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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 18:53

La boule de feu chasse partiellement les nuages, c'est le jour J, il faut que j'en profite pour fuir Rotorua.

On dit que le manque de lumière et de chaleur irrite, cette expérience forcée me permet de le confirmer, comme le chante si bien Au Petit Bonheur, «J'veux du soleil ! ».

 

Ma première idée est de continuer mon périple en stop, mais au cas où, je passe d'abord au centre touristique pour connaître le prix du billet de bus pour aller à Tauranga, à 90 kilomètres au nord.

A ma grande surprise, le guichetier m'annonce : « cinq dollars ». Vendu !

Ce prix, au plus bas, est sûrement lié à la marée noire qui s'étend sur les côtes de la Bay of Plenty, les tours-opérateurs n'ont-ils plus le choix que de réduire leurs marges ?

J'ai quelques jours à tuer avant de retourner sur Auckland, si je peux les consacrer à nettoyer les plages, à tenter de réparer les conneries de ce capitaine d'équipage qui fêtait son anniversaire, saoul à en perdre le contrôle de son porte container ( ce n'est pas drôle ), mon karma s'en portera à merveille.

Arrivé à bon port, je file au Central Backpacker, pose mes bagages et part me renseigner afin de connaître les procédures pour intégrer une équipe. Un ancien m'explique que les tonnes de fuel qui se sont déversées sont très toxiques, beaucoup de volontaires sont malades ( nausées, maux de tête ), que maintenant, seuls des spécialistes et des organismes sont habilités à combattre.

Le temps ne me permet toujours pas me balader autre part que dans le centre ville et sur le port , je reste deux jours, reprends un bus à 6, 5 dollars, me rends à KatiKati.

 

              IMG_2435.JPG

 

KatiKati est une ville où d'ordinaire les plantations de kiwis sont florissantes, c' est un petit bout de campagne ravissant. Mais ces derniers temps, la morosité a envahi cette bourgade. La maladie du Kiwi, la PSA, ravage les cultures. Par conséquent le moteur de l'économie locale manque d'huile. Les gens sont déprimés, heureusement que les All Blacks sont là pour remonter le moral des troupes.

 

                    IMG_2445.JPG


Dans l'auberge, la seule du coin, les backpackers se rongent les ongles, ne sachant qu'au jour le jour s'ils auront du travail.

Je refais le plein d'énergie en empruntant la guitare collective. Je ne resterai qu'une nuit, les lits ne sont pas confortables, la cuisine n'est pas fonctionnelle, je rogne sur ces poêles extra-adhésives qui ruinent mes patates sautées.

 

Le lendemain, je repars en stop, je veux aller à Waihi, pas très loin.

Au bout de quelques minutes, un van s'arrête, je grimpe :

 

«-Merci ! Salut, je m'appelle Vince.

-Hey salut Vince, comment çà và ? Moi c'est Hippie !

-Hippie ?

-Ouai je sais, tous le monde m'appelle comme çà ! » me dit-il en tirant ses longs cheveux et sa barbe.

Il a plus cinquante ans.

 

«-Çà fait combien de temps que t'es en Nouvelle Zélande ?

-Deux semaines.

-Seulement ! T'as encore plein de choses à voir !

-Pas vraiment, j'ai un avion à prendre lundi, je vais au Chili.

-Waouw, cool ! Donc tu n'as pas eu le temps d'aller au sud .

-Non, tous les gens que j'ai rencontrés m'ont dit à quel point cette ile est merveilleuse. Mais je n'ai pas beaucoup de temps...

-Tu sais, en 27 ans passés ici, je n'ai toujours pas vu l'ile du sud, c'est un bijou, je le sais, mais bon.

-T' as le van pour ! T'as juste à faire le plein d'essence, à partir.

-Ouai je sais! Mais j'ai quatre filles, elles vont bientôt être indépendantes, peut-être qu'après...

Et puis en ce moment c'est la merde, entre ce putain de pétrole qui pourrit nos plages et les kiwis qui sont malades. J'ai plus de boulot jusqu'à nouvel ordre. T'es d'où ?

-France.

-Ha la France! Mon frère vit à Plaix, c'est au centre... Tu sais que, dans les années 80, j'ai fait le tour de l'Europe dans un van 2CV.

Je suis parti d'Angleterre, j'ai fait le tour de la Hollande, de la Belgique, de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, puis je suis allé en Italie, en Yougoslavie. A cette époque à Split, il n'y avait presque pas de voitures, je me souviens d'une petite ville où la station essence n'était ouverte qu'une fois par semaine, le mercredi, pendant deux heures. J'ai attendu pour faire le plein, puis je suis parti en Grèce, en Crête, en Turquie, là j'ai laissé ma voiture, et suis parti en Inde. Je devais y rester deux mois, j'y suis resté trois ans.

J'ai vécu à Goa, à Hampi, dans le Kerala.

-J'y suis allé aussi, tu as eu la chance de voir Goa à la bonne époque !

-Ouai, maintenant c'est bondé de touristes. A ce moment là, avec un passeport anglais, tu avais un visa de 47 ans !...

Je vais prendre cette route, çà nous fait un petit détour mais au moins tu vas pouvoir voir Waihi Beach... Je vais juste m'arrêter dans cette boulangerie pour acheter des tartes, t'en veux une ? Je te l'offre .

-Merci, c'est gentil, j'ai déjà déjeuné.

-T'es sûr, c'est les meilleures tartes du pays !

-Non, merci beaucoup. »

 

Nous nous rendons à la plage :

 

«-Tu sais s' il y a un backpacker dans le coin ?

-Hum, j' sais pas, on va faire le tour.... là t'as un camping, là aussi …

-Finalement, tu vas p' t' être me laisser ici, quitte à dormir dans le coin, je préfère crécher près d'une plage.

-Ok, si tu veux, tu ne m'en voudras pas ? »

 

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'il m'a dit, « tu ne m'en voudras pas », pourquoi lui en voudrais-je ? Il gare le van face à la mer, nous continuons à discuter.

 

              IMG_2448.JPG

 

Juste avant de me déposer :

 

«-T'as une pipe ? » me demande-t-il.

«-Non, jamais l' jeudi.

-Hahaha, c'est con! J'ai un peu d'herbe mais elle est trop humide. Tant pis .

-Salut, merci beaucoup.

-Bon voyage mec, tu feras un bisou de ma part aux chiliennes.

- J'y manquerai pas, merci encore, bonne vie ! »

 

En regardant le van partir, je note un auto-collant « What if hippies are right ? », et si les hippies avaient raison, on fait quoi ?

 

Je vais me renseigner au camping pour planter ma tente, la réceptionniste m'annonce : « 24 dollars pour cette nuit, par contre demain, c'est 75 dollars, c'est jour férié. ».

Je la remercie continue mon chemin, elle me rattrape sur le trottoir : « je viens de demander à mon patron, demain je peux vous le faire à 28 dollars ! ». Je la remercie à nouveau.

Je retourne sur la plage.

 

Ce délire ! C'est quoi ce Morrison Hotel !? Ce serait le comble que je passe une nuit au Morrison Hotel, cet album, qui m'envoute depuis plus de quinze ans, que j'avais acquis pendant une partie carte à l'internat pour la maudite somme de deux Craven A sans filtre.

« Il y a du linge étendu sur la terrasse... c'est joli », je cherche une entrée, à gauche, un panneau indique « propriété privée, chien méchant », je passe par la droite, on peut lire sur un autre panneau «  interdiction d'écouter ABBA », je fais quelques pas dans la cour avant de me rendre compte que c'est tout simplement une maison, non pas un hôtel, sûrement encore des vieux hippies rescapés des années 70.

C'est drôle, la maison voisine s'appelle Hotel California. Laquelle des deux était là avant l'autre, je me plais à croire cette idée lumineuse ne peut venir que d'un ou d'une fan des Doors, pas d'une personne qui ne connait qu'une chanson du Best Of Eagles.

 

Je comprends maintenant ce qu'à voulu me dire Hippie, je ne trouverai nul part où loger. Je retends le pouce pour aller sur Waihi City. Quatre voitures plus tard, un utilitaire s'arrête. Je monte, le chauffeur d'environ 35 ans écoute  Origin Of Symmetry, l'album de Muse. Il est métisse anglo-maori. Il doit être entrepreneur dans le bâtiment, il a la tête du gendre idéal, du bon mari et du bon père de famille sérieux :

 

« Je suis en vacance dans deux heures », me dit-il.

« Juste le temps de passer sur un chantier, de rentrer faire les valises. Je pars avec ma femme, la belle soeur et son mari, il joue aussi de la guitare, çà va être trop bien! Bière, guitare, bière, guitare, bière, guitare ! »

 

Il me dépose au centre ville.

 

Je trouve une grande battisse grise qui fait office d'hôtel. Le patron est d'origine chinoise, la cigarette au bec, il me dit qu'il s'appelle John, que la chambre est à 25 dollars. J'ai une chambre pour moi tout seul, c'est le grand luxe !

Waihi est entourée de collines verdoyantes, de forêts, la vue est agréable, l'air est reposant.

C'est une ville minière, l'attraction phare de la ville est... une mine d'or à ciel ouvert. Une promenade est implantée le long de cet immense trou. Encore une insulte à Maman Nature, la connerie humaine est universelle, pourquoi conserver un paysage d'une pureté insolente quand on peut le détruire, le creuser pour chercher de l'or, même dans un pays où les gens sont bons, l'appât du gain prend inévitablement le dessus.

 

                    IMG_2459.JPG


Dans ma chambre, un poster punaisé représente une amérindienne, qui dit :

« Quand nous aurons dévoré tous les poissons des rivières, tous les animaux, quand nous aurons brulé toutes les forêts, quand nous aurons pillé toutes les richesses, il ne nous restera plus qu'une seule chose à manger... de l'argent. »

 

Je vais conclure mon séjour néo-zélandais ici, bien que je ferai une dernière pige à Auckland pour vivre de l'intérieur la finale de la coupe du monde de rugby.

Je me sens bien à Waihi, la vie est simple, je suis le seul voyageur du coin, mes colocataires sont de purs produits locaux, des bons vieux maoris. Pas l'ombre d'un backpacker !

J'écris, je relis Bukowski, je me sens un peu comme lui, en moins alcoolique, en moins dégueulasse, je dévore  La Philsophie Pour Les Nuls.

De ma fenêtre, je vois des tags et des collines.

 

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Je me rends compte que je passe à coté de ce pays merveilleux qu'est la Nouvelle Zélande, au moins ces dernières trois semaines m'auront permis de me retrouver face à moi même, seul, chose qui ne m'était plus vraiment arrivée depuis que j'ai quitté l'Inde. Je reviendrai, si la vie me le permet. Plus que deux nuits avant de me retrouver à seize fuseaux horaire d'ici.      

 

 

 

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