, Yachvili transforme deux pénalités. Je commence à me détendre, mes deux voisins sont nerveux.

 

« Toi, t'es un enfoiré ! » me dit Mick en rigolant.

 

Vincent Clerc marque un essai, puis c'est au tour de Maxime Médard, 16 – 0, je jubile !

 

«- Yes !

-Toi, enfoiré! Putain, on a pas marqué le moindre point en une mi temps!

-J'crois que c'est fini pour vous ! » rajoute l'écossais.

 

Mick est un mec cool, il est marrant, plutôt bon joueur, en revanche Nathan est très fermé, il grogne, balance des «  ils ont trop de chances ces putains de français ».

 

En deuxième mi temps, silence radio je ne les entends plus, disons qu'ils sont sur le point de rompre les ponts. A un moment je rigole en voyant Nathan râler et se morfondre :

 

«C'est pas grave, ce sera pour une prochaine fois » lui dis-je en le chambrant.

 

«TOI TU ME SOURIS PAS !!! MOI J'SUIS PAS TON POTE, J'SUIS PAS COMME MICK, JE DETESTE LES FRANCAIS !!!!!!!!! »

 

J'ai touché le point sensible, Monsieur est fier, Monsieur est mauvais joueur, l' écossais est mort de rire. Je me remets dans le match, je feigne d' ignorer ce type, ne rigolant plus qu'intérieurement ! Entre temps, j'ai trouvé une complice française, une réunionnaise, on se tape dans les mains.

Le match est terminé, la France a vaincu l' ennemie héréditaire. Tous le monde est content dans le pub, les irlandais, les kiwis, les français, seuls les anglais « pleurent », se cachent le visage dans leurs mains.

Ils prennent les choses trop au sérieux, c'est un véritable drame. Un moment jouissif pour un frenchie ! Je m'en souviendrai. Maintenant on peut perdre tous nos matchs, le principal, c'est d'avoir renvoyé les anglais à la maison !

 

 

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 02:04

Mon bus arrive, je suis encore sur le départ, à la gare routière de Canberra...

Je passe les huit heures de trajet à dormir, j'en avais bien besoin après le Dragon Dream Festival.

J' ouvre les yeux à Melbourne, au petit matin. J'ai 15 heures à tenir avant d'aller prendre mon avion.

Je vais dans un café prendre ma dose d' expresso, puis file dans un parc.

Le soleil est de retour. Je suis un vagabond avec mes deux sacs à dos, ma poche plastique en guise de garde manger. Je n'ai nul part où aller, et dans ce présent, je n'ai aucun but si ce n'est d' attendre que le temps passe.

Je me cale sur un banc, j'observe avec jubilation les regards méprisants que m'offrent ces passants qui sortent à l'instant de leur confort pour aller courir ou travailler.

Tel une résistance s'opposant au passage du courant, tel une fusée de détresse lançant l'alerte Grand Froid, mon visage est chaud, rouge de ces trois derniers jours hivernaux, de ce vent qui n'a eu de cesse de le fouetter, rouge de fatigue, d'un manque de sommeil et d'hygiène évident. Je comprends maintenant pourquoi les clochards ont... le visage rouge.

Je m'amuse de cette situation, car je sais très bien que je vais très vite rentrer dans le rang, j'en profite pour essayer de comprendre.

 

Après un pique-nique sur l'herbe sèche, je me décide à prendre la navette pour me rendre à l' aéroport, il est 15 heure.

Je traine dans les terminaux, poussant mon chariot à roulette, je regarde les panneaux des destinations, les hôtesses de l'air pressées qui marchent vite et passent par les portes interdites au public, les gens qui accueillent les arrivants, le sourire aux lèvres, ceux qui déposent les partants, la larme à l'œil, les enfants turbulents qui mènent la vie dure à leurs parents, les autres solitaires. Ce théâtre est mon arme pour tuer le temps.

 

23h55, au moment où une trentaine de supporters français se rendant en Nouvelle Zélande pour la coupe du monde de rugby chantent en cœur des chansons paillardes, une voix retentit :

 

« Votre attention s'il vous plait, les passagers du vol GQ 215, à destination d' Auckland, sont attendus en salle d'embarquement, porte 8, les passagers du vol GQ 215... »

 

Enfin...

 

( … )

 

5 heure du matin, heure locale, soit trois heures plus tard. Les équipes de nettoyage de l' aéroport d'Auckland sont déjà au garde à vous. Je ne pourrai accéder à la chambre que j'ai réservé avant 14 heure, je somnole sur un banc. Au moins, ici, ils ne posent pas d'accoudoirs entre les sièges, je peux m'allonger confortablement.

 

( … )

 

Je pousse la porte du 93-95 de l'avenue Anzac, j'entre dans le City Travellers Auckland qui se situe près de la zone portuaire.

 

«-Bonjour, j'ai une réservation pour deux nuits

-Salut, ton nom ?

-Noël, Vincent Noël .

-Hum...attends.... je ne te trouve pas. Comment as-tu réservé ?

-Par internet.

-Non, pas de Vincent, pas de Noël... Attends...Ha si ! Tu as bien réservé, mais à partir de demain. »

 

Je me vois déjà partir à la recherche d' un autre hôtel en trainant les pieds, je ne m'en sens pas la force.

«-Et tu as un lit de libre, là maint'nant ?

-Attends.... ouai !

-C'est combien...?

-Le même prix, 25 $ !

-Je t'aime !!! Merci !!! »

 

Je rentre dans ma chambre, quatre lits sont disposés, je salut mes nouveaux colocataires. Ils portent le maillot du quinze de la rose.

 

«- Un français !!! Çà va être chaud samedi, dans cet hostel, y' a que des anglais qui n'attendent qu'une chose, manger des grenouilles ! Hahaha, si on vous bat, à nous la finale !

-On verra bien, c'est toujours du 50/50 entre vous et nous, c'est sûr que si on continue à jouer comme çà, çà ne va pas être évident. Mais bon, contre vous, c'est toujours un match spécial, la motivation est naturelle... »

 

Effectivement, à mon étage il n'y a que des agents de Sa Majesté ! Je prends une des meilleures douches de ma vie, m'écroule sur mon lit pour ne me réveiller que le lendemain. Il est... 15 heure.

 

Contrairement à la plupart des auberges où je suis passé, je n'aurai presque pas de contacts avec les autres voyageurs. Ils font jeunes, un tantinet puériles. La seule personne avec qui je vais discuter est Kristina, une autrichienne de 28 ans, étudiante en musicologie.

 

Je ne vais pas trop m'attarder en ville, je sors juste me promener quelques heures pour réfléchir à la suite de mon voyage. En fin de semaine, avec les ¼ de finales de la coupe du monde, les prix vont monter en flèche. J'aurai à payer 55 $ si je veux rester dans la même chambre. Il faut que je bouge, mais où ? Je feuillette les brochures que j'ai récupérées au centre touristique. Je ne veux pas trop m'éloigner car il faudra que je revienne sur Auckland pour reprendre l'avion, j'ai envie de voir quelque chose d'authentique, et bien sûr, je n'ai pas envie de mettre le prix.

Je me fais le film tout en marchant sur Britomart, dans Queen's Street. Des maillots de rugby de toutes les couleurs défilent dans les rues, ornés d 'écussons. Des coqs, des poireaux, des fougères, des pumas, des wallabies, des chardons, des trèfles, des roses, des gazelles...

 

          IMG_2396.JPG

 

          IMG_2397.JPG

 

« Çà y'est je sais ! ». Je veux aller à Rotorua, je veux voir ces sites géothermaux uniques au monde.

Comment j'y vais ?

 

Flashback, Melbourne, Le Ubar, avec une bande de néo-zélandais :

 

« Moi je serai toi, Frenchie, je m'achèterai une tente et je partirai le pouce en l'air. Les gens sont supers cools chez nous. En plus t'es un mâle ! Te prends pas la tête mec ! Fais du stop ! »

 

Ces paroles raisonnent encore dans ma tête. Mon expérience à Canberra a été plutôt concluante, au pire, si je galère mais que j'ai une tente, j'aurai toujours un endroit où dormir.

C'est décidé ! Je file m'acheter un igloo et rentre à la maison.

 

J'étudie la carte de l'ile du nord. Sur le chemin se trouve Hamilton, c'est à 126 kilomètres au sud, je vais passer par là. Je repère les routes. Ce n'est pas compliqué, il n' y en a qu'une principale. Maintenant, où est ce que je commence ?

Il faut d'abord que je sorte en périphérie de la ville, car ici personne ne me prendra, que je trouve où accéder à cette autoroute interdite aux piétons. Je prendrai les transports en commun jusqu'à Market Square. Çà, c'est fait !

Maintenant, il faut que je fasse des panneaux, que je prévois de quoi manger.

Je vais au supermarché pour acheter un cahier format A4, un marqueur noir, du pain de mie, un avocat, trois tomates, du thon, de l'humus au basilic, du salami, du fromage, des bananes, du cellophane. La nuit tombe déjà sur le port d'Auckland.

 

Le lendemain, je ne sors pas. J'en profite pour écrire, dessiner mes panneaux HAMILTON, ROTORUA, au cas où j' en prépare un sur lequel est écrit «ANYWHERE» ( n'importe où ), si la situation devient désespérée, ce panneau fera sûrement rire au moins une personne, qui s'arrêtera.

Je suis excité comme une pucelle, je vais expérimenter quelque chose que je ne connais pas, je ne peux pas savoir à quoi m'attendre, je serai dépendant d' âmes charitables, de gens qui n'aiment pas la solitude. Je n'envisage cette aventure que positivement.

Comme quand j'étais gamin, à chaque veille de départ en colonie de vacance, j'ai un peu de mal à m'endormir, cette précieuse boule au ventre est de retour...

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de magicworldtour
  • : Sur les traces de Jack Kerouac, de Santiago le berger et d'Alexander Supertramp... A la recherche de l'inspiration, de la musique et de la sagesse....
  • Contact

Recherche

Liens