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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 04:56

 

 

 

 

Mon bus arrive, il est 17h15. « Cette fois c'est la bonne ! » me dit Yann. Je lui fais la bise, je suis certain que je le reverrai un jour, en France ou ailleurs, je monte, me cale au fond. Au revoir Katherine.

A ma gauche, un jeune aborigène, la casquette de travers, derrière moi, un vieil homme qui pourrait être son grand père, il semble fébrile, devant, une flopée de jeunes européens.

Le chauffeur prend le micro, il a la voix de « Francis ZEGUT », il parle comme un animateur de radio qui fait la nuit, comme un expert de blues-country. Son crâne est chauve, une toile d'araignée noire lui décore le cou.

Après deux heures de route, nous faisons un premier arrêt dans une road-house de Mataranka. Trois cowboys boivent du Bundaberg en regardant les fesses généreuses de la jeune serveuse blonde qui bouge au rythme d'une dance-music de bas étage ...

Nous atteignons Tennant Creek vers deux heure du matin. Le chauffeur nous abandonne à la gare routière, le temps d'aller faire le plein d'essence et de récupérer des colis à livrer. Il fait froid. Je n'ai pas frisonné ainsi depuis dix mois. Je suis en short-débardeur, mes vêtements chauds sont dans la soute à bagage. Je relâche les épaules, respire par le nez, ferme les yeux, je m'imagine qu'il y a du sable blanc, des palmiers, des vahinées...

Une demie heure à tenir et je reprends ma place, c'est la dernière ligne droite, le temps d'un somme, nous arrivons à Alice Springs.

Il est neuf heure, je demande à « Francis » s'il peut m'indiquer le backpacker le plus proche.

« Le YHA, tu traverses le Mall, ce sera sur ta droite. »

Je marche dans le centre commerciale, il ressemble comme deux goutes d'eau à celui de Darwin. Alice Springs ? Des magasins, des bars et des magasins. Une ville charmante? Non, pas vraiment.

 

Je n'ai qu'un objectif, partir au plus vite voir le Gros Caillou. Aujourd'hui c'est dimanche, les sociétés de bus sont fermées. Je fais le tour des agences de voyage, calcule le coût de revient si j' y vais par mes propres moyens.

« (Jusqu'à Ayers Rock Resort, j'en ai pour 90 dollars de bus, y' a quand même cinq cent bornes ! Plus environs 25 dollars par nuits pour dormir, plus le bus pour aller jusqu'à Uluru, j' aimerai bien voir King's Canyon aussi … Ça va me coûter plus de trois cents dollars. Putain ! J'aurai dû m'y prendre avant, trouver un « lift », une petite place dans un van, ça m'aurait couté vachement moins cher, un doigt, pas un bras. J' vais pas m' prendre la tête, il a l'air bien The Rock Tour. ) Bonjour mam'zelle, je suis intéressé par le tour de trois jours... oui je sais, 320 dollars, vous prenez la carte ? »

Je rentre au YHA, je n'avais pas eu de contact avec un vrai matelas depuis près de quatre mois, je m'enfonce dans mon lit, la couverture jusqu'au nez, je règle mon réveil...

 

5H55, Sara, une italienne, et Jaz, une anglo-pakistanaise, attendent à mes cotés la navette qui doit nous récupérer. Le minibus arrive, Karmen saute sur le trottoir, souriante, elle est plus que de bonne humeur.

« Allez ! En voiture les gars, on a de la route à faire ! Ça va ? Bien dormi ? Yahoo ! C'est parti ! »

 

Nous faisons le tour des « hostels » pour récupérer 14 autres passagers. Nous ne sommes que trois gars au milieu de quinze filles. Deux suédoises, quatre allemandes, une autre italienne, une nouvelle anglaise, deux chinoises, une thaie, une coréenne, çà commence bien, je sens que je vais aimer ce tour, aucuns touristes, que des voyageurs, la nuance est importante.

Cinq cent kilomètres nous séparent d' Uluru. Nous nous apprêtons à faire plus de mile trois cent kilomètres en trois jours.

Nous finissons notre nuit sur le trajet, notre premier objectif est Kings Canyon.

A mi-chemin, Karmen nous réveille :

 

« On va faire un petit jeu, on va faire les présentations »

Elle écrit sur le pare brise, « Nom ? Pays ? Profession ? Peur ? Talent de campeur ? »

 

« -Allez! Chacun va prendre le micro et se présenter, je m'appelle Karmen, mais tous le monde m'appelle La Folle, je viens de Cairns, je suis guide touristique et j'adore mon métier, j'ai un peu peur du noir et … je suis FOLLE !!!, à vous !

-Heu...je m'appelle Vince, je suis français, j'ai quitté mon job, donc sans emploi et fier de l'être, j'ai un peu peur de la mort, disons que je ne suis pas prêt et heu..., autour d'un feu de camp, je sais mettre l'ambiance.

….

-Bien, bien, je note que beaucoup d'entre vous ont peur des serpents et des araignées, mais personne n'a mentionné les souris. Très bien ! Car on va dormir au milieu des souris ! S'il y a des serpents, normalement, vous ne vous en apercevrez pas !!! »

 

 

Nous arrivons à Kings Canyon, les touristes ne sont pas là, nous l'avons pour nous seuls.

Nous parcourons le Rim Walk, la randonnée de 6 kilomètres, montons rapidement au sommet, à une centaine de mètres au dessus de la plaine. La vue sur le désert est imprenable, l'horizon s'étend sur des kilomètres et des kilomètres. J'ai l'impression de marcher sur Mars, sur un tapis de roches rouges, dans ce paysage sculpté à grands coups de périodes glacières lors des dernières 600 millions d'années...

Cet endroit était réservé aux hommes qui venaient chasser dans ce Jardin d'Eden ( baptisé ainsi par les australiens ) aux fougères préhistoriques, enfanté par un billabong, un trou d'eau.

Ils fumaient les feuilles d'un arbuste pour rester éveillés trois jours durant :

« l'arbre à speed » nous dit Karmen,

«- On peut en prendre pour le camp de ce soir ?

- Non, dans un parc national, il est interdit d'arracher une feuille... »

 

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Nous marchons pendant trois heures, remontons dans le bus, roulons, nous arrêtons devant Attila , le frère d' Uluru, avant le coucher du soleil.

 

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              ( Lac de sel )

 

Un passage par un « bottle shop » ( oui, même dans le désert, l'alcool coule à flot) pour faire le ravitaillement de bières, une seconde étape pour collecter du bois, et nous partons camper dans le bush.

J'imaginais le désert australien rouge et... rouge, mais Karmen m'apprend que la pluie régulière qui tombe depuis ces sept dernières années l'a rendu... vert.

Nous préparons un grand feu sur lequel nous ferons cuire de la viande de kangourou, des haricots, des légumes et du pain.

Diego, un astrophysicien mexicain nous parle de l'espace, nous nous endormons sous la voie lactée, la lune est ronde...

 

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Réveil à cinq heure, Karmen est déjà au top de sa forme :

 

« Allez, allez, debout bande de fainéants, on se dépêche, y' a du café, du pain, des céréales, allez allez ! On a une longue journée devant nous ! »

L'haleine fraiche, les aisselles odorantes, nous reprenons la route, direction Kata Tjuta, en aborigène, cela veut dire « plusieurs têtes ». Ils comptent différemment, un, deux, trois, deux-deux, deux-trois, tjuta, tjuta voulant dire aussi dix, cent, mile...

Ce paysage est féérique, mythologique, « mais où est Frodon ? »

Karmen nous donne le choix :

 

« Vous avez deux options. Soit vous partez pour une longue marche , faites le tour du parc. Soit vous me suivez, la marche est courte, un peu plus dure, j'attendrai les autres en haut de la colline. »

 

Je suis un des seuls à la suivre, les choix ne se font jamais par hasard, à ma grande joie, je reste assis pendant deux heures, je discute avec Kata Tjuta.

 

«-Karmen, t' as vu ? La colline a des yeux !

-Ça fait plaisir, tu vois les choses. J'allais attendre que tout le monde soit là pour demander : vous ne vous sentez pas observés ? »

 

Nous stoppons devant une sorte de jardin :

 

« C'est ici que les jeunes aborigènes étaient initiés à la chasse, venaient s'entrainer. Tu vois ces marques sur la pierre ? Le maitre se tenait là, notait les élèves, ils se devaient de respecter à la lettre les coutumes, de chasser tout en respectant les proies, sous peine d'êtres punis. Si un membre de la tribut faisait une grosse bêtise, les conséquences pouvaient être très lourdes. Durant son sommeil, on lui injectait un produit qui le rendait aveugle pendant trois jours, puis on le lâchait dans le bush. S'il parvenait à revenir au camp, tout était oublié... »

 

Kata Tjuta est clairement l'endroit que j'ai préféré.

 

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C'est reparti pour un tour, le moment tant attendu, « Uluru ! J'arrive ! »

Mon désolement commence au tourist-centre.

Ok, les informations sur les us des aborigènes sont intéressantes, mais çà pue le fric à plein nez, « Venez voir quelque chose d'authentique » qu'ils disent, «  Nous vous offrons de la culture sur un plateau, mais si vous pouvez boire un café et acheter des t-shirts et des casquettes pour vos petits enfants, c'est encore mieux ! ».

Un grand panneau incite les visiteurs à ne pas monter Uluru, cet acte est irrespectueux. Un peu plus loin, une affiche indique les heures d'ouverture pour l' escalader...

Il est aussi interdit de prendre des fragments d'Uluru, ce qui est drôle, c'est qu'il existe un service où des gens, se sentant coupables et maudits, renvoient les pierres qu'ils ont ramassées.

 

J'y suis enfin, je marche sur le sentier pédestre, touche tendrement le gros caillou. Je regarde avec peine les gens grimper dessus, me disant avec ironie que j'aimerai bien en voir un tomber.

Je vois Uluru comme une femme, une protectrice qui abritait les tributs environnantes.

Karmen nous explique qu'une de ces cavités était la cuisine, qu'une autre était le terrain de jeu des enfants, celle-là servait pour des cérémonies...

Même si je suis impressionné par ses courbes, par le fait qu'elle ne se soit qu'un seul et unique bloc, par le contraste de sa couleur avec celle du ciel, par sa beauté, je n'arrive pas à profiter du moment, je ne me sens pas très à l'aise, je fais parti de ces gens qui violent cette mère...

Uluru a été rendue aux aborigènes à la condition que le gouvernement australien puisse l'utiliser à des fins touristiques.

J'aimerai l'avoir pour moi tout seul, m'assoir face a elle , la comprendre, l'observer attentivement, ressentir l'atmosphère si particulier qui l' entoure, mais trop de monde s'agite, je dis à Karmen que nous ne vallons pas mieux que « ces  putains de touristes à la con », elle me rassure en me disant que je suis un voyageur.

 

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Nous nous éloignons pour le coucher du soleil, afin de la voir de loin et de prendre la photo de carte postale. Elle est bien plus impressionnante, je ressens d'avantage de choses, bien que nous soyons entourés par tous les autres « tours-opérators » qui ont fait péter le vin blanc pétillant pour l'occasion.

 

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Si j'avais à refaire les choses, je louerai un van et j' irai à contre sens de tous le monde, mais bon je ne vais pas bouder mon plaisir, j'ai choisi le moins pire des tours, et j'ai de belles photos, des souvenirs...

Mon objectif australien est rempli ! Voir Uluru, çà, c'est …!

Une dernière nuit sous les étoiles, un dernier lever de soleil face à Uluru, c'est notre récompense, nous sommes enfin seuls au monde, une dernière marche dans le parc, cette fois-ci je parviens à m'isoler, et nous prenons la route du retour.

 

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Ce soir nous mangerons tous ensemble au Rock Bar, ils nous ont concocté un bon petit menu pour dix dollars.

Je prends le Ghan demain, je serai à Adélaïde après-demain...  

 

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