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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 11:49

 

 

 

 

 

 

Ce matin là, en entendant frapper à la porte, je savais, sans ouvrir les yeux, que nos dernières heures sur le parking « magique » étaient comptées. Un type, en uniforme beige, chapeau beige, bermuda beige et pataugas kakies, actionnant une manivelle imaginaire, me fait signe de baisser la fenêtre :

 

«- Bonjour, ranger du comté. Ce véhicule est à vous ?

- Oui.

- Vos papiers s'il vous plait ?..... Merci. »

 

Sean se réveille, nous sortons de la voiture.

 

« -Vous savez que vous n'avez pas le droit de camper sur ce parking.

- Heu... non...

- On nous a signalé que vous êtes là depuis six jours.

- Désolé... Ma voiture est en panne... j'ai bien cherché à l'emmener chez un mécanicien... mais personne n'a voulu la prendre, « trop débordés » qu'ils disaient. Je ne sais pas comment faire.

- Je devrais vous verbaliser. Bon... vu que vous avez l'air de gentils garçons, je vais vous laisser une chance. Vous devez quitter ce parking avant ce soir. Si vous êtes encore là...

- Mais monsieur, je ne sais pas où amener ma voiture...

- Bon, ok, tu vas aller chez Pffennig, tu dis que tu viens de ma part, il va la prendre ta voiture.

- Merci Monsieur !

- Je vous préviens les jeunes, si ce soir...

- Promis ! »

 

Ce ranger était charmant, il nous a parlé comme si nous étions ses fils, juste une petite remontrance, et avec le sourire s'il vous plait !

 

Cinq heures plus tard, Monsieur Pffennig est arrivé avec sa dépanneuse :

 

« -Attendez cinq minutes s'il vous plait, il faut que je décharge les affaires.

-Tu vas où?

-Coco's Backpacker.

-Monte dans le camion, tu déchargeras tes affaires là-bas!

-Merci! »

 

Quand je suis arrivé devant le « Coco's », le ranger, qui a vu la voiture remorquée, est venu nous remercier en nous disant, « c'est bien vous êtes de bons gars! ».

Sean avait prit les devants, négociant déjà avec Coco, au lieu de 130 dollars la semaine, en tente, nous paierons 110 et nous aurons trois heures de wifi gratis.

Au premier abord, Coco a l'air rude, il a une grande gueule :

 

« ...et vous ne me ramenez personne ici, donc çà veut dire que si vous voulez baiser dans votre tente, il va falloir trouver une fille chez moi. Je ne plaisante pas, sinon c'est dehors, même si vous avez payé pour la semaine! »

 

Je comprendrais plus tard, qu'il voulait juste nous impressionner pour que nous respections les règles de vie qu'il prône. Il est d'origine fidjienne et hollandaise, mais est « australien à 100 % », il a la cinquantaine. En creusant un peu le personnage, je vais découvrir, que c'est un type qui aime la vie, au sens noble du terme, c'est un ancien backpacker qui a voyagé partout en Europe et en Asie, un passionné d'art aborigène, un très bon joueur de didgeridoo qui sait aussi titiller les six cordes d'une guitare. En plus de l'auberge, il tient un atelier d'art :

« Ça c'est mon vrai métier, c'est ce qui donne du sens à ma vie ! »

 

Un soir, vers 22 heure, en le voyant passer, je lui ai demandé comment faire pour respirer tout en jouant du didgeridoo. Il m'a dit de le suivre dans son atelier. De l'extérieur, on dirait un garage poussiéreux, mais quand il a ouvert la porte, je fus surpris par la propreté du lieu. Il m'a donné un cours, soufflant dans chacun des instruments pour me faire écouter les différentes notes, pour me justifier le prix exorbitant que certains peuvent avoir, il me les a fait essayer, m'a vanté les toiles qu'il achète à des artistes. Quand on l'accroche sur un sujet qui l'intéresse, il peut parler pendant des heures.

 

               

 

L'ambiance est paisible, nous vivons au milieu des poules, nous avons planté nos tentes dans le fond du jardin, avons vite été adoptés par les autres voyageurs, qui sont actuellement des travailleurs qui bossent dans le coin. Il y a Méli et Ruby, lui est estonien, elle coréenne, ils ont la trentaine, ( Ruby est ma collègue, Mél' est celui de Sean ), Henning un allemand de l'est  bon vivant, Ben, un australien qui est l'exception qui confirme la règle car ceux que j'ai rencontrés jusqu'à présent n' étaient pas des flèches, un coréen et un japonais, discrets, un couple franco-estonien, Yann et Johana, et la bande des cinquantenaires, Mike, un australo-hollandais, Marianne, hollandaise, Gavin, australien, ils travaillent dans des fermes, font la cueillette, et Tony. Au début, je pensais qu'il faisait parti du décor, qu'il était là pour acceullir les arrivants, donner des tickets internet... Il est toujours devant la télévision, dans la véranda , sur sa chaise attitrée, collé à la porte fenêtre de sa chambre, ce qui lui permet, quand il a bu trop de Gold XXXX, d'avoir environ sept pas à faire pour atteindre son lit. Après des années de voyage dans le sud-est de l'Asie, il a investit dans ce backpacker avec Coco, vingt ans plus tôt. Il est fier de dire qu'officielement, cinq couples se sont mariés après s'être rencontrés... ici.

 

                

                

( Sean, un écrivain en herbe )

 

                

 

J'ai embauché chez le grand clown américain depuis trois semaines. Cinq jours par semaine, j'enfile mon déguisement pour passer ma journée derrière le comptoir à faire le « runner » en préparant les commandes, en servant les clients, ou le « front counter » en prenant les commandes et en encaissant l'argent, des fois je suis au « drive »... Comment je fais pour ne pas péter les plombs et accepter de travailler dans une boite de merde qui produit énormément de déchets ? Je compte les heures ( 19 dollars de l'heure ), faisant semblant de m'impliquer pour en faire un maximum,  le nombre de pas qui  séparent  ma tente  de la pointeuse ( 314,5 pas, moins quand je suis en retard à 6 heure du matin) , et surtout, je me dis que même le grand Alexander Supertramp est passé par là pour mettre de l'argent de coté, s'acheter du matériel et planifier son voyage en Alaska. Je vise l'Amérique du Sud.

 

Ce qu'il y a de bien à Katherine c'est... qu'il n'y a rien à faire. La seule distraction que nous avons est d'aller au pub le vendredi soir, de boire quelques bières, de jouer au billard, de mettre une pièce dans un des jukebox pour zapper les Guns'n Roses, les dieux vivants des cowboys. C'est le seul soir où la ville est "animée", et vu que les jeunes locaux consomment leur salaire en une nuit, ils ne sortent pas les autres jours, nous ne sommes donc  pas tentés de faire les fous quotidiennement  . Comme dirait Mark Renton, « c'est le trou du cul du monde ici ! ». C'est ce que je recherchais, çà me permet de mettre 350 dollars de coté par semaine.

Le jour, durant mes temps libres, je joue de la guitare, révise mes classiques pour animer les feux de camps, et pourquoi pas, essayer de gagner un peu d'argent en chantant quand je retournerai à la ville. J'ai à nouveau de la corne aux doigts. Le soir, je m'attable avec les cinquantenaires qui fument et boivent de la bière devant le footie, le football australien, ils m'ont appris les règles, c'est un mixe entre le football et le rugby, qui se joue sur un terrain de cricket. Selon Tony, « le rugby est un jeu de gentlemen joué par des bourrins, et le footie est un jeu de bourrin joué par des gentlemen ». Je participe à leurs cessions « chambrage », chose qui me manquait depuis mon départ.

 

J'ai besoin de prendre l'air, de quitter les environs l'espace d'une nuit, d'aller dans la nature, d'oublier un peu tous ces gens stressés et dépressifs que je côtoie au quotidien. J'ai deux jours de congé, avec Ben, nous avons prévu d'aller aux Katherine Gorges qui se trouvent au Nitmiluk National Park, à une trentaine de kilomètre. Nous partons... maintenant.

Nous embarquons notre matériel de camping, des provisions, nos guitares, montons dans sa voiture.

Vingt cinq minutes plus tard, nous sommes au « tourist-centre », prêt à louer un canoë pour partir à l'aventure sur Katherine River, mais à notre grand désespoir, la petite femme de l'accueil nous explique qu'il est trop dangereux de pagayer dans les gorges en ce moment, trop de crocodiles.

Ben tient vraiment a voguer sur l'eau pour pouvoir prendre de beaux clichés. Nous nous renseignons sur le prix des croisières touristiques :

 

«-77 dollars ?!! » Lui dis-je.

« -Ouai, c'est pour quatre heures, c'est correct .

-Ha bon?

-Qu'est-ce que t'en penses?

-Je ne sais pas trop... heu..pourquoi pas......

-Donc on réserve ?

-Bon... d'accord, par contre j'aimerais bien voir la tête des gens qui embarquent d'abord... »

 

A peine dans le bateau, je commence déjà à déprimer. Il n'y a que de riches touristes du troisième âge, portant les même chaussures, les mêmes chapeaux, qui applaudissent à l'unisson les commentaires du guide. Il faut que je fasse abstraction, Ben les ignore déjà, il s'est mis dans sa bulle, je dois faire la même chose, car il faut que je profite du spectacle.

Je me retrouve pour la troisième fois au cœur du pays aborigène, dans un parc national, naviguant cette fois-ci dans un canyon sculpté par des millénaires d'érosion fluviale. Je me concentre sur la vue, j'oublie les larsens du micro pour prévisualiser dans ma tête mes futurs photos. Je me sens récompensé au moment ou je vois un crocodile se reposer sur les bords de la rivière, je dis à Ben, « elle coûte cher cette putain de photo, 77 dollars ! », il rigole. Je peux raturer ma liste de choses à faire en Australie, « prendre une photo d'un crocodile en liberté, çà … c'est fait ! ». Il est compliqué de voir un crocodile à l'état sauvage, ils sont discrets, celui-ci a l'air de toujours venir à la même place pour prendre le soleil, le guide savait exactement ce qu'il faisait en se rapprochant des rives. Malgré la beauté extrême de ce paysage nous n'allons pas passer un super moment méditatif, nous nous consolerons avec les images...

 

               

 

               

 

               

 

               

 

               

 

                              

 

En revenant vers le « tourist center », nous nous demandons s'il nous faut rester ou rentrer à la maison. Encore une fois je le joue à pile ou face, nous restons, nous dormirons au camping cette nuit ( 17 dollars ).

Des 4X4 et des tentes de 15 mètres carré sont implantés sur la plupart des emplacements, nous cherchons un endroit truffé d'igloos, il n'y en a pas.

Nous nous installons dans un coin. Au dessus de nos têtes, des centaines de chauves souris sont accrochées aux arbres comme des fruits, elles poussent des cris stridents.

 

               

 

               

 

Au moment de cuisiner notre riz sur un réchaud bon marché, nous voyons apparaître un wallaby, c'est une femelle, son petit est caché dans sa poche, il ne sort sa truffe à l'air libre que de temps en temps. C'est le premier que je vois vivant, les autres étaient morts au bord des routes, écrasés par des routiers. Elle n'a pas peur de nous, elle reste à une vingtaine de mètre, s'assoit, elle me regarde dans les yeux, je l'appelle comme si c'était une chienne, ses oreilles bougent, elle ne vient pas vers moi. Nous l'oublions. La nuit tombe, nous mangeons :

 

« Hey, Vince, regarde ! » me dit Ben en souriant.

 

Elle s'est rapprochée de nous, elle n'est qu'à cinq mètres, attirée vraisemblablement par l'odeur du curry et des légumes. Je lui parle, elle continue à bouger ses oreilles, je lui tend un morceau de pain, elle s'approche, le prend délicatement dans ma main. Je la caresse du bout de l'index. Elle se laisse faire, puis recule, « attend ma belle, c'est le prix à payer, si tu veux du riz approche toi », elle comprend, je mets un peu de riz par terre, la caresse à nouveaux, son petit, curieux, montre sa tête, elle est minuscule, à croquer . Elle reste encore quelques minutes avec nous, puis s'en va.

Nous sortons nos guitares, nous jouerons jusqu'à temps d'aller nous coucher. D'autres wallabies, intrigués par la musique feront leur apparition.

 

               

 

               

 

                

 

Au petit matin, nous sommes réveillés par les chauves-souris, elles hurlent à la mort, se battent avant de se coucher. Nous plions le camp, nous partons marcher.

Plusieurs parcours de randonnée ont été tracés dans le parc, certains se font en deux ou trois jours, nous prenons le chemin qui mène à la  Butterfly Gorge . Le paysage est à la fois aride et  tropical , montagneux, il fait près de 35 degrés, deux serpents vont fuir en attendant nos pas, des papillons noirs avec des points blanc, des White Crows Butterlies, nous guident jusqu'aux rives. Nous escaladons cette montagne de roche sableuse, pour nous assoir en hauteur, sur son flanc. La vue est imprenable, nous méditons, n'usant aucune salive pour nous parler. C'est ce que j'aime chez Ben, car en plus d'être un chef spécialisé dans la cuisine française, d'être un fou de musique, d'être intéressant, il n'a pas besoin de causer pour se sentir vivant. Nous restons là, plus de deux heures...

 

               

 

                            

 

               

 

               

 

Nous rebroussons chemin, avançant prudemment. Le soleil est au zénith, nous regardons attentivement où nous mettons les pieds, de peur de marcher sur un serpent, particulièrement quand nous traversons un point d'eau, ceux que nous avons croisés ce matin raffolent des grenouilles, même s'ils ont peur de nous, s'ils se sentent agressés, ils tuent en moins de 45 minutes. Quand on fait attention il ne se passe jamais rien de mal.

Nous sommes en phase avec les éléments, au loin, l'horizon nous sourit...

 

                        

 

               

 

 

Dans la voiture, en rentrant, mes yeux se ferment , je me souviens de mon enfance, quand je luttais pour ne pas m'endormir ainsi, après un week-end actif, après m'être dépensé...

 

 

 

 


 

 

 

 


 

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