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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 16:21

 

 

                                         1999-planete-terre.jpg

 


Afficher l'itinéraire Magic World Tour by VinceNelson 

 

 

 

 

65 000 kilomètres parcourus … 30 jours entiers assis dans des bus plus ou moins confortables … 60 heures de train à regarder des paysages défiler ... 50 heures de bateaux à encaisser la réverbération du soleil sur l'eau ... 40 heures d'avion à avaler ma salive pour ne pas avoir mal aux oreilles à l'atterrissage… 15 mois de pur plaisir.

 

Ces chiffres me donneraient presque le tournis si je ne pensais pas que ce voyage fut facile.

Objectif atteint ! J'ai fait la grande boucle, les fameux 360 degrés. J'ai réalisé un rêve que je faisais quand je lisais Jules Verne. J'ai traversé quatre continents, vingt pays.

 

 

J'ai suivi mon plan non pas à la lettre mais dans les grandes lignes. Je ne suis pas allé au Népal, au Cambodge, au Vietnam, en Amérique du Nord comme je le prévoyais, mais j'ai vu tout le reste.

Je n'ai pas interviewé les musiciens du monde entier, je ne ramène pas dans ma besace une étude musicologique comme je l'imaginais, mais j'ai tout de même filmé un maître des tablas en Inde, un très bon joueur de didgeridoo australien passionné par la culture aborigène, un chaman péruvien et des scènes musicales dans des festivals, des salles de concert, des lieux mythiques.

 

Quand on prépare un tel projet, il vaut mieux écrire un scénario hyper détaillé car le tournage  ne se passe jamais comme on l'avait prévu. Cela permet d'avoir une ligne directrice et de laisser pas mal de place à l'improvisation.

Le plus compliqué est de partir. C'est important de trouver un but, de savoir ce qu'il faut mettre en œuvre pour le réaliser. Un peu d'organisation, ne serait-ce qu'au niveau administratif, et le tour est joué. Il ne reste plus que le financement...

Une fois que l'on est sûr de son coup, que l'on tient tous les tenants et les aboutissants, les décisions sont faciles à prendre.

Il faut écouter son cœur pour permettre à nos rêves de se réaliser.

 

Cette histoire se récite maintenant au passé. Est-ce qu'elle a changé ma vie ? Définitivement !

Est-ce qu'elle m'a changé, moi ? Pas vraiment. Elle a juste renforcé mes convictions, balayé quelques peurs. Elle m'a rendu plus confiant, plus serein, à croc à l'écriture. Je suis désormais convaincu que la vie est magique. Ce sont les hommes qui se sont éloignés d' elle !

 

Discussion typique après un retour au pays :

 

« - Bon alors, çà va ?

-Ouai super bien !

- Tu t'es fait grave plaisir mon loulou ! Vas-y, raconte !!!

-Je sais pas, heu, pose moi des questions …

-C'est quel pays qu't'as préféré ?

-Pas facile... avant d'arriver en Amérique du Sud j'aurai dis sans hésiter l'Inde car la vie là bas c'est un truc de fou ! Ça respire la spiritualité ! Il y a beaucoup de pauvres gens, mais ils sont dignes !

-Ouai, çà sert à quoi d'être digne si t'as rien dans ton assiette !

- Dans un sens c'est pas faux... sûrement à être moins malheureux.

-Sinon Amérique du Sud alors ?

-Les paysages sont justes magnifiques, entre les chutes d' Iguazu, les Andes, Valparaiso, le désert de l'Attacama, le Salar d'Uyuni, le lac Titicaca, le Machu Picchu. Et puis le fait de pouvoir parler la langue locale çà change le rapport avec les gens. En Asie, ils parlent tous anglais, mais c'est pas pareil, tu parles pas leur langue maternelle. Je me souviens de deux chiliens à San Pedro qui m'ont amené chez eux pour regarder les étoiles. Tu peux parler de choses profondes.

-C'est dangereux, non ?

-Je ne me suis jamais senti en danger. Entre ce que nous montre la télévision et ce qui s'y passe, le fossé est énorme. Ok, y' a des quartiers dangereux, mais t'y entre pas dans ces quartiers, faut juste faire preuve de bon sens, être attentif. Et pis c'est pas des gars comme nous qui se font agresser, mais plutôt des gens qui ont écrit touriste sur leur front, avec un appareil photo autour du cou et des billets qui dépassent des poches. Sinon c'est pas d' bol, p't'être qu'une bonne étoile veillait sur moi. J'achetais des maillots de foot dans chaque pays, les gens me prenais souvent pour un local ou un voisin.

-Mais t'as dû galérer des fois tout seul, t'as dû avoir des moments un peu durs ?

-Pas vraiment, j'ai rencontré des gens partout, tous le temps. Il suffit d'aller dans des auberges de jeunesse et t'es jamais seul. Donc non, franchement. Mon esprit était toujours occupé.

-On a quand même dû te manquer, tes parents aussi.

-Oui et non. J'avais mon objectif en tête, et puis me dire que tout le monde me manquait, j'avais pas l'temps d'être triste, çà n'aurait pas servi à grand chose.

-Ouai remarque.T'as eu assez d'oseille ?

-Bein là, j'suis à sec. J' suis parti avec 15000 euros en comptant le matériel que j'ai acheté avant, les assurances, blablabla. Y'a un truc que j'avais pas prévu, c'est le budget fête ! La bière, çà revient super cher ! En Asie çà n' coûte pas grand chose mais tu fais pas attention, t'es euphorique.

-Heureusement qu't'as travaillé en Australie alors !

-C'est clair ! Il me restait 4000 euros, j'ai acheté un voiture à 1000 dollars qui  a roulé seulement 300 bornes. Là j'étais mal, fallait qu'je bosse absolument sous peine de rentrer par l' Est.

-T'as tenu plus longtemps que prévu en fait, non ?

-Ouai, j'suis parti quasi 15 mois, au départ, je tablais sur à peine un an, mais j'te dis, l'Australie c'est un truc de ouf, en comptant les taxes, j'étais payé 25 dollars de l'heure quand je bossais au club de rugby !

- 25 DOLLARS !!? j' hallucine, putain...Pas trop dégouté d'être rentré ? Çà doit pas être simple de te réadapter !

- J'avais pas le choix, je serais bien resté plus longtemps mais j'ai un trou dans l' portefeuille. Là aussi, çà sert à rien d'être dégouté. Si j'ai bien appris une chose, c'est à vivre au présent, j'ai l'impression d'être encore dans le même rythme même si là j' suis rentré, l'histoire est finie, ou elle continue, mais c'est déjà du passé. J'ai pas le temps de me morfondre, faut que je retravaille au plus vite. L'instinct de survie mec ! Avant les hommes chassaient ! Et puis le fait d'être rentré va me permettre de réaliser ce que j'ai fait, peut être pas maintenant mais d'ici quelques mois. J' ai mon projet vidéo, j'ai envie de refaire du son, et puis je profite de vous, des potes, de ma famille. J'ai d' quoi m'occuper. Je me sens un peu spectateur de ce qui se passe en France, vous êtes tous sur les nerfs, le moral des ménages doit être en berne.

- C'est clair mon pélo ! En tout cas, à la tienne, à ton retour ! Santé !

-Ouai ! Santé ! A la vie ! Content d'te r'voir mon poteau !»

 

 

Merci à tous ceux qui m'ont soutenu, à tous ceux qui ont pris le temps de me lire. J'espère que ce blog vous aura permis de réaliser que voyager est à la portée de tous. Une grosse pensée pour les potes que j'ai rencontré à Goa, à Hampi, à Chiang Mai, sur le Mékong, dans les rues de Bangkok, à Bali, au Frog's Hollow de Darwin, au Coco's Backpacker de Katherine, sur la route d'Uluru, à Canberra, à Santiago du Chili, à Florianopolis, à San Pedro de Attacama, sur le Salar d'Uyuni, à La Paz, à Cuzco... Je ne vous oublierai pas. Ciao !

 

 

« Lorsque nous aurons saisi ce qui se passe vraiment, que nous saurons comment provoquer les coïncidences et intensifier leurs conséquences, le monde des hommes franchira un bond véritablement sidéral vers un nouveau mode de vie que l'humanité essaye d'atteindre depuis toujours. »

James Redfield, La Prophétie des Andes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 15:53

 

 

 

Quito, mardi 24 Janvier 2012 ... stop.

Aéroport International Mariscal Sucre ... stop.

Escale à Caracas … stop.

Attente, marche, position assise, marche, lecture, position assise, fouille complète, embarquement... stop.

Aéroport Bajaras, Madrid... stop.

Bus, metro, Placa del Sol. Des schtroumpfs, un homme invisible visible, Capitaine Jack Sparrow et des imitateurs de statues posent pour les photos en échange de quelques pièces jaunes... stop.

Hostel à proximité... stop.

Fouillé par deux agents de la BAC locale après avoir passé dix minutes à observer un escalator à la FNAC... stop.

Rencontre d'un franco-argentin à l'allure de lascar et aux yeux rouges parlant de La République de Platon... stop.

Une nuit, un réveil, de l'attente, direction la gare routière pour une des dernières marches avec ma maison de vingt kilos sur les épaules... stop.

Bus... stop.

 

Vendredi 27 Janvier 2012, 5h30, Bordeaux s'éveille … stop.

La gare, achat de l' Equipe en disant « buenos dias » à la vendeuse... stop.

Une femme perdue, rongée par la rue, buvant un mélange inconnu, ressent le besoin de gueuler qu'elle en a marre que tous le monde la suive ... stop.

Cours de la Marne, toutes les poubelles sont couchées par terre, elles dégueulent ... stop.

Pas un café d'ouvert. Place St Michel, cours Victor Hugo, Meriadec, St Pierre, St Mich'... stop.

Un employé de la ville, les yeux encore collés, est sur le point de me karchériser en nettoyant les pavés de la place Camille Julian... stop

Café ouvert, Télé Matin, BFM TV, Hollande et Jupé ont débattu hier soir... stop.

Bienvenu en France.

 

Un vélo attaché s'est fait agresser. La fourche brisée, la selle arrachée, les rayons voilés, il gît sur le trottoir. Sûrement un coup du gang des poubelles … stop.

Traversée du pont de pierre, nez, doigts de pied gelés, Place Stalingrad … stop.

10 H 00, ouverture d'une porte, accueil chaleureux, 6ème café, merci Steph … stop.

Potes retrouvés, bouteilles vidées, fromage, canard, baguette, médoc cru bourgeois, huit-six, pub, changement de lit quotidien. Une semaine … stop.

 

Alerte Enlèvement aux abords de l'hôpital Pellegrin, mes ravisseurs me conduisent à l' Océan, je profite d'eux ... stop.

Soirée soulaquaise en salle polyvalente, esquive pour aller jouer au poker au casino. Une main jouée, cinquante euros gagnés, train pour Tours payé … stop.

Réveil sous la neige … stop.

 

Bac au Verdon, Gare de Royan, Gare de Tours … stop.

Bibi est là, tout sourire, il est fiancé. Bes nous rejoint … stop.

Apéro non dinatoire en  mode bisounours, «  vas-y raconte ! », «  heu, j'sais pas moi, pose moi des questions » … stop.

Retrouvailles, bouffes, apéros, soirées, bouffes, apéros  ... stop.

Mains sur radiateur chaud, conduite sur neige, PMU, Grimbergen, Ricard, tartiflète, Senseo, PES, camembert, futsal, guitare, les gosses des potes, le poker du vendredi soir, les routes de campagne. ... stop.

Les actualités, la crise, alerte grand froid, - 7 degrés Celsius. L'homme aux talonettes qui avait juré sans cracher que plus personne ne dormirait dans la rue et ne mourrait de froid; la fille du borgne, en éternelle victime, voudrait faire croire qu'elle est devenue fréquentable. Les français sont sur les nerfs ... stop.

  

Mardi 7 Janvier 2012, Joué-lés-Tours.................... Pôle Emploi … stop.

Bienvenu en France.

 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 15:10

 

 

 

 

J'ai entendu dire que la frontière entre le Pérou et l' Équateur est la plus mal famée d' Amérique du Sud. Son passage est long. Il faut faire attention.

Pour une histoire de prix, beaucoup se rendent à Aguas Verdes pour la passer à pied.

J' achète un billet Mancora / Quito pour 80 soles.

Juste avant la frontière, le van qui nous conduit s'arrête devant une agence de voyage. Une guide monte dans le véhicule. Elle a pour rôle de nous faciliter le passage de la douane.

En deux temps trois mouvements les formalités sont faites. Elle est autoritaire. Elle remet en place les locaux qui tentent de nous doubler, les agents trop lents.

Aucunes fouilles.

Une fois en Équateur, elle nous emmène faire du change. Une dizaine d'hommes sont assis dans la rue sur une chaise, à la suite, des mallettes ouvertes sur les genoux, une liasse de billets dans une main, une calculatrice dans l'autre. De la fausse monnaie circule mais Madame M. veille au grain.

J'échange des soles contre des dollars américains, la devise équatorienne.

Elle nous oriente vers une agence où nous devons prendre notre bus pour Quito.

Le temps de monter, j'éclate les moustiques qui me piquent. Ils sont nombreux.

 

Mon voisin de siège est un professeur de danse péruvienne d'une cinquantaine d'années. Il me parle de Victor Hugo, d' Émile Zola, des Incas.

Quelques kilomètres plus tard, des militaires armés stoppent le bus pour procéder à des fouilles. Il retournent les sacs et les valises des locaux à la recherche de la moindre marchandise. A la vue de mon passeport, ils ne posent pas les mains sur mes affaires...

 

Je m'endors. Je me réveille à Quito, au petit matin.

Il pleut. J'aurai dû rester deux ou trois jours de plus sous le soleil de Mancora.

Le temps est humide pendant tout le séjour.

Je n'ai pas envie de sortir. Je ne visite pas l'une des nombreuses églises. Je ne visite pas le monument qui se tient à cheval sur l'équateur. Je ne visite rien. Je sors juste dans Mariscal.

 

Comment est Quito ? Je ne sais pas.

 

                IMG_3870.JPG

 

                    IMG_3872.JPG

 

Je reste au Vibes Hostel. Mon voyage est fini. Je ne suis plus curieux, ni content ni déprimé de devoir retourner au pays. J'attends la suite.

 

Je pourrais vous parler de la saison 6 de Dexter, de la seconde de Braquo, de Mulholland Drive, de Enter The Void, de 127 heures. Je regarde des films et des séries. Je télécharge gratuitement pendant que les Anonymous s'attaquent aux gouvernements.

Mon lit est l'endroit que je connais le mieux à Quito. Je bois de l'eau.

 

Je fais un écart de conduite le second soir. Après avoir vidé des verres de cuba libre à 1 dollar 50 au Vibes, je sors avec une bande d'argentines dans le centre festif qui se trouve à une centaine de mètres.

Je rentre à onze heure du matin. Je fais les poches de mon jean, retrouve des tickets de carte bleu...

 

Mes colocataires, deux danois et un israélien, se marrent dés qu'ils rentrent et me voient dans la même position.

 

«- Tu bouges pas ?

-Non.

-Tu fais quoi pendant tout ce temps ?

-Je mate des films.

-T'as rien d'autre à foutre que de mater des films ?

-Non, il pleut.

-Quand même, t'es à Quito mec !

-M'en fous. J'ai envie d'rien faire. Je rentre bientôt en France.  Et Quito sous la pluie, honnêtement... m'en fous.

-T'es grâve toi !

-Je sais juste de quoi j'ai pas envie.

-C'est déjà çà ! Bons films, à plus !

-Ciao ! »

 

La veille de partir, deux chiliennes arrivent dans la chambre. Une me dévisage. Je la connais c'est sûr. Nous nous regardons avec insistance. Nous nous sourions d'un air gêné. Je sais !

 

«-On s'est vu au Laos, non ?

-Mais oui c'est çà ! Antonio !

-Non lui c'était mon pote. Vincent.

-Oui, c'est vrai ! Mais t'es encore sur la route ? Ça fait déjà un an !

-Je rentre en Europe demain.

- Çà doit te faire trop bizarre.

-Je ne ressens rien... .

-C'est incroyable de se revoir ici ! Le monde est tout petit !

-Antony vit au Cambodge maintenant, il s'occupe d'enfants dans une asso... »

 

Je mets du cœur à ne rien faire et la vie m'offre encore une scène improbable.

 

Je passe la soirée accoudé au Vibes.

 

« Hey Vince, ce sont tes putains de derniers verres en Amérique du Sud !

Ce soir je te rince ! A la tienne mec ! Santé ! » me dit le gringo de barman.

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 15:58

 

 

 

Les trois nuits que je viens de passer à Lima ne m'ont pas laissé un souvenir impérissable. Il faut dire que je n'ai pas fait grand chose pour la connaître mis à part m'assoir sur la plage de galet la plus proche de Miraflores, le quartier où je suis resté pendant l'entièreté du séjour, et squatter la terrasse ensoleillée de l'hostel Pariwana. Je me suis contenté de ce quartier friqué, en panne d'envies aventureuses. Mon expérience avec Filder m'a calmé, dans le bon sens. Je me refais le film des dernières semaines, apaisé.

 

Quand je suis arrivé, j'ai reçu un message d' Aoitef me disant qu'elle était à Lima, sur Miraflores. Coïncidence hasardeuse ? Je ne crois pas au hasard. Nous nous sommes rejoints le soir pour aller fêter l'anniversaire de Julien, un pote rencontré à Cuzco. Elle m'a parlé de Mancora, une plage du nord du Pérou proche de la frontière équatorienne.

Mon retour est acté. Un avion m'attendra sur le tarmac de l'aéroport de Quito le 24 Janvier à 9H50 pour me conduire à Madrid. En attendant, J' veux du soleil !

 

Mon billet à 130 soles entre les mains, je monte dans un bus Cruz Del Sur, m'installe sur mon siège semi-couchette, à l'étage, à l'avant, face au pare brise, à coté de trois péruviennes quadragénaires et célibataires, à coté de trois cougars. Elles me proposent tout ce qui passe dans leurs mains, chewing-gum, chips, Inka Cola jaune fluorescent. Elles me font la conversation, me font même régulièrement ôter mon casque hifi pour me demander mon avis sur un sujet qui ne m'intéresse pas.

24 heures plus tard, le bus s'arrête à Mancora. Un gang de chauffeur de taxi-motos racole chaque arrivant pour une course à 3 soles. Je choisis celui qui me parait le plus sympathique.

 

«-Au Point Hostel s'il te plait .

-Ok amigo ! »

 

Je repense à l'Inde et à la Thaïlande. Le Pérou est l'autre pays du tuk tuk .

Il me dépose à la porte de ma nouvelle maison.

 

«-Si tu veux quoi qu'ce soit, tu me demandes, j'ai bien dis tout, de l'herbe, des femmes.

-Non merci. Non, j' veux pas payer pour une femme.

-Ha t'es un gentleman toi.

-J'suis pas sûr.

-Ne va pas de ce coté de la plage, reste entre l'hôtel et le centre, évite de t'y promener seul la nuit.

-C'est dangereux ?

-Çà peut l'être, il n'y a pas que des gens biens ici.

-Merci pour le conseil, salut !

-Salut amigo ! »

 

J'entre dans ce paradis pour adulescents avides de cocktails, de transats, de musiques amplifiées et d'eau chlorée. C'est plein, j'ai bien fait de réserver à l'avance.

J'attends que mon lit se libère, que ma chambre soit propre pour balancer mes sacs dans un coin, enfiler un short de bain et partir me balader sur la plage qui n'est qu'à quelques pas.

Je redécouvre l'odeur de l'iode, le contact presque violent du soleil sur ma peau, l'altitude zéro.

A l'horizon, le ciel et l'océan se rencontrent, se confondent. Au sud, un champs de parasols, ce doit-être le centre-ville. La plupart de plagistes sont jeunes, argentins, ils décuvent de la soirée d'hier, se cachent derrière leur fausses Ray Ban, regardent les surfeurs en buvant le maté.

Mancora est très très touristique, elle n'est pas canon-canon, ses alentours sont sableux, presque désertiques. Le soleil est au rendez-vous, c'est l'essentiel.

Tous le monde semble avoir le feu au cul.

Je foule les pavés de la rue piétonne à la recherche d'un livre. Pas de librairie, seuls quelques vendeurs de souvenirs présentent une paire de best-sellers espagnols sur leurs étalages. Je ne maitrise pas assez le castillan. Les stands des marchands sont les mêmes du sud au nord du pays. Des bonnets, des chaussettes en laine, des bijoux faits main, des t-shirts Peru, des pipes et des accessoires pour les fumeurs de ganja. Je retourne sur mes pas, rentre à l'hôtel pour faire la crêpe au bord de la piscine.

 

C'est vendredi 13. La soirée au Point est fiévreuse. Une fille m'agrippe par le colbac :

« Viens là toi que je te maquille !»

 

Elle s'appelle Inès, elle est jolie mais un peu trop jeune. Elle me peint une étoile noire autour de l'œil gauche. Je ressemble à un membre de Kiss.

Au moment où je me commande un verre, Hernan, un collègue de chambre, m'appelle et me laisse entre les mains d'une argentine :

 

«-Tu t'appelles Vincent, c'est çà ?

-Heu... oui.

-Je lui ai demandé s'il te connaissait. Moi c'est Maria, je viens de Tucuman.

-Enchanté. Je viens de...

-France ! Je le sais aussi. J'enseigne le français. J'ai passé deux ans en France. Une année à Rouen et une autre à Tours.

-C'est drôle, j'ai grandi près de Tours.

-Non c'est pas vrai, j'ai été amoureuse d'un tourangeaux ! »

 

Je passe deux bonnes heures à discuter avec elle. Elle a besoin de se confier, de parler, en français dans le texte. Elle me confie des problèmes qu'elle a la possibilité d'éviter, elle s'apprête à foncer dans un mur. Je le lui dis. Au début, j'imaginais une aventure possible avec elle, mais là, j'ai l'impression d'être le branleur de Samuel Benchetrit. Elle a trouvé deux oreilles attentives et m'envoie une déferlante de plaintes. Ha ces hommes, tous des salauds ! Je devrais moi aussi ouvrir un bureau des lamentations et me faire payer à écouter les problèmes des gens. Je ne la désire plus, je profite du fait qu'une bonne partie de la population maquillée du Point parte vers le centre pour m'éclipser. « Je dois y aller moi aussi. Plein de courage, ciao. ».

 

Cinq tuk-tuks nous attendent devant l'entrée. Nous débarquons au cœur de la fête mancorienne. Une dizaine de bars se suivent sur le front de mer. Je fais mon tour d'observation. Je sens tous les regards se poser sur moi. C'est vrai, je suis maquillé. Je croise les trois cougars, elles m'invitent à leur table pour boire du Baileys, je fuis poliment. Et je tombe sur … Aoitef, elle est avec un mec, je l'embarque :

 

«- Viens, on va boire un coup !

-Qu'est-ce que t'as a l'œil, t'es maquillé ?

-C'est vendredi 13 ! 

-T'es rock'n roll comme çà ! »

 

Nous retrouvons deux potes australiens de Cuzco, buvons des coups. J'ai la bougeotte, je pars à la recherche de contacts, discute avec à peu près tous les gens que je croise, je reviens, repars, reviens.

Awa est sortie avec deux norvégiennes, Kristine et Gine. Nous investissons un bar où le DJ alterne entre salsa et drum'n bass...

C'est déjà la fermeture. Nous partons en direction de l'hôtel des filles pour faire l'after.

Dans la rue principale, je marche aux cotés de Gine, sans prêter attention, ma main heurte un rétroviseur. Il plie. Tout en discutant avec elle, je le regarde et pense à toutes les fois où j'ai retrouvé le mien cassé, je n'ai pas de réaction, je continue mon chemin.

Quelques mètres plus loin nous nous arrêtons au milieu de la route pour je ne sais quelle raison.

Un type me fonce dessus, je ne m'en aperçois qu'au moment où il me pousse et tente de me frapper. J'ai déjà oublié l'épisode du rétroviseur, je ne comprends pas ce qu'il me cherche. Je me rue sur lui, l'enchaine, il recule, se réfugie près de ses potes. Ils sont plusieurs, ils me menacent. « Il est arrivé le premier, je n'ai rien fait. ». « Et le rétroviseur » me rétorquent-ils.

C'est vrai, le rétroviseur... Je m'excuse, je n'ai pas fait exprès, je n'ai pas réagi. Le gars, pendant que je me justifie auprès de son pote, me colle une droite. Je pète un plomb, tente à nouveau de me ruer sur lui. Du monde nous sépare, puis ils viennent à quatre sur moi. Je suis déséquilibré, roule par terre tout en donnant des coups de pied pour me défendre. Je me relève immédiatement en sautillant .

L'instinct de survie procure une force insoupçonnée. Les filles sont terrifiées. Elles ont le courage de se mettre en opposition. Un des types me fait front, une grosse pierre dans les mains.

 

« Venez tous un par un bande d'enculés ! Je vais vous manger !»

 

La tension retombe.

Les filles m'embarquent, prennent un chemin détourné pour rentrer chez elles.

 

«-C'est vrai, t'as cassé le rétro ?

-Oui, j'ai pas fais gaffe. 

-Ça va ? T'as rien ? Comment tu te sens ?

- Juste des égratignures. J'étais plus fort qu'eux, bande d'enculés !» 

 

A deux pas de chez elles, les gars sont à nouveau là. Les filles temporisent :

 

«Vous, vous pouvez passer, lui, il passe pas ! »

 

Je n'ai pas envie de leur attirer des ennuis. Je tourne les talons, pars pieds nu, ayant perdu mes claquettes dans la bataille. Awa me court après.

 

« Vincent, prends un tuk tuk pour rentrer, si tu veux j'ai de la monnaie » me dit-elle.

«T'inquiète, j'suis un grand garçon ! »

 

Après un bonne demie heure de marche, je m'écroule sur mon lit, m'endors. Le jour s' est levé.

Je me réveille vers onze heure, m'installe à l'ombre. Awa arrive :

 

«-J'étais inquiète, je pouvais pas dormir, je suis venue vers huit heure pour savoir si t'étais bien rentré. J'avais peur qu'ils aient repris leur voiture pour te chercher. Et toi, tranquille, tu dormais. Ça a foutu un sacré bazar cette histoire. Le propriétaire de mon hôtel est le cousin du gars. Il faut que tu payes pour un nouveau rétro.

- Pas de soucis.

-Mais pourquoi t'as cassé son rétro ?

-J'ai pas fait exprès, ma main trainait. Tu me connais quand même ! »

 

Je vais avec elle, rencontre Pachi, le proprio.

Nous allons tous les deux voir son cousin. Nous discutons brièvement, il m'explique qu'il a bien vu que je n'avais pas casser le rétro volontairement, je lui tend les sous. Il conclut par un : « T'es un homme ».

 

Je passe l'après-midi avec Aoitef sur la plage. Au bout de quelques heures, j'ai besoin de bouger, je ne peux plus rester en place. « On essaye de se capter ce soir » lui dis-je. Je rentre chez moi.

 

Le soir venu, je me dirige vers son hôtel. En route, je croise Kristine et Gine :

 

« Awa est déjà au lit . »

 

Je sors avec elles. Nous allons dans un premier bar. Pachi nous rejoint. Inévitablement nous reparlons de la nuit passée.

 

«-J'en ai discuté avec mon cousin. Il était désolé, ils sont allés trop loin. Il m'a fait rire en me disant « il doit être entrainé, je me méfiais, je croyais que c'était un militaire israélien ».

-Un militaire israélien ? Sans déconner ? Si je raconte çà à mes potes, çà va les faire rigoler. J' suis tout sauf un militaire ! J' suis un artiste ! J'ai juste joué au foot...»

 

Nous allons dans une soirée, dans un camping. Au programme, house-progressive en plein air.

Il y a peu de monde mais le son est bon. Pachi décide de rentrer, les australiens qui nous accompagnent en font de même. Je reste avec Kristine et Gine. Elles sont drôles, fêtardes, un peu folles. Les dragueurs papillonnent autour d'elles, essayent de sympathiser avec moi pour pouvoir les approcher.

Un musicien argentin exilé à Londres joue de sa Telecaster pendant que le Dj envoie ses galettes. Je tente de lui emprunter, mais il ne veut pas prêter son bébé de 1952, chose que je peux comprendre aisément. Nous finissons la nuit chez lui. Il loue une maison perchée sur une colline, au nord de Mancora. Pendant qu'il essaye de draguer Kristine, je me pose sur la terrasse avec Gine. La vue est splendide, nous nous rapprochons. Elle est intéressante. Elle veut devenir actrice, elle suit des cours d'art dramatique. Nous nous comprenons parfaitement. Une gueule d'ange, blonde, aux idées anarchistes.

 Je partais pour rejoindre Aoitef, et là...

 

Je rentre au Point vers onze heure. Le petit déjeuner n'est déjà plus servi. Je reste la journée dans les environs, passe une première nuit entière dans mon lit.

 

Le lendemain, je vais dans le centre, pensant passer une dernière journée avec Awa. Je m'en vais bientôt, après-demain je serai à Quito. Finalement, c'est avec Gine que je vais vivre mes ultimes heures péruviennes...

Des fois, dans la vie, on s'épuise à vouloir faire des rencontres, sans résultats. C'est quand on ne demande rien qu'elles arrivent servies sur un plateau.

 

Le « Sea, sex and sun » cher à notre bon vieux Serge sied si bien à Mancora ...

 

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 01:15

 

 

Je suis à nouveau seul. Ce n'est pas pour me déplaire. Aoitef est partie à la recherche de sable blanc et d'eau salée.

La bande du Machu Picchu s'est désolidarisée le soir du nouvel an, après les douze coups de minuit, après que nous ayons communié avec la ville entière sur la Plaza de Arma de Cuzco, au milieu des pétards et des feux d'artifices. Nous avons perdu Chris, Josh et David. Comme ils se prenaient la tête depuis deux jours pour une histoire d'argent, même si je les aime bien, cela ne m'a pas dérangé.

 

Je peux désormais me concentrer sur un de mes objectifs.

 

Je viens de régler mon ardoise à l' Eco Packer. Je leur laisse mon gros sac. Je pars à pied vers un petit terminal de bus. Je vais à Pisac, le trajet me coûte 2,5 soles.

 

Depuis que j'ai croisé cette française à Sucre, je n'arrête pas de penser à ce qu'elle m'a dit :

 

« J'arrive du Pérou, j'y ai fait des expériences chamaniques. Une première à Iquitos, dans la jungle, que je n'ai pas vraiment appréciée. C'est devenu un très gros business, ils vendent des tours mystiques à tire à larigot. Des pseudos chamans font prendre de l'ayahuasca à des touristes de base sans les accompagner, sans les guider. Le gars sur qui je suis tombée ne chantait même pas !

Et puis j'ai rencontré Filder à Pisac, un homme génial. Il a grandi dans la jungle près de Pucallpa. Dans sa famille on est chaman de père en fils, depuis plusieurs générations. Pendant sa formation il est resté un an dans la jungle, tout seul, avec sa bite et son couteau.

J'y suis allée avec deux gars. L'un d'eux était héroïnomane, je dis bien « était », il a fait trois séances avec Filder, il a vaincu son addiction.... En plus, il est marié à une française ! »

 

Je pensais aller dans la jungle, mais j'ai pris cette rencontre comme un signe. Je dois rencontrer Filder.

 

Depuis que j'ai lu Castaneda, je me suis passionné pour la culture amérindienne.

Les grandes religions ne me parlent pas, je ne comprend pas très bien ce qu'elles entendent par Dieu. Je n'accepte pas qu'elles dictent les conduites. En revanche, quand j'entends des indigènes parler d'esprits de la montagne, de l'eau, du soleil, de la forêt, de Pachamama, là çà me parle ! Quand je regarde la lune, les étoiles, quand j'imagine l'espace, je me dis que la vie est magique , qu'il existe « D' autres mondes » ( documentaire de Jan Kounen ) , ceux de l'inconscience, ou plutôt de la conscience, un univers qui est tout sauf matérialiste, où règne la vérité.

Dans ce type de culture, on s'attache à forger des esprits, l'expérience est le maitre mot. «  Tu dois comprendre par toi même mon petit ». Pour ceux qui peinent, les médecins de l'âme sont là. Ils ne donnent jamais directement les réponses.

 

Je veux rencontrer un homme de savoir. J'aime la vie profondément mais j'ai un peu le mal de vivre. Je veux trouver la clé, je veux comprendre, « donnez moi la vérité ».

 

Ne voulant pas aller à Pisac pour rien, j'ai tapé sur internet « Filder shaman pisaq ». J' ai trouvé son site, lui ai envoyé un message. Je suis en route.

 

Pisac est un village au cœur de la Vallée Sacrée, entouré de montagne. Les touristes y viennent pour passer la journée mais n'y restent pas pour la nuit.

 

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Je me promène dans les ruelles, tombe sur un restaurant indien végétarien. Je fais la connaissance du jeune patron. Un gars fort agréable, passionné par l'Inde. Je me pose quelques heures pour écrire, une carafe de jus de banane frais à portée de main.

Je pars à la recherche d'un hébergement, traverse le marché artisanal. Sur le chemin du site archéologique, je vois une pancarte « Hospedaje ».

J'entre, personne. Une clochette est posée sur le comptoir, je la fait sonner. Un vieil homme arrive :

 

«-Bonjour Monsieur, vous avez une chambre de libre ?

-Oui.

-C'est combien ?

-25 soles.

-Je peux la voir s'il vous plait ? »

 

La chambre est sommaire, juste un lit, un bureau. Idéale pour écrire.

 

«-Mouai... Maintenant je sais comment elle est... Je vais faire un tour, je vais peut-être repasser, merci.

-20 soles.

-15 ?

-Hum...d'accord.

-Vendu ! »

 

Je pose mes affaires, retourne dans le village. Il faut que je prenne contact avec Filder. Je vais revoir mon nouvel ami, il m'oriente vers un magasin où est censée travailler sa femme. Elle n'y est pas.

Je passe devant l' Ayahuasca, un restaurant. A l'intérieur, une argentine :

 

«-Bonjour, je suis à la recherche d'un homme qui s'appelle Filder.

-Filder, Filder, çà me dit quelque chose. Ha oui Filder ! En fait, il habite pas vraiment dans le village, il est un peu à l'extérieur. Par contre je sais pas où. Tu devrais essayer de l'appeler. »

 

Pas bête ! Je trouve son numéro, l'appelle. Je tombe sur Dorianne, sa femme :

 

«-Bein là, on s'apprête à partir, tu veux le voir quand ?

-Hum.. demain ?

-Ok, demain. On va dire.. 20 heure à l'entrée du village.

-Avant le pont ?

-Oui.

-Ok çà marche ! Merci à demain.

-Ha si ! Pas d'alcool, pas de viande et pas de repas demain soir ! »

 

Çà c'est fait ! Je retourne à ma chambre, m'isole face au bureau. Je refais le Machu Picchu pendant quelques heures...

Je me sens observé, j'entends des rires. Deux enfants me regardent pas la fenêtre, ils disparaissent au moment où je me retourne. Je tourne la tête, me retourne à nouveau, toujours avec un temps de retard, ils se cachent. Le manège dure quelques minutes, ils s'amusent, rient aux éclats.

Je sors :

 

«-Hey, tu fais quoi ?

-J'écris.

-Pourquoi tu écris ?

-Heu... parce que j'aime çà.

-T'as un ordinateur ?

-Oui.

-Tu nous montres ?

-Si vous voulez. Entrez ! »

 

Ils regardent derrière eux, comme s'il craignaient que leurs parents les voient.

 

Ils fixent l'écran, font semblant de savoir lire le français.

 

«Attendez, je vais vous montrer quelque chose de rigolo ». Je sélectionne des photos et des vidéos.

Ils ont de grands yeux, la bouche légèrement ouverte, se regardent.

 

«-Tu veux jouer au foot avec nous ?

-Oui, j'aimerai beaucoup ! Vous vous appelez comment ?

-Moi c'est Zacharia.

-Et moi c'est Eros. Et toi ?

-Vicente.

-Vous avez quel âge ?

-Moi 8 ans.

-10 ans.

-Elle est où ta maison ?

-En France.

-Wouaw, tu connais Karim Benzema ? »

 

Le match est intense, ils taclent dans tous les sens, sur le béton, s'appliquent à me montrer l'étendue de leur talent. C'est toute une science de faire semblant de perdre tout en donnant l'impression que l'on veut gagner à tout prix.

 

« Vous êtes trop forts, je m'incline. Dernier but gagnant ! »

«- Goaaaaaaaaaaaal ! Ça y'est vous avez gagné !

-Non, il compte pas celui là, y' a poteau ! Encore un ! »

«-Goaaaaaaaaaaaal !

-Non, il compte pas celui là non plus, y' a faute ! Encore un ! Allez encore un s'il te plait !»

 

Quelques buts plus tard, j'abandonne mes copains, je vais manger végétarien.

 

Il est 20 heure, presque tous les restaurants sont fermés. Je joue du charme en entrant dans le seul endroit où je vois de la lumière. La serveuse était sur le point de tourner le verrou. Elle consent à me préparer un sandwich.

 

(…)

 

Aujourd'hui, c'est le grand jour. Je passe mon temps à regarder l'heure. Plus que huit heures. Plus que cinq. Encore trois heures à tenir. 19 heure, çà commence à sentir bon.

Plus le temps passe, plus j'ai le trac. Je passe les derniers instants près de la rivière. La lune est ronde. Je me concentre sur elle, sur ma respiration. Ma boule au ventre est énorme. Je ne sais pas à quoi m'attendre.

 

Je suis au point de rendez-vous, à l'entrée du village. « Suis-je du bon coté du pont ? Est-ce qu'il va venir ? Si çà s' trouve je vais repartir sans l'avoir vu ? Est-ce que c'est lui qui arrive là ? Non c'est un taxi. Je suis peut-être pas du bon coté du pont. Pile j'y suis, face c'est en face. Pile. Je reste là. On verra bien ... »

 

20H22, une voiture s'arrête à une trentaine de mètres. Un bras sort par la fenêtre, me fait signe. Je vais à sa rencontre.

 

«-Vicente ?

-Oui, Filder ?

- Monte! »

 

Nous allons chez lui, passons dans le salon.

Il a installé deux matelas l'un en face de l'autre, disposé devant le mien un seau et un pichet d'eau.

De son coté, un didgeridoo arrondi, une triple percussion sur pied, une guitare, un petit bac blanc, une bouteille en terre cuite multicolore, une pipe, du tabac, des bougies.

Il a à peu près mon âge. A sa dégaine, j'ai du mal à m'imaginer que cet homme est un sage, il ressemble plutôt à un baba cool.

 

«-T'as déjà pris l'ayahuasca ?

-Non, jamais.

-Parle moi un peu de toi... »

 

«-Pourquoi es tu venu à ma rencontre ?

-Heu..., heu...., j'ai besoin de comprendre.

-Tu vas comprendre.

-Je sens que je n'en suis pas loin.

-Je le sais, tu as quelque chose en plus des autres qui viennent me voir. Je ne te dirai pas quoi.

T'es musicien ?

-Oui...

-Je vois comment tu regardes les instruments. »

 

Après hésitation :

 

«-Filder, je voyage depuis quatorze mois, et sur la route, j'essaye de filmer des moments musicaux...

Çà te dérange si je filme la cérémonie ?

-Non, pas du tout, le truc c'est que nous serons dans le noir complet.

-Ha...

-Mais pas de problèmes, pose ta caméra dans un coin. »

 

Il me pose des questions relatives à ma santé, à ma façon de vivre.

Il se change. Enfile une sorte de longue toge, des colliers à plumes. Il ferme les yeux, prie.

 

Dorianne entre dans la pièce. Discussion typique de deux français qui se rencontrent.

 

« Il va prendre deux verres. » Lui dit-il.

 

Avant toutes choses, avant d'évoquer la cérémonie, je tiens à rassurer les personnes qui tiennent à moi et qui pourraient s'inquiéter d'une telle situation.

 

Un peu de culture :

 

Un chaman, un vrai, est l'homme qui soigne les villageois, les habitants des tributs qui ont conservé leur culture traditionnelle. C'est un sage, un homme de savoir, qui a une grande connaissance de la nature, des plantes, du milieu dans lequel il vit. C'est un conseiller, un guérisseur qui utilise des moyens peu conventionnels pour entrer en contact avec les esprits. Filder va régulièrement à Lima pour échanger avec des médecins qui s'intéressent à ses méthodes dites alternatives.

L'ayahuasca est un produit naturel, issu de l'association d'une écorce de liane et d'une feuille, utilisé essentiellement pour ses vertus thérapeutiques, consommé dans le cadre de cérémonies qui ont pour but de soigner les maux de l'âme, voir même des maladies importantes. C'est aussi un outil, un allié, consommé par les indigènes depuis des millénaires, qui permet d'élever l'état de conscience et qui aurait des vertus télépathiques. L'ayahuasca procure des visions.

Des scientifiques ont découvert que l'ayahuasca semblerait apporter des effets positifs dans les traitements de la maladie de Parkinson et d'autres pathologies... ainsi que dans les traitements de troubles psychiatriques et de la dépression (source Wikipédia ). Pour prendre l'ayahuasca, il faut avoir une démarche, un but, car en consommer à des fins récréatives, sans être averti, sans être accompagné peut se révéler dangereux pour l'esprit de quelqu'un qui ne serait capable de se regarder en face. En revanche, à ce jour, aucune mort n'a été recensée à cause de ce breuvage, il est également prouvé par des études que l'ayahuasca ne présenterait pas de toxicité, ni aiguë, ni à long terme. Elle est non addictive.

Elle est, d'une certaine manière, un symbole de la confrontation entre culture occidentale et traditionnelle, le Pérou l'ayant consacré patrimoine culturel national, la France l'ayant classé parmi les drogues. Certains vont voir un psychologue, d'autres une voyante, un conseiller conjugal ou encore un curé. Moi, je vais voir un chaman.

Filder sait refuser l'ayahuasca à des gens qu'il ne sent pas.

 

 

 

Il empoigne la bouteille multicolore, remplit une petite tasse, prie.

 

« -La lune est puissante ce soir.

-C'est clair.

-Tiens, prend.

-Je le bois comment ?

-Comme il te plait. »

 

Je prends une petite gorgée, le goût est terriblement amer, je garde le liquide en bouche pour me familiariser avec, pour m'en souvenir. Il tire sur sa pipe en me regardant, fumant un tabac d'origine inconnu à l'odeur d'encens, crache régulièrement dans un petit récipient en plastique. Il manipule des plumes.

 

«-Tu le bois en combien de fois ?

-Je sais pas.

-Normalement tu le bois d'un trait, comme çà, haaaa !

-En une fois ?

-Oui... Fais comme tu veux. »

 

Je finis le verre, il vois ma grimace, il sourit.

 

«-Tu bois le cosmos. Comment tu te sens ? Bien ?

-Oui... C'est simplement deux aliments ?

-Oui, ayahuasca et chakruna. L'ayahuesca est la force, la chakruna, la vision, la sensation, tutututututututututututu. Prends en un autre, il t'en manque un. Deux tasses. Une pour l'Univers, une autre pour la Terre, une pour l'œil droit, une autre pour le gauche, une pour le cœur, et une autre pour le cœur, lui aussi est double. Prends le bien, prends ton temps. N'aies pas peur. La cérémonie va commencer, la musique, tu es musicien. La musique.

Oui comme çà, c'est comme çà que l'on boit, félicitation !

-Merci.

-Attention ! L'ayahuasca a ses démons, regarde les, observe les, dompte les, puis chasse les, pffffffffffffffffff. »

 

Je lui rend la tasse, me rassois en tailleur sur mon matelas.

 

«-Si tu veux, bois un petit peu d'eau. Bois un peu d'eau.

-Hein ? Heu … oui.

-C'est très important. »

 

Il commence à siffler un air indigène, comme s'il se chauffait la voix. Il chante.

 

«-A la tienne mon frère, santé !

-Santé ! »

 

Il boit sa tasse.

 

«-Je peux fumer pendant la cérémonie ?

-Tout, tu peux tout faire.»

Pendant que le breuvage coule dans son organisme, il se frotte les mains, pousse un « haaaaaaa ! ».

 

«-Un petit peu d'eau. Nous y sommes, ainsi commence la cérémonie.

Bienvenu ! Dans quinze minutes, une demie heure, quarante minutes, je ne sais pas, une heure, çà dépend de toi, tout va commencer. Nous serons en communion, nous serons liés. Je vais chanter pour toi, pour les esprits. Pense aux bonnes choses, au bon, au beau, souffle, respire. C'est de la télépathie l'ayahuasca, donner l'information, recevoir l'information. Je reçois des informations de France, ici est la Terre, je reçois des informations d' Afrique … Le pouvoir du mental ! Je vois mon ex petite amie, mon amour que j'aime à la folie. La tendresse... Tout est dans ton cœur, le pouvoir du mental, tout dépend du pouvoir de ton mental, de ta conscience. La respiration, pfffffffff. Quand tu auras envie de vomir, si çà ne vient pas, ne te force pas, si ce n'est pas naturel çà va te faire mal à la tête, au moment où tu le sens, crache tout, expulse tout. Regroupe tes cigarettes, ton eau, n'oublie pas où sont tes affaires. Bienvenu à la cérémonie. La lune est très puissante ce soir...

-C'est peut-être un signe ?

-Certainement ! Certainement … Un signal que nous envoient les astres. »

 

 Filder se lève, se place devant les percussions, joue. Des chants tribaux s'échappent de sa bouche.

 

« -Il est temps d'éteindre la lumière. Bienvenu au Pérou mon frère.

-Merci. »

 

Une demie heure plus tard, la transe commence. Des milliers de prismes aux couleurs d'arc en ciel ont envahit la pièce, je ne contrôle plus rien, mon cou ne tient plus ma tête. Nous sommes dans le noir, mais Filder sait exactement dans quel état de conscience je suis, il accentue ses chants, les adapte avec une précision déconcertante. J' agrippe le seau, vomi mes tripes...

 

(…)

 

Au petit matin, la pièce est à nouveau lumineuse, j'ouvre les yeux. Filder est toujours en face de moi, assis en tailleur, il me sourit     :

 

«-Alors ?

-Wouaw !

-Comment tu te sens ?

-Là ? Fort !

-Tu as trouvé tes réponses ?

-Pas vraiment, j'ai plus subi qu'autre chose, c'est violent. Mais j'ai su faire face à mes démons, je les ai regardés en face, je les ai observés. J'en suis plutôt fier.

-Tu avais beaucoup de tensions, tu as bien vomi, de la bonne façon, tu t'es purifié. Comment sens-tu ton ventre ?

-Léger.

-On accumule tout dans le ventre, les frustrations, les peines, les peurs.

-Ma boule au ventre a sacrément diminué.

-Pour bien faire, il te faudrait suivre un régime d'une semaine, sans viande, sans alcool, sans cigarettes, et refaire une cérémonie. Là tu auras des réponses.

-Je pars à Lima cet après-midi. Je reviendrai peut-être un jour.

-Ma maison est ta maison mon frère, je suis content de t'avoir rencontré.

-Et moi donc !

-Tu as quelque chose mon frère, écoute ton coeur. Cette nuit, tu étais l'anaconda...  »

 

                            IMG_3862.JPG

             (Photo prise dans l'après-midi, avant que je devienne l'anaconda. Je l'ai observé longuement...)  

 

Ses enfants sont réveillés, les deux petites filles lui sautent au cou, le petit dernier arrive à quatre pattes. Filder est radieux. Cet homme est bien, à l'aise, heureux. Il a déjà tout compris...

 

                IMG 3863


Nous nous serrons dans les bras, il m'offre son disque. Je pars sous la bruine, le sourire aux lèvres. Je n'ai plus peur...   

 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 20:18

 

 

 

 

 

Certains matins, le son d'un réveil est des plus détestables. Spécialement quand on a peu dormi.

9H30, je lève la tête, regarde George, mon voisin de lit anglais. Je file sous la douche. Au retour, je le secoue doucement.

 

«-Hey George c'est l'heure...

-Huuum, pas envie, veux dormir... »

 

Je le laisse, il sait très bien où on va. S'il préfère rester au lit...

Je vais prendre mon petit déjeuner. Je croise Josh, Chris et David.

 

«- C'est cool, t'es levé ! Awa est debout ?

-Je crois, j'ai entendu un sèche cheveux. »

 

 

Notre plan ? De Cuzco, atteindre le kilomètre 82, le point où commencent tous les randonneurs qui empruntent el camino del Inca. Le truc, c'est que ces gens payent plus de 400 dollars pour marcher pendant 4 jours. Nous allons prendre un autre chemin, longer la voie ferrée qui va de Ollaytantambo jusqu'à Agua Caliente, au pied du Machu Picchu. Le tout gratuitement et... illégalement.

 

11 heure... Nous prenons un taxi qui nous dépose dans une sorte de garage où là, nous grimpons dans une camionnette aménagée. Le trajet jusqu'à Ollaytantambo dure une heure et demie. Nous payons 10 soles chacun. Nous investissons la terrasse d'un restaurant.

La fête d'hier a laissé des traces. Nous ne sommes pas dans les meilleurs conditions psychologiques et physiques pour marcher. Comme je l'écrivais précédemment, avant de sortir, nous savions ce que nous avions à faire le lendemain.

Awa commande un sandwich, nous commandons des fajitas. Elle est servie rapidement. Nous attendons plus de 40 minutes nos assiettes, par politesse, nous n'avons pas voulu jouer aux clients chiants. Nous finissons par demander où en est notre repas. La jeune fille qui a pris la commande revient en nous disant :

 

« Mais vous n'avez pas commandé de fajitas... »

 

Nous changeons de restaurant.

 

Nous sommes sur la place du village depuis deux heures, nous n'avons pas avancé d'un centimètre. Nous nous dirigeons vers la gare, mais en arrivant à proximité, nous rebroussons chemin car nous ne pouvons pas entrer. Des gardes vérifient si chaque usager à son ticket.

 

                   IMG_3697.JPG


Il pleut.

 

«-Excusez moi Monsieur ? Pour aller au kilomètre 82 ?

-C'est pas à coté, y' en a au moins pour trois quarts d'heure. J'ai un taxi, je vous emmène pour 70 soles.

-Non, c'est un peu cher, merci. »

 

Nous revenons sur la place, au point zéro, demandons à nouveau à quelques passant, à d'autres chauffeurs de taxi. Ces derniers nous disent que leurs véhicules ne sont pas adaptés pour rouler sur ce chemin accidenté. Finalement, une dame qui vend des fruits à la sauvette nous dit de la suivre jusqu'au marché. Elle nous dirige vers un van qui va au kilomètre 82. Nous payons 2,5 soles chacun.

Cà commence très fort, nous sommes ici depuis au moins quatre heures, et toujours pas d'avancée significative. « On est pas rendu ! »

 

Le type qui nous a loué nos affaires de trekking nous a conseillé d'éviter le Kilomètre 82 avant 5 heure de l'après-midi. Les contrôleurs sont encore en service.

Nous y sommes. Un garde rode 200 mètres plus loin. Il quitte la route. Nous filons comme si de rien n'était.

La nuit commence à tomber. Nous marchons une dizaine de minutes puis décidons de poser notre campement sur une plaine. D'où nous sommes, nous voyons la case départ. De l'autre coté, de la lumière, sûrement des habitations.

 

Une fois nos tentes plantées, David et moi partons chercher du bois. L'endroit n'est pas idéal, nous ne trouvons que de gros buissons, peu de bois mort. Je m'aventure plus loin munis d'une lampe frontale mais je rentre quasi bredouille,du bois seulement bon pour l'allumage dans les bras.

Je me suis un peu égaré, je peine à retrouver le chemin. J'aperçois enfin la lumière qu'émettent mes camarades. Au moment d'arriver sur le campement, je tombe dans un trou peu profond, m'éclate dans des ronces.

 

« -Çà va Vincent !?

-Ouai ouai ! Çà va! J'ai rien ! »

 

« Des gens sont venus nous voir. » me dit Aoitef.

«-Des gens ?

-Oui des locaux. Ils voulaient savoir ce que l'on faisait ici. Ils m'ont demandé mon passeport.

-Ton passeport ?

-Ils voulaient savoir d'où je viens. Quand ils ont vu que j'étais française, c'est passé.

-Bizarre. Et les autres ?

- Ils ne leur ont pas demandé. Ils ont dit qu'ils allaient repasser pour nous poser des questions. »

 

Nous allumons le feu.

Quelques minutes plus tard, trois hommes arrivent. Ce ne sont pas les mêmes.

 

«-Quelqu'un d'entre vous parle espagnol ? » nous demande un des trois types.

«-Moi.

-On peut voir vos passeports s'il vous plait ? »

 

Nous leur tendons, ils les photographient.

 

«-Pourquoi photographiez-vous nos passeports messieurs ?

-Nous travaillons pour le ministère de la culture. Vous êtes sur une zone archéologique protégée, vous n'avez pas le droit d'être ici. Nous nous devons de connaître votre identité au cas où.

Vous faites quoi ici ?

-Nous allons au Machu Picchu.

-Vous ne pouvez pas camper ici, vous ne pouvez pas faire de feu. »

 

Nous l'éteignons sur le champ.

 

«-Vous allez devoir partir.

-Nous n'avons nul part où aller monsieur.

-Nous avons une voiture. »

 

Ils discutent entre eux, je comprend que le plus vieux des trois plaide en notre faveur. Il dit aux deux autres de nous laisser aller jusqu'au Machu Picchu. Si nous bougeons tôt demain matin, ce ne sera plus leur problème.

 

«-Bon, vous pouvez rester là pour cette nuit. Mais pas de feu ! Il faut que vous soyez partis demain matin à sept heure !

-Merci beaucoup messieurs, nous serons partis. Ne vous inquiétez pas, nous respectons Mère Nature. »

 

Ils s'en vont.

 

« Quoi ! On doit se lever à 6 heure demain ! Avec la nuit qu'on vient de passer, c'est juste impossible ! » s'exclame Josh.

Nous n'avons pas le choix.

 

Nous mangeons, nous installons dans la plus grande tente pour jouer aux cartes...

 

A l'aube, les cris d'une femme nous réveillent. Je sors la tête dehors. Une locale en tenue traditionnelle s'affole autour des tentes, elle hurle, elle fait les cent pas, s'agenouille, se relève, hurle à nouveau.

 

«-Haaaaaaaa, mes plaaaaantes ! Vous avez saccagé toutes mes plaaaaaaaantes ! Qui est-ce qui va payer maintenant, qui est-ce qui va payer ??!!

-Quoi ? Qu'est-ce que vous dites ?

-Mes plantes, mes plaaaaaaaaantes ! Il faut que vous payiez pour les dégâts !

-On nous a dit que l'on pouvait rester ici pour la nuit.

-Nooooooon, c'est mon champ ! Mes plaaaaaantes ! Il faut payer !

-Mais.... c'est juste de l'herbe...

-Non c'est pas de l'herbe, c'est... »

 

Elle me sort un nom incompréhensible. Elle sait que nous ne tomberons dans son piège, elle s'en va en hurlant, nous dit qu'elle va appeler la police.

Au cas où, nous nous dépêchons de tout remballer, d'effacer toutes traces de notre passage.

Effectivement, sous nos tentes, l'herbe est aplatie...

 

Nous marchons une petite heure longeant la voie de chemin de fer. Nous entendons un train arriver au moment où nous faisons une pause pour observer un site pierreux. Sur cette portion, il n'y a pas beaucoup de place entre le train, le vide et les parois rocheuses pour que nous puissions passer en même temps. Nous filons aussi vite que nous pouvons, trouvons un chemin qui nous permet de suivre la voie tout en étant loin d'elle. Nous sommes une vingtaine de mètres au dessus des rails, en sécurité. La vue est splendide. Nous nous arrêtons pour déjeuner.

 

Pendant que Chris fait cuire du bacon et qu' Awa dort adossée à un rocher, un chien sorti de nul part fait son apparition. Il arrive avec un grand sourire, la queue remuante, se met sur le dos dés que nous voulons le caresser. Il a gagné son p'tit déj' !

 

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C'est parti pour une journée de marche. Machu ( nous l'avons baptisé ainsi ) vient avec nous, il mène le train. Nous nous arrêtons à chaque fois que nous tombons sur un site archéologique, sur un ancien village. Nous trouvons de l'eau fraiche, remplissons les bouteilles vides. La montagne est notre environnement. Nous sommes seuls au monde, au cœur de l'histoire Inca.

 

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Marcher, souffler, se ravitailler, tel est notre leitmotiv. Nous n'échangeons que peu de mots.

Sur les coup de midi, nous traversons un village, un vrai, avec des habitants et tout et tout.

Nous nous asseyons dans une clairière. Je garde les sacs pendant que les autres vont faire des provisions. Une boite de sardine et çà repart !

 

Nous marchons jusqu'à 16 heure. Chris et Josh ont repéré un boui-boui qui fait office de bar. Nous vidons quelques bières, comme dirait l'autre : dans ces conditions la bière çà compte pas !

Un canard se bat avec une poule pour quelques poignées de graines. Les chiens tournent autour de nous pour avoir les caresses qu'ils ne goûtent jamais. Des fruits de la passion s'éclatent sur le sol. Autour de nous, la jungle. Le patron est étonné de servir à boire à des occidentaux, il est curieux, nous pose des questions. Il nous propose même de tuer une poule.

 

Nous repartons. « Hey les gars, dés qu'on trouve un bon coin pour camper, on s'arrête. »

 

Nous trouvons l'endroit parfait, des ruines. Enfin... je ne pense pas que les archéologues qui travaillent sur ce site soient du même avis. Sur le sol de cet ancien hameau, des fils ont été tirés pour faire les niveaux, pour creuser la terre millimètres par millimètres. J'ai vu ce genres de travaux dans des reportages . Des gens travaillent ici, c'est évident.

 

«-C'est peut-être pas bon d'rester là ?!

-Tu rigoles, c'est génial, on n' pouvait pas espérer mieux. Faut juste qu'on ne foute pas le bordel et qu'on ne sabote pas le travail qui a été fait. On se cale en bas près du champs. En plus, y'a même un auvent sous lequel s'abriter, y' a déjà l'emplacement pour faire un feu. C'est la saison des pluies, ils bossent pas quand il pleut. Ça craint rien ! »

 

Joshua est enthousiaste, il finit par tous nous convaincre.

 

Nous passons la soirée sous le préau. Nous avons trouvé du bois pouvant bruler une nuit entière. Comme hier soir, nous mangeons des pâtes.

 

David et moi nous réveillons avant les autres. Nous avons le droit au vol du condor. Il est haut, il est loin. Je reconnais la forme de ses ailes. Pendant que David court chez notre barman de la jungle pour lui ramener les bouteilles de bière consignées, le temps que les autres se réveillent, je reste assis sur un muret, les pieds dans le vide. Je discute avec les montagnes. Même si le paysage est le même depuis hier, je suis toujours autant émerveillé. C'est pas comme si ce que nous vivions était banal, c'est juste un truc de malade de se réveiller, de sortir de sa tente, d'avoir dans le dos des ruines Incas, d'être en face des Andes, bercé par les bruits du vent, de l'eau, des oiseaux... la simplicité à l'état pur.

 

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Nous repartons sur les coups de 11 heure. En chemin, nous retrouvons Machu. Nous l'avions perdu hier en bifurquant entre la voie ferrée et un chemin surélevé. Il nous a reconnu, il a l'air content.

Nous passons la journée sur les rails. Nous ne trouvons plus de pistes détournées. Je traverse un tunnel la boule au ventre, quelques secondes après en être sorti, un train déboule, j'ai eu de la chance. Certaines zones sont très dangereuses. Je compte sur ma bonne étoile.

 

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Machu donne la cadence. Il me fait peur. Tout à l'heure, un train est arrivé, il était au milieu de la voie, il l'a évité à une demie seconde près. Je n'ai pas envie de voir un chien mourir sous mes yeux.

Un autre arrive, il est encore en plein milieu, il ne réagit pas.

 

« MACHUUUUU !!!!! MACHUUUUUUU !!!!! BOUUUUUUUGE !!! BOUUUUUGE !!!!»

 

Malgré la vitesse, la scène passe dans ma tête au ralentit. Il prend peur, il croit que je l'engueule. L'avant du train lui heurte la gueule. Il bondit dans tous les sens...

Je ne le vois plus, il est sur le coté. Je m'imagine pendant un centième de seconde qu'il va falloir que je l' achève... puis je le vois s'enfuir en courant. Il est choqué, effrayé, je l'appelle, il se retourne, court aussi vite qu'il peut.

Au moins, il est sauf...

 

Nous nous approchons du but, nous passons devant une centrale hydro-électrique. Des ouvriers aux casques de sécurité, tels des personnages de Tex Avery face à une silhouette parfaite, sifflent Aoitef.

 

 Nous trouvons enfin un endroit où nous rafraichir.

 

«-Deux bouteilles de bières et une de coca s'il vous plait ! C'est à combien de kilomètres Agua Caliente ?

-1 kilomètre. 

-On y est putain, on y est !»

 

A l'entrée de la ville, un mec assis près de la rivière nous souris, nous accoste :

 

«-Vous cherchez un endroit où camper ?

-Oui pourquoi pas.

-Revenez ici à 7 heure.

-Et pour faire la fête, y' a moyen ?

-Oui, oui, revenez vers sept heures. »

 

Je suis le seul à ne pas être emballé. Je ne sens pas ce type, son visage est rongé par l'alcool. Ok, il est souriant, avenant mais bon... Camper à coté d'une piste d'hélicoptère tracée sur l'herbe, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

 

Nous sommes dans Agua Caliente. La première personne que nous croisons est George. Il est venu en train, il était au Machu Picchu cet après-midi. Il repart vers 19 heure.

Nous nous attablons dans un restaurant mexicain. Les prix sont chers, mais après ces trois derniers jours, après ces trente kilomètres de marche, nous avons envie de bien manger. Les serviettes sont en tissu.

Josh et Chris vont au centre touristique, à leur retour :

 

« Apparemment, il y a un camping à une vingtaine de minutes de marche, mais c'est 15 soles. Je sais pas ce que vous en pensez, mais après ce qu'on vient de vivre, j'ai pas envie de me retrouver dans un hôtel, j'ai pas non plus envie de payer 15 soles pour un camping. Donc on peut retourner voir le type à sept heure. » 

Tous le monde acquiesce, sauf moi :

 

«J' suis d'accord avec le fait de camper, par contre je le sens pas ce plan. Le gars m'inspire pas confiance, faut pas oublier qu'on est en Amérique du Sud ! Et puis camper à coté d'une piste d' hélicoptère... »

 

Josh et Chris partent en repérage, vont au rendez-vous. Nous leur emboitons le pas un quart d'heure plus tard. En arrivant à proximité, ils ont déjà fait demi tour :

 

« Non, on ne peut pas camper ici, un type nous a viré .»

 

Nous nous résignons, partons à la recherche d'un hôtel. Un homme nous guide jusqu'en face du stade de football, nos chambres nous coûtent 15 soles chacun.

Nous sortons pour acheter nos billets pour le Machu Picchu, mais arrivés au guichet, nous réalisons qu'il est nécessaire d'avoir un passeport pour les prendre. Nous reviendrons demain matin.

 

Je passe la nuit à discuter avec Aoitef, non, disons plutôt que je passe la nuit à l' écouter. Nous retrouvons un peu de complicité. Il est cinq heure, Agua Caliente s'éveille. Le ciel est bleu marine. Deux hommes sont déjà en train de faire des exercices sur le terrain de sport.

Nous nous couchons, dormons sans vraiment dormir.

Le garde de nuit frappe à la porte d'en face, réveillant les occupants de la chambre.

 

«-Il faut que vous payiez !

-Mais il est quel heure là ?

-8 heure. » répond-il en mentant.

 

Il s'en prend à nous une heure plus tard :

 

«-Allez, allez, il faut que vous quittiez la chambre !

-Mais çà va pas bien ! T'as vu l'heure qu'il est ! »

 

Il insistera encore trois fois.

 

Nous quittons la chambre vers 10 heure, laissons nos sacs à l'hôtel pour la journée.

En arrivant au centre d'achat des tickets, la guichetière nous annonce que nous ne pouvons pas monter au Machu Picchu aujourd'hui. Le quotta d'entrées est atteint. Nous partons manger un petit déjeuner à 10 putains d'euros, revenons nous renseigner. C'est bon, des places se sont libérées. Par contre le prix a augmenté, pour nous ce sera 140 soles.

 

N'ayant plus trop la force de marcher, nous montons en bus ( environ 20 soles ).

 

Le Machu Picchu s'offre à nous. Enfin, la récompense !

 

Nous arpentons la merveille du monde. L'ensemble des touristes suivent les flèches, nous partons dans le sens opposé. Je ne vais pas chercher à vraiment connaître son histoire, j'aurai le temps de m'instruire quand je serai de retour à la maison. Je veux m'imprégner du paysage, l'absorber. Je suis dans un état second. « Putain je suis au Machu Picchu ! J'y suis, c'est un truc de ouf ! ».

Nous nous asseyons quelques minutes sur cette herbe que la lumière rend éclatante, nous nous sourions en secouant la tête, en soufflant. Nous explorons la citée, sautons d'une terrasse à une autre, escaladons des murets. Il se met à pleuvoir, nous nous abritons sous un énorme rocher. Nous retrouvons nos âmes de gamins, nous avons le meilleur terrain de jeu qui soit, nous cherchons des cachettes, des passages secrets.

C'est juste hallucinant de réaliser ce qu'on fait les Incas, construire un tel site au sommet d'une montagne, de comprendre que ces hommes étaient brillants, d'une précision chirurgicale, d'une foi immense. Tout est orienté en fonction du soleil.

Nous aimerions grimper sur Huayna Picchu mais l'accés est fermé. Non seulement il faut se lever tôt pour y accéder, mais aussi réserver au moins cinq jours à l'avance. Les gars essayent de trouver un moyen détourner pour l'atteindre, nous nous faisons repérer par des guides qui nous disent de suivre les chemins fléchés.

 

En revenant du pont des incas :

 

« Regarde Chris, un double arc en ciel !!! »

Nous dévalons les marches à toute vitesse pour trouver le meilleur endroit où prendre des photos, dommage que nous ne soyons plus au niveau du village.

 

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Nous pensions descendre à Agua Caliente à pied, nous prenons le bus.

Nous allons à la gare pour acheter nos tickets de trains. Il n'y a plus une place de libre, il n'en reste que très peu pour demain, elles ne coûtent pas moins de 70 dollars. Nous aurions dû nous y prendre à l'avance. Nous réfléchissons une bonne heure, revenons au guichet prêts à payer cette somme. Entre temps, nous avons retrouvé Machu, il n'a plus l'air traumatisé.

Au moment de prendre nos tickets, un jeune homme nous explique qu'il existe un autre moyen de fuir cette ville :

« Vous prenez un autre train qui va jusqu'à Hydroélectrica, de là vous prenez un colectivo jusqu'à Santa Teresa, vous pourrez alors trouver un bus pour Cuzco. Ça va vous coûter bien moins cher. »

 

Une dernière nuit sur place, nous prenons le premier train le lendemain matin à 6H45.

7 heures plus tard nous sommes à Cuzco.

 

Aujourd'hui, c'est le 31 décembre, nous rentrons juste à temps pour faire la fête.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 16:15

 

 

 

 

 

Un quart d'heure après avoir quitté Copacabana, je passe la frontière péruvienne à pied, fais tamponner mon passeport. La bus nous récupère quelques minutes plus tard, roule jusqu'à la gare routière de Puno , la ville péruvienne qui borde le lac Titicaca. De là, je remonte dans un autre colectivo. Avec Awa et une paire d'autres voyageurs, nous sommes les seuls étrangers à bord.

Une dizaine d'heures plus tard, nous débarquons à Cuzco, la capitale des Incas.

Une autre destination, l'histoire se répète. Nous montons dans un taxi, direction le Pariwana, une auberge de jeunesse.

Ayants désormais du mal à nous supporter 24 heures sur 24, Awa et moi décidons de faire chambre à part. A trop idéaliser l'autre, quand on tombe face à ses défauts, la magie s'estompe pour faire place à des tensions, à un manque de communication. Notre séparation est actée. Nous passerons les fêtes de fin d'année ensemble, puis prendrons chacun une autre route. Awa a encore quelques mois de voyage devant elle, je n'ai plus que quelques semaines. J'ai commencé ce voyage seul, je tiens à le finir … seul.

 

Le Pariwana est un endroit cool, la fête et la joie de vivre semblent en être la devise. Une centaine de voyageurs souriants passent du bar au patio, bifurquent par la salle télé ou celle dédié à internet, participent aux soirées bingos, karaoké, poker, organisées par le staff, se donnent rendez-vous pour l'happy hour, de 18 heure à 22 heure. Des argentins, des chiliens, des brésiliens, des péruviens, des américains, des anglais, des irlandais, des australiens, des canadiens, des allemands, des hollandais, des français ...

J'ai envie de passer un peu de temps à Cuzco pour écrire car le fait de toujours bouger, de prendre un bus, d'arriver quelque part, de reprendre un autre bus deux ou trois jours plus tard, m'éloigne un peu de mes objectifs artistiques. J'ai besoin de réduire la voilure, je préfère en voir moins pour mieux absorber ce que je vis.

Située à coté de la Vallée Sacrée, du Machu Picchu, entourée de montagnes et de forêts, Cuzco semble être l'endroit idéal. De plus elle est jolie, elle a du caractère, elle est vivante, fêtarde. Tout ce que j'aime …

 

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Le deuxième jour, nous prenons un tour pour aller visiter la Vallée Sacrée ( 25 soles, moins de dix euros + 70 soles, 20 euros, pour l'entrée sur les sites ). Nous montons dans un bus, à coté de la Plaza de Arma, en direction de Pisaq.

Nous commençons par visiter le village. Il pleut, un des ponts pour accéder au centre est hors service. Nous n'y restons qu'une demie heure, le temps de voir le marché et les rues commerçantes.

Seconde étape, les ruines de Pisaq. Ce site archéologique est aussi intéressant pour les observateurs que celui du Machu Picchu. Les terrasses construites sur les flancs de la montagne témoignent de l'ingéniosité et de la force des incas qui se devaient de trouver des solutions pour pouvoir cultiver la terre. Ils ont fait de cette vallée leur centre agricole. Ce lieu était aussi un observatoire astronomique grâce auquel ils pouvaient faire des prédictions météorologiques, comprendre les cycles de vie, élaborer un calendrier.

 

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Une pause déjeuner à Urubamba, et nous partons visiter la forteresse d' Ollantaytambo. Le village ancien a gardé beaucoup de charme, hormis une place et quelques bâtiments rénovés, les routes et certaines constructions sont d'époque.

J'entre dans ce vestige vêtu d'un poncho en plastique, il pleut encore. Je fais face à ces innombrables terrasses, monte les marches jusqu'au sommet de la forteresse. Je n'écoute qu'à moitié les informations que nous donne notre guide. J'ai toujours eu un peu de mal à écouter les enseignants. Ollantaytambo a été témoin de violents combats entre les conquistadors et les incas.

D'énormes blocs de granits provenant d'une carrière située de l'autre coté des montagnes, à plusieurs kilomètres, ont été transportés jusqu'au sommet pour apporter au site de l'énergie magnétique. Pour déplacer une pierre d'environ 6 tonnes, il ne fallait pas moins de 18 personnes. En guise d'impôt, chaque habitant de l'empire devait un mois de travail à l'État, ce qui explique que les Incas avait la main d'œuvre nécessaire pour réaliser des travaux herculéens.

 

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En descendant, en me dirigeant vers le bus, je reste dix minutes face à un aveugle qui chante en jouant de la harpe. Je recroise à nouveau Simon l'australien. Il est toujours aussi barbu, jamais loin d'une canette de bière.

Une dernière étape dans un petit village pour rencontrer des femmes locales qui nous expliquent comment elles confectionnent et colorent les vêtements traditionnels, et nous rentrons au Pariwana.

 

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Le réveillon de Noël arrive, nous retrouvons Chris et Joshua, nos deux roast-beef de La Paz. Je passe la journée avec eux. Nous allons sur le marché de Noël, les rues sont noires de monde, des animations sont organisées à chaque coin de rue. Ils s'arrêtent devant un marchand qui vend des pulls, des bonnets péruviens. Ils achètent des cadeaux.

 

« Qu'est-ce que tu penses de ce pull là, tu le mettrais ? Notre pote doit faire la même taille que toi, tu penses que c'est bien ? » me demandent-ils.

Je ne sais pas encore que ce sera mon cadeau...

 

Ils sont toujours aussi déchainés, ne pensent qu'à sortir, qu'à faire la fête. Nous nous encanaillons avec eux, allons au Mama Africa, un club. A l'aube, à la fermeture, nous nous rendons à 6 dans un taxi jusqu'au Point, un backpacker qui fait aussi bar. Chris et Awa bataillent de longues minutes pour que nous puissions entrer, mais le type de l'accueil nous dit de repasser à 19 heure... " Où est L'AFTER !!! "

Nous rentrons au Pariwana. Je finis les fonds de bouteille avec Chris dans la salle télé, nous faisons la connaissance de David, un australien quelque peu allumé. Chris s'endort sur place, je vais me coucher, il est 10H00.

 

Réveil, 18H30...

 

Nous sommes tous dans le même état, en train de digérer nos excès de la veille. Un jour de Noël classique, ou presque.

 

« Hey les gars on fête mon anniversaire ce soir ! » nous dit Awa.

« - Heu... ce soir... demain c'est mieux non ?

-Oui mais c'est cette nuit le 26 ! Je le fête toujours ainsi !

-Oui mais là tu vois... »

 

Le lendemain après-midi, je sors prendre l'air en compagnie d' Awa et de David. Nous tombons sur Joshua et Chris au milieu de Plaza de Arma :

 

«-Qu'est-ce que tu fous avec ce gros sac à dos Josh ?

-On part demain au Machu Picchu, apparemment il va faire beau les deux prochains jours, on a pas envie de le faire sous la pluie. On vient de louer tout ce qu'il faut pour camper, tente, sac de couchage, vêtements et chaussures de randonné, camping-gaz... On fait un trek à l'arrache, on va longer la ligne de chemin de fer. C'est gratuit, on a pas envie de payer plus de 400 dollars pour faire le trek des Incas. Si çà vous dis...

-Ouai, carrément, il faut qu'on aille louer du matériel alors. »

 

Nous allons dans une boutique qui se nomme Speedy Gonzales. Je partagerai la tente avec David, je ne loue qu' une doudoune en cas de grand froid.

 

Le soir nous fêtons comme il se doit l'anniversaire d'Awa. Nous ne pourrons pas nous plaindre demain matin si nous en bavons...

 

 

 

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 19:12

 

 

 

3 heures et demies de colectivo et je débarque à Copacabana, ce village situé sur les bords du Titicaca, le lac le plus haut du monde. Il est 18 heure. Pour une fois, je n'ai pas réservé de chambre à l'avance. Awa a repéré sur le Routard un hôtel. Nous nous retrouvons dans une grande chambre confortable pour 60 bolivianos. Fatigués par la nuit passée, nous regardons le câble jusqu'à temps de fermer les yeux.

Le lendemain matin nous partons prendre notre petit déjeuner dans le centre. Nous nous installons en terrasse, dans un restaurant qui passe de la musique indienne. Un cireur de chaussure vient nous demander la charité :

 

« Je suis péruvien, je viens du sud. Un ami m'a dit de venir ici car il y avait du travail mais il m'a menti. Il n'y a que des touristes qui portent des sandales ou des chaussures de montagne, je ne peux pas travailler, je ne peux pas cirer. J'ai besoin que l'on m'aide, j'ai dormi les deux dernières nuits dans la rue. Maman est morte, j'ai cinq petits frères et sœurs... J'aimerai rentrer chez moi pour retravailler dans les champs, j'ai besoin qu'on m'aide.... »

 

Nous sommes en train de manger. Il s'assoit sur sa boite, nous l'invitons à notre table.

 

« T'as besoin de combien pour rentrer chez toi ? » lui demande Awa .

«-J'ai besoin de 170 soles.

-Çà fait combien en bolivianos ?

-Je ne sais pas.

-Donc si je te donne l'argent, tu rentres quand ?

-Aujourd'hui.

-Va chercher tes affaires, on t'accompagne. »

 

Nous l'attendons sur une place. Une petite fille mange un yaourt fluorescent. Il arrive quelques minutes plus tard avec un sac plastique rempli d'affaires en guise de bagages. Nous nous dirigeons vers un bureau de change...

 

«-En fait là, tu me demandes de te donner 50 euros ! Tu sais, je ne suis pas riche, j'ai beaucoup beaucoup travaillé ! Tu ne te moques pas un peu de nous ?

-Non, non, s'il vous plait ! »

 

Nous tournons en rond, remettant en cause son honnêteté. La situation commence a être pesante. Cet homme est faible, il regarde tous le temps par terre, je ne sens pas la moindre fierté en lui, le moindre amour propre. Finalement, Awa change l'équivalent de 10 euros.

 

« Tiens, tu as de quoi retourner au Pérou. Tu t'arrêtes dans la première grande ville où tu pourras travailler. Je te préviens si je te revois ici ! »

 

Cette scène nous a pompé toute notre énergie.

 

« Viens Awa, on va se changer les idées au bord du lac ». 

 

Il fait beau. Le soleil me caresse enfin la peau. La pluie de La Paz ne nous a pas suivi.

Nous nous calons chacun sur un ponton, le regard perdu dans l'horizon. Le lac est immense, on dirait la mer. Sur ma droite, le port, des maisons colorées grimpent sur la colline, des locaux font leur petit business, certains tiennent une aire de babyfoot, un manège fait de trotteurs, d'autres vendent de la truite saumonée dans un boui-boui. A gauche, la plage, d'autres collines verdoyantes.

Copacabana est calme, son rythme de vie est tranquille. Un bon nombre de hippies venant des quatre coins d'Amérique du Sud s'y sont échoués pour vivre la bohème. Le jour, ils vendent des bijoux qu'ils ont confectionnés, le soir, ils investissent tous les bars et les restaurants, guitares et djembés à la main, jouent deux ou trois chansons de Bob et font le tour de l'assistance en tendant un chapeau.

 

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Nous tombons sur Isa, notre étudiant bouddhiste avec qui nous étions partis faire du vélo dans le désert d'Attacama. Il voyage désormais avec Yohan, un français. Nous passons la soirée ensemble, buvant du pisco-sour, mangeant de la truite.

Seconde nuit. Nous partons à Isla del Sol, située à une heure et demie de bateau.

L'Ile du soleil est le berceau de la culture Inca. Le grand empire que l'on connait a pris racine sur ces hauteurs.

A la descente du bateau, une armée d'enfants nous accoste pour nous proposer de porter nos sacs, de nous montrer des hébergements. Nous en suivons un. Il est petit, ses joues sont généreuses, il porte des lunettes, un bob. Nous commençons à gravir les deux cent marches qui mènent au village. L'effort qu'il nous faut déployer est colossal, mes sacs ne m'ont jamais paru aussi lourds, je peine à reprendre mon souffle. Nous faisons deux ou trois pauses. Finalement nous prenons le premier hôtel venu, une battisse en bois montée sur pilotis encore en travaux.

La vue sur le lac est imprenable.

 

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Nous retrouvons Isa et Yohan, allons manger un menu à 3 euros.

La nuit est fraiche, très fraiche.

Nous avions prévu de traverser l'ile du nord au sud, à pied, mais au réveil, je n'ai envie que d'une chose, me retrouver seul. Je reste au lit, Awa rejoint nos deux compères pour randonner.

Je passe ma journée à lire, à jouer de ma guitare pour enfant, à méditer, assis sur un muret de pierre, les pieds dans le vide, le regard accroché au glacier qui se dresse de l'autre coté du lac. Je me promène dans le village, regarde les locaux remonter des provisions à l'aide d'ânes et de lamas. Ils sont forts, courageux. De vieilles dames bossues portent des dizaines de kilos sur leur dos tout en magnant le bâton pour faire avancer les bêtes.

 

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Une autre nuit. Nous reprenons le bateau pour rentrer. A 13H30, je remonterai à nouveau dans un bus en direction Cuzco. Pérou !

 

 

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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 20:31

 

 

 

J'arrive à La Paz vers 6 heure du matin après avoir passé la nuit à voyager. Kieon et Fanny décident d'aller directement à Copacabana, au bord du lac Titicaca.

Avec Awa nous prenons un taxi qui nous dépose devant un hostel que nous avons repéré.

La femme de l'accueil nous invite à patienter un peu pour pouvoir accéder à notre chambre. Awa fait le tour du propriétaire. Elle n'est pas emballée.

 

« On peut aller faire un tour pour voir l'autre auberge ».

 

Le Bash and Crash se situe à environ 500 mètres. Nous descendons une côte, en montons une autre. L'escalier qui mène vers le palier nous semble interminable. Nous peinons à reprendre notre souffle.

Les chambres sont moins chères ( 35 bolivianos la nuit, 4 euros ). L'ambiance, plus intime. Un bref aller-retour pour récupérer nos sacs. Nous nous installons ici.

Il est huit heure. Chris, un anglais, est le premier à faire un pas vers nous. Il est souriant, marrant, n'a pas encore dormi. Il promène une bière.

 

La Paz est impressionnante. Elle vous file le tournis tellement c'est haut. J'avais lu que les habitants s'étaient installés ici d'une certaine façon pour avoir la paix. Les montagnes sont ornées de maisons. A la vue de celles-ci, je m'imagine les litres de sueurs qui ont coulé, la force qu'il a fallu à ces hommes petits de taille pour transporter tous les matériaux de constructions en haut de ces cols. Les riches vivent en bas, dans la cuvette.

 

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Ce matin, Chris nous a parlé d'un spectacle de catch de Cholitas assez unique en son genre. Des femmes en tenues traditionnelles s'affrontent sur un ring.

Ma première impression à l'écoute de ces propos est assez mauvaise. Je m'imagine un spectacle foireux où des hommes, la bave au coin de la bouche, l'entrejambe tendue, défoulent leur bestialité.

 

« T'as trop regardé la télé » me dit Awa.

 

Je me laisse convaincre.

 

Pour nous rendre à la salle, un bus local passe nous chercher. Il s'arrête devant des hostels pour récupérer d'autres touristes. Pour le coup je me sens un peu moins voyageur...

Nous montons la ville jusqu'à son sommet. La vue est imprenable. Mes yeux sont rivés sur le décor.

 

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Mon sentiment du matin n'était pas le bon. Le gala est drôle. Contrairement aux superstars du catch, nos boliviens ne se prennent pas au sérieux. Il me font plus penser à des clowns qui ne tiennent qu'à faire rire les gens. De vrais pitres. L'arbitre joue le lâche, se mettant tous le temps du coté de son combattant favori, en profitant pour écraser les doigts de l'adversaire, lui faire des croches-pieds ou une prise. Les combats sont volontairement déséquilibrés pour attiser la foule. Deux hommes se battent contre une femme... Leurs ventres sont ronds, leurs fesses généreuses, mais ils ne restent pas moins de véritables athlètes qui montent sur la troisième corde pour voler, qui chutent tels des judokas.

La moitié du temps je regarde le public. Les enfants avec des grands yeux qui mangent des barbes à papa, qui préviennent leur catcheur préféré que l'autre va l'attaquer dans le dos. Les anciens, édentés, qui répondent aux doigts d'honneur que leur fait l'arbitre. L'assistance se défoule, oublie pendant plus de trois heures ses frustrations quotidiennes. Je me souviens d'un pote qui me parlait, à propos d'autres circonstances, de suppositoire du peuple.

 

Nous descendons dans le centre, la nuit est tombée :

 

«-Alors, finalement, çà t'as plu ?

-Oui, beaucoup. J'ai bien rigolé ! »

 

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Nous sommes de retour au Bash and Crash. Nous faisons connaissance avec les autres. Sebastian et Andrea, un couple d' allemands, Isabelle, une belge exilée en Argentine depuis deux ans, une bande de trois américains, Joshua, le pote de Chris.

Je suis surpris de voir que parmi nous se trouve une bande d' indiens. Des indiens d'Inde ! Ils sont une quinzaine d'hommes de tous âges. Ils doivent être riches pour voyager ainsi. Leur caste, élevée. Les autres pensionnaires ne sont pas particulièrement ravis de leur présence. Ils ne se représentent pas qu'en Inde la façon de vivre et les codes ne sont pas du tout les mêmes. Tous les jours ils cuisinent des plats épicés, font cuire une cinquantaine de chapatis.

 

Pour notre premier soir, nous découvrons la nuit La Pazienne. Nous nous rendons avec Chris et Sébastian au Room 36, un club de la capitale. Nous sommes les premiers sur place, nous serons presque les derniers à en sortir, à l'aube. Avant d'arriver à La Paz, j'avais le sentiment que notre séjour allait être rock and roll. Je ne me suis pas trompé.

 

Nous allons rester une petite semaine. Le coût de la vie en Bolivie est bas. Plus nous resterons, moins nous dépenserons.

Les jours suivants, entre deux averses, nous partons à la découverte de la ville. C'est la saison des pluies. Nous allons au marché de la sorcellerie, qui est en fait une rue commerçante pleine de boutiques où l'on trouve des plantes médicinales, des traitements, des fœtus de lama empaillés. Nous nous retrouvons dans un autre marché, couvert, fait de centaines de cahutes où se vend de la viande, des légumes, des fleurs, des livres, des produits de toilette. Nous visitons le musée de la coca qui défend les vertus médicinales de la feuille et fustige son produit dérivé, la cocaine, faisant de la prévention, avertissant le public de tous les effets néfastes. Une pause dans une cantine pour manger un repas à 7 bolivianos ou dans un stand de rue qui vend des sandwichs à 2 bolivianos et nous retrouvons notre hostel.

 

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Le soir nous nous rassemblons tous au premier étage autour d'une bière pour jouer aux cartes, au baby-foot. Fanny, après deux jours passés à Copacabana est de retour parmis nous.

 

Le manque d'oxygène, les tonnes de gaz d'échappement, ajoutés au fait qu'il faille sans arrêt gravir des côtes, éviter des chauffards qui manquent de vous écraser, tout cela m'essouffle. Jusque là, la vie en altitude m'avait paru facile, mais dans cet environnement je me sens irritable, à fleur de peau. Ma relation avec Awa s'en ressent. Nous sommes moins sur la même longueur d'onde. Des fois, voyager, vivre 24 heures sur 24 avec quelqu'un que l'on connait à peine peut s'avérer être compliqué.

 

Après cinq nuits, nous nous décidons à partir vers Copacabana, le village bolivien.

Un taxi, nous conduit au cimetière, où sont situées toutes les agences de voyage bon marché. Nous achetons notre billet 15 bolivianos. Au moment de monter dans le bus :

 

«Vincent, j'ai oublié un sac dans le taxi. Je crois que mon passeport est dedans » me dit Awa.

 

Elle récupère son sac à dos, fouille dedans.

 

« Putain... j'ai plus mon passeport... »

 

Les gars de l'agence nous remboursent nos tickets. Nous attendons devant avec l'espoir que le chauffeur s'en aperçoive et fasse demi tour. Peine perdu. Au bout d'une heure nous retournons au Bash and Crash. Il faut que nous allions au bureau de l' immigration pour faire une déclaration. L'ambassade de France est fermée l' après- midi, nous irons demain. Après avoir repéré l'office sur une carte, nous ressortons. Isabelle nous accompagne. Awa boue intérieurement mais elle prend sur elle en positivant. A peine dans la rue, j'aperçois un taxi rouge. Je me dis que c'est le notre. Je trottine vers lui, puis peu convaincu reviens sur mes pas. La circulation est bouchée. En repassant devant la voiture,je reconnais notre homme :

« Hey, c'est lui, c'est le chauffeur !!! »

 

Il me fait signe de regarder dans le coffre. Je récupère le sac.

Près de 80000 taxis sont recensés à La Paz. Nous aurions pu sortir de chez nous cinq minutes plus tôt ou plus tard. Le chauffeur a peut-être eu tous les feux au vert ou au contraire a été retenu une heure dans une ruelle à cause de la circulation. La probabilité de le recroiser était quasi nulle, aussi grande que d'avoir tous les numéros du Lotto sans le complémentaire.

Les faits sont là, le passeport d'Aoitef se trouve à nouveau dans sa poche.

Le soir nous fêtons l'évènement avec Isabelle, Chris et Joshua. Nous nous couchons au petit matin. Awa me dit qu'il serait mieux que nous passions une nuit de plus ici pour nous reposer.

A midi, en plein sommeil :

 

«- Allez Vincent lève toi !!! Çà fait au moins trois fois que je t' appelle !

-On reste pas une nuit de plus ?

-Non, on bouge dans une heure. »

 

 

 

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23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 23:38

 

 

 

 

 

 

L'arrivée à Uyuni est un choc. Je viens de passer plus d'une semaine dans des paysages incroyables, et là, je tombe de haut. Les alentours de la ville se sont mués en décharge publique. Des champs de sacs plastiques encercle la cité.

 

                  DSC00601.JPG


Comme dernière distraction pour conclure le tour du Salar d'Uyuni, nous nous rendons dans un cimetière de trains à vapeur. Il témoigne de l'âge des ruées vers l'or, quand les américains venaient piller les ressources naturelles de leurs voisins du sud. Un chaos de féraille rouillée s'étend sous nos yeux. Un terrain de jeu idéal pour des graffers en mal d'inspiration.

 

                DSC00599.JPG


Uyuni n'est pas très charmante. La place touristique, implantée au milieu de la ville, snobe des habitants qui semblent avoir du mal à joindre les deux bouts. Les voyageurs sont riches. Uyuni, pauvre.

Avec Kieon, Yun, Fanny et Awa, nous investissons l'Hostel Piedra Blanca qui se situe évidement sur la fameuse place. Notre lit en dortoir nous coûte 55 bolivianos ( environ 6 euros ). L'endroit est propre, confortable. Les patrons sont jeunes, agréables.

En sortant de l' auberge pour aller faire un tour, je tombe sur Simon l'australien, mon collègue de comptoir de Buenos Aires qui se mort encore les doigts d'y avoir raté Sonic Youth. Il a la cinquantaine, sa barbe n'a rien a envié à celle d'un taliban. Je m'attable avec lui et un basque-espagnole, commande une bière. Discussion typique de voyageur : combien de temps ? Quels pays ? Quels plans ?

Juan me parle de Sucre :

 

« Sûrement la plus belle ville de Bolivie, les maisons sont blanches, çà ressemble à l' Andalousie... Tu comptes passer les fêtes à La Paz ? Pourquoi pas, j'ai pas mal de potes qui vivent là-bas. Eux ils vont tous à Cuzco, au Pérou, apparemment, c'est l'Endroit pour bien finir l'année. »

 

Simon est sur le départ, son bus pour La Paz démarre dans une heure. Nous nous saluons.

 

Nous ne resterons qu'une nuit à Uyuni. Aoitef a déjà acheté nos billets pour Potossi, 30 bolivianos ( 3,3 euros ). Le soir, nous nous risquons à sortir dans un quartier populaire pour manger pas cher.

Kieon n'est pas très confiant, il craint que nous tendions le bâton pour nous faire battre.

 

Nous trouvons un petit boui-boui. Menu à 15 bolivianos. Salade, au choix : viande de lama, de poulet ou chorizos, frites. Un bolivien qui passe ses jours de repos en ville, abandonné par ses collègues de boisson, nous offre des bières, s'assoit avec nous. Il est saoul, ne tient pas en place...

 

Le lendemain matin, nous prenons place dans notre bus local. La majorité des passagers sont boliviens. Les femmes sont en tenues traditionnelles, les hommes, en vieux costumes.

Le paysage qui défile est montagneux. Je réalise que cela fait déjà plus de deux semaines que nous vivons la tête dans les nuages, et ce n'est pas fini car Potossi s'élève à 4070 mètres au dessus du niveau de la mer.

3 heures et demie plus tard, nous arrivons dans la ville minière.

 

Un taxi nous dépose à notre hôtel. Nous prenons une chambre à quatre lits.

Potosi est bien plus vivante que sa voisine Uyuni. Les jeunes sont plus fashion, la population est bien plus importante. Les rues sont pleines.

Nous marchons dans le vieux Potossi à l'accent coloniale, rien n'est droit, il faut toujours descendre ou monter un col. Nous passons au marché central.

 

Kieon, Fanny et Awa veulent aller visiter La mine. C'est l'attraction touristique de la ville. Nous faisons le tour des agences pour comparer les prix. Ils achètent leur ticket 70 bolivianos.

Je refuse d'y aller. Je n'ai pas envie de participer à un business qui met en vitrine des mineurs dont l'espérance de vie est de 45 ans. Je suis un petit peu trop sensible pour çà. Rien que la vue d'une mine me déprime. Je me souviens de celle à ciel ouvert de Waihi, en Nouvelle Zélande.

Et puis payer pour voir Germinal en vrai...

Le soir nous allons manger dans un restaurant chinois. Nous nous couchons tôt.

 

Je passe la matinée suivante seul. J'en profite pour rattraper le retard que j'ai pris dans mes articles. Quand je voyage accompagné, je peine à trouver le temps pour m'isoler.

J'ai vu hier des magasins d'instruments de musique. Depuis que j'ai oublié mon ukulélé dans le Ghan a Adélaide, je n'est pas gratté beaucoup de cordes.

Je rentre dans une boutique avec l'idée d'acheter un charango, un instrument traditionnel bolivien, une toute petite guitare munie de quatre doubles cordes.

Je demande à en essayer un. L'accordage est complètement différent de ce que je connais, la façon de jouer, de plaquer les accords, les notes aussi. Si j' achète un charango, pour pouvoir l'exploiter correctement, il va me falloir une période d'apprentissage. Pas le temps. J'ai juste besoin de me défouler, de chanter un peu. Mon choix s'oriente finalement sur une guitare classique pour enfant. Petite, légère, facile à transporter :

 

«-c'est combien ?

-300 !

-300 !!? Non ! 200 !

-Non pas 200, pas 200. 290 !

-Vous plaisantez ? Non, mon dernier prix est 25..

-Vendu ! 250 ! 

-Avec la housse ?

-Non, pas de housse. Trop petite. »

 

Je repars avec ma petite guitare peinte à la bombe, grise et noire.

 

Kieon, Fanny et Awa rentrent de leur tour en début d'après-midi. A table dans un restaurant végétarien, ils me font leur compte rendu. Kieon ne se sentait pas très bien, sûrement un peu claustrophobe l'ami. Les opinions de Fanny et d' Awa divergent. Fanny est un petit peu abattue par ce qu'elle a vu, elle a eu mal pour les mineurs. Awa, elle, est plutôt contente d'avoir vécu cette expérience, « C'est à voir au moins une fois dans une vie. Ces hommes... c'est leur gagne pain, ils se sacrifient pour faire vivre leurs familles... Évidement, faut pas les voir comme des bêtes de cirque, il faut s'intéresser à eux. Ils sont contents quand ils te voient arriver avec des feuilles de coca, des gants neufs ou encore de la dynamite pour qu'ils puissent travailler, en plus çà leur fait un break... ». Un point de vue intéressant.

 

13H30 un taxi nous attend devant l'hôtel. Nous allons à Sucre en voiture. Cela ne nous coûte que 40 bolivianos chacun, un ticket de bus en valant 30.

 

Je m'assois devant, enfile mon casque-hifi pendant toute la durée du voyage. Je regarde le paysage montagneux en écoutant en boucle la chanson Debbie de Saez puis l'album The devil, you and me des Notwist et Westerland, celui de Gravenhurst. De temps en temps je me retourne, fait une pause musicale de quelques secondes. Le chauffeur, lui, ne passe que des chansons d'amour. Awa et Fanny rigolent, chantent en coeur Time After Time. Je ne tiens pas longtemps, replonge dans ma bulle.

 

Le chauffeur nous dépose calle Loa, devant le Gringo's Hostel. Le batiment est grand, de type coloniale. Mike, le jeune propriétaire autrichien, nous accueille. Il a une façon de parler anglais bien à lui. Il est très drôle, c'est un vrai personnage. Pour 35 bolivianos chacun, nous investissons la chambre à quatre lits, la « purple ».

L'hostel est presque complet, une bonne cinquantaine de backpackers se croisent dans les escaliers, dans la cuisine ou sur la terrasse. Les uns viennent du sud, comme nous, les autres, arrivent de La Paz.

 

A la tombée de la nuit, nous sortons faire connaissance avec Sucre. Nous passons par la place principale, je suis surpris de voir autant de monde dehors à cette heure ci. Nous entrons dans la calle Junio où se trouvent quelques restaurant. Nous craquons à l'appel de l'Happy Hour, un serveur-rabatteur nous attrape au vol, « un verre acheté, un verre offert !».

Le restaurant est plutôt classe. A la vue de l'établissement j'ai du mal à croire que nous n'allons dépenser qu'environ 6 euros chacun pour boire l'apéritif ( deux verres ) et manger copieusement. Après être passé par le Brésil et le Chili, les deux pays les plus chers d'Amérique du Sud, je suis content de pouvoir soulager un peu mon porte monnaie.

Au moment de payer l'addition, le serveur nous conseille de nous rendre à un karaoké. Nous sommes séduits par l'idée. Je vais mettre ma peau de musicien puriste qui déteste la musique variété de coté pour ce soir. Après tout, un karaoké en Bolivie, çà peut être drôle.

 

En sortant, deux enfants des rues viennent demander la charité à Awa. Bonne pioche, elle a le cœur sur la main : « Non, je ne vais pas vous donner d'argent. Vous avez faim? Vous voulez manger quoi ?.... Une pizza ? Ok ! ».

 

Nous suivons les deux enfants, ils nous emmènent dans une pizzéria mais le service est terminé. Finalement nous entrons dans un autre restaurant. Awa les fait assoir, leur commande un soda, du poulet et des frites. Ils sont fiers d'eux, se tapent dans la main. Leur sourire fait plaisir à voir.

Nous les laissons, partons à la recherche du karaoké....

 

Le portier nous laisse passer sans réfléchir, pas de « t'as des baskets tu rentres pô ». Nous sommes les premiers. Nous commandons un pichet de cuba libre, feuilletons le listing des chansons.

J'ouvre le bal en chantant Bohémian Rhapsody. J'imagine que je chante avec mes potes Bibi et Bes, comme quand nous avions tout juste dix huit ans et que l'on se croyait dans Wayne's World, interprétant ce tube à bord d'une 2CV bleue. La réverbe du micro est à fond.

 

Les locaux arrivent petit à petit, en bande. Beaucoup d'hommes, peu de femmes. Ils monopolisent le micro, chantant des chansons d'amours castillanes. De grands enfants romantiques.

Nous récupérons de temps en temps le micro, Kieon tente un Honesty de Billy Joel, Fanny et Awa, un Billie Jean, mais dans l'ensemble nous sommes un peu délaissés au profit des habitués.  Awa, lasse d'attendre, va réclamer le micro au patron. Il nous le donne mais nous le reprend des mains sitôt notre performance exécutée, sans même nous regarder. Il n'a pas dû apprécié notre interprétation des Bee Gees, il faut dire que c'est juste inchantable par des non-castrats. Ça y'est, j'ai ma dose. Je commence à devenir cynique, à me moquer des gens qui chantent avec tout leur cœur, le poing serré. Chassez le naturel, il revient au galop. Je n'attends plus qu'une chose, fuir cet endroit. Nous rentrons à la maison en rigolant.

 

Nous profitons de la journée du lendemain pour nous balader. Nous allons d'abord acheter nos billets de bus pour La Paz pour ensuite faire le marché, flâner dans les rues commerçantes. 

 

                IMG_3553.JPG

 

                                  IMG 3551


La ville est en campagne électorale. A la différence de chez nous, ici, c'est le peuple qui défile pour faire de la publicité à leur candidat favori qui lui, n'a pas besoin d'aller à Rungis pour serrer des mains et graisser la patte des gens qui se lèvent tôt.

La vingtaine de verts fait pâle figure comparée aux centaines de bleus qui immobiliseront la ville le lendemain. Le candidat de la modernité ne devrait pas avoir trop de mal à passer.

 

                IMG_3535.JPG

 

Nous passons la dernière après-midi sur la terrasse du Gringo's. La vue est magnifique, je la fixe, la photocopiant pour la ranger dans un tiroir de mon cerveau. Je regarde les autres jouer au Uno, me familiarise avec mon nouveau jouet gris-noir. Dans un peu plus d'une heure, nous monterons dans notre bus de nuit, en direction de la ville la plus haute du monde...

 

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