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10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 05:49

Mardi 23 Aout 2011...

 

9 mois, 12 jours, 13 heures, 48 minutes après mon départ de Lyon en direction de Prague.

Mon séjour à Katherine est compté. Même si mon compte en banque s'en réjouit, je suis en overdose de travail à la chaine . J'en ai marre de pointer, de participer à rendre des gens à croc à la « junk food », de porter ce logo jaune, de recevoir des ordres de managers élevés à la baguette qui ne pensent qu'à sauver leur peau.

J'ai cru que servir des verres au club de rugby me permettrait de prendre d'avantage de plaisir à travailler. Voir ces gamins jouer avec le ballon oval, garçons ou filles, les parents les encourager, profiter du moindre temps mort pour jouer aux « pokies », les machines à sous, et siroter un Jack Daniel's-Coke en canette. Mais la froideur des piliers de comptoir du North Territory aura eu raison de moi. Objectif financier atteint ! Il est temps de mettre les voiles, de continuer l'aventure. Dans deux semaines je serai à nouveau en vacance, je prendrai la direction d' Uluru … normalement.

        IMG_2225.JPG

                      ( Katherine Sports Club )

 

Comme avant chaque nouveau départ, je me refais le film. « Coco's Backpacker, scène du barbecue, ACTION ! ». Les moments de communion avec les autres voyageurs, les apéros, les repas autour du feu, les histoires de Coco, maintenant je vais sûrement en faire parti, « il y avait un français, un gars qui jouait de la guitare et chantait, un jour il m'a demandé s' il pouvait me filmer dans mon atelier, j'ai fait venir deux aborigènes face à la caméra et j'ai interprété mon propre rôle, jouant du didjeridoo, expliquant comment on respire tout en soufflant dans l'instrument. Il... », les « Yeah...All Right ! » et les « Hey... call the police !» du bon vieux Tony, les cowboys, les femmes qui portent des maillots de rugby, les aborigènes, le Nitmiluk National Park, toutes ces images resterons gravées sur mon disque dur crânien. Après trois mois de vie à Katherine, j'ai l'impression d'avoir joué dans un épisode de Twin Peaks, le surnaturel en moins, la caricature étrangement similaire, des gens simples, vivant dans un bled paumé, qui se connaissent tous. Une vie lente qui passe vite.

        DSC00497.JPG

 

Mon esprit est déjà ailleurs, je veux redevenir un gitan, ressortir mon sac à dos. La sédentarisation tue l'instant présent, on sait trop bien ce que l'on va faire le lendemain.

 

 

 

Mardi 30 Aout 2011...

 

 

Je ne fais presque plus rien. Plus que trois jours de boulots, et je serai à nouveau en vacance, je pourrai bruler ma casquette de travail. Mes journées sont calmes. Je reste chez Coco, dans le jardin. Je communique avec les poules, je ne sais pas trop ce que je leur raconte, mais elles me répondent, avant de détaler dés que je fais un pas vers elles, j'espère que je ne les insulte pas...

 

        DSC00499.JPG

 

J'ai une nouvelle addiction, les échecs. « J'en rêve même la nuit, c'est grave docteur ? ».

Nous sommes une petite dizaine « d'à crocs ». Je suis encore débutant mais en l'espace d'un mois j'ai dû jouer une centaine de parties. Les matchs sont serrés, je limite la casse contre les aguerris, en restant concentré et en espérant gagner sur un coup de « trafalgar », mon but étant d'engranger un maximum de victoires. J'adore gagner !

On est tous un peu chambreurs, les provocations en duel, les mots et les rires fusent.

 

Nos deux grands maitres à jouer, Istok et Max le germain sont partis. Il reste Shu, l'éternel favori japonais, le mathématicien, qui peut cependant perdre son sang froid dés que la bataille n'est plus conventionnelle, Mélis, le redoutable joueur estonien, Paolo, l'expérimenté italien, l'endurant, qui a néanmoins besoin de réfléchir dix minutes avant chaque mouvement, l' Irlandais, l'efficace qui parle de trop, Max, le québécois, capable de coups destructeurs, mais qui a tendance à oublier de protéger sa dame, Yann et moi, les deux français, les créatifs, l'expérience nous faisant parfois défaut.

Cette métaphore du combat et de la vie est passionnante.

Les pions, ces soldats qui vont aux front, les éternels sacrifiés pour la « juste » cause, ils rentreront dans la légende s'il perforent les lignes arrières ennemies.

Les cavaliers qui ont la classe, les héros chevaleresques, les créatifs qui peuvent faire gagner une guerre.

Les tarés et les costauds, qui imposent le respect, dont il faut éviter le chemin mais qui sont faillibles, leur force est un défaut, on se souviendra de leurs exploits mais aussi de leur disparition qui fit perdre la bataille.

La Reine, la maline, la terrible, la tigresse, la « sans pitié ». Par amour pour son homme, elle mettrait la terre à feu et à sang. Elle respire la victoire, la tragédie, quand elle affronte sa semblable jusqu'à la mort.

Et le Roi, ce bon vieux fainéant, qui prend les décisions en se cachant derrière les autres. Il ne va pas souvent au combat, il préfère fuir. Il est très influent car il est conscient que sa légende ne dépendra pas de lui....

 

 

Samedi 10 Septembre...

 

 

Je devais partir avant-hier, puis hier, est-ce que je vais partir ce soir ?

 

Tout à commencé mercredi soir. Cette nuit était censée être la dernière, je fêtais mon départ, Yann son anniversaire, « Et ouai, trente ans mon Loulou ! ».

J'ai préparé cinq litres de planteur, Yann a acheté une bouteille de rhum, nous avons tout picolé avec la bande, avant d'aller se finir au Kirby's. Résultat, « rentrage » bourrés et « rigolage » assuré.

Jusqu'ici tout va bien.

 

J'étais censé partir à Alice Spring en auto-stop, le lendemain. Le réveil est quelque peu douloureux, nous ne nous plaignons pas car nous l'avons bien cherché. Je me résous à partir en bus , je ne me sens pas la force d' affronter la chaleur et une éventuelle longue attente avant que quelqu'un ne daigne s'arrêter. Yann et Jérémie m'accompagnent au bus vers 4H30, il décolle à 5H15. Une femme me tend mon billet :

 

«- Allez Vince, ton bus part dans une demie heure, on va s' boire une dernière bière au Kirby's.

-Non les gars, j'ai mon bus à prendre.

-Tu fais chier Vince, en plus Coco t'as dit qu'il t'offrait la nuit, çà n'va rien t' coûter. Vas-y, reste, c'est mon anniversaire! Madame ? S' il part demain, son ticket sera toujours valable ?

-Oui, » dit-elle en rigolant

« -Les gars vous faites chier, j'ai un bus à prendre.

-Tu peux l'prendre demain, hein madame, qu'il peut le prendre demain ?

-Oui.

-Bon, on a vingt-cinq minutes pour boire une bière, après je pars! »

 

Aux Kirby's, Fanny est arrivée en renfort :

 

«- Bein non Fanny, il veut pas rester, Coco lui a même proposé la nuit gratuite.

-Sérieux ? Vincent, fais pas ta majorette, allez je te repayes une bière, tu prendras ton bus demain !

-Non Fanny, je pars, j'ai plus de tente, plus rien à manger, c'est l'heure, j' y vais.

-Mais on va te trouver un endroit où dormir, allez, bois ta bière et oublie ton bus.

-Je vous laisse une chance.

-Non, tu vas pas nous la faire à pile ou face.

-Pile, je reste, face, je cours pour pas louper mon bus.

-Tu fais chier Vince, alors ?

-Bon ok, vous avez gagné...

-C'est trop facile avec toi !

-Ho c'est bon! On la fait ou quoi cette fête !!? »

 

La soirée fut mémorable, dans la lignée de la veille, j'ai même gagné de l'argent en jouant au billard contre un aborigène, apparemment, la table était à lui, pour que l'on puisse jouer, il fallait relever son défi.

Nous sommes rentrés tous les trois, avec Yann et Jérémie, histoire de finir les fonds de bouteille. Yann a fait l'erreur de s'endormir, il a fini tatoué de partout, victime d'un photo-montage vicieux.

Imaginez Tony Montana ayant éclaté un énorme sachet.

 

«- Yann, nous avons les moyens de vous faire parler !

-Non les gars! Vous avez pas fait çà, bande d'enfoirés !

-Dormir c'est tricher! »

Jusqu'ici tout va bien.

 

Le lendemain, je pars d'un pas décidé vers mon bus après avoir fait mes «aux revoirs » pour la seconde fois. Yann, Jérémie et Johanna m'accompagnent. En donnant mon ticket au chauffeur, il me dit que je ne suis pas sur sa liste, il va au bureau revient cinq minutes plus tard en me disant que je ne peux pas monter.

Je vais au comptoir, trois femmes papotent, je leur explique mon cas :

 

«-Non monsieur, votre ticket est annulé, il faut que vous en repreniez un autre ! 

-Pardon ? Vous plaisantez ? Y' a pas moyen que je perde 230 putains de dollars ! Votre collègue, hier m'a dit que je pouvais prendre le bus avec ce ticket !!! »

La femme prend un air supérieur, me parle comme-ci j'étais un gamin de dix ans.

 

«-Non, c'est de votre faute, vous ne nous l'avez pas signaler ! Votre ticket est perdu !

-Je vous promets que je ne vais pas perdre mon argent, c'est mort ! Où est votre collègue ?

-Elle sera là demain ! »

 

Je commence à bouillir :

 

«-Il va falloir trouver une solution! Vous me réservez un billet pour demain !

-Ce n'est plus de notre ressort, maintenant il faut que vous appeliez la société de bus !

-C'est malhonnête! Donnez moi le numéro ! »

 

Une autre femme me fait la morale en me disant que le ton que j'emploie n'est pas autorisé dans ce bureau, je lui répond que je comprend son agacement mais qu'elle pourrait aussi comprendre le mien.

J' appelle le Grey Hound, le gars à l'autre bout du fil a l'impression de perdre son temps, car la manipulation est enfantine :

 

«-Vous êtes où Monsieur ?

-Au comptoir.

-Vous leur dites de vous réservez un billet pour demain, c'est pas compliqué.

-Merci Monsieur. »

 

Deux minutes plus tard j'ai mon nouveau billet, elle aurait pu le faire quand le bus était encore à quai, mais elle avait sûrement envie de mettre un peu de piment dans sa triste journée et de ne pas aider un de ces étrangers qu'elle déteste. Elle aura même le culot de me dire de faire fonctionner mon cerveau.

Je rentre chez Coco, tous le monde est mort de rire, je raconte l'histoire une dizaine de fois, pour conjurer le sort, je résiste aux appels de la fête.

A l'heure qu'il est, je ne sais pas encore ce qu'il va m'arriver, je suis censé prendre le bus à 17h15, vais-je réussir à quitter Katherine ?

Jusqu'ici tout va bien.

 

 

 

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