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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 10:08

 

 

 

 

J' ai retrouvé la civilisation indienne le lundi 17 Janvier après avoir participé à ma dernière séance de yoga à l' ashram, après avoir mangé un dernier repas, fait l'accolade aux gens avec qui j'avais tissé des liens, remercié et salué les bénévoles qui s' occupaient de nous.

J' ai l'intention de prendre le bus pour retourner sur Madurai, j'ai l' espoir d'être à Pondicherry au lever du jour, il est midi.

Je marche le long de la route, des bus me doublent, je leur fais signe de s'arrêter mais ils font comme s'ils ne m' avaient pas vu, c'est peut-être le cas.

J' attend à l'ombre d'un arbre, il fait chaud, il y a une sorte d'abris blanc, je m'imagine que c'est l'arrêt de bus mais il n'en est rien, un homme en moto s'arrête pour m'expliquer que ce n'en est pas un , il me montre au loin un panneau de signalisation vert et m'indique d' aller après. Je marche un kilomètre, pose mes sacs par terre.

Un bus passe, je lève la main timidement, il file. Un second passe, il est plein, des hommes sont accrochés aux portes, un pied sur une marche et l'autre dans le vide, les joues déformées par l'air qu'elles transpercent à toute allure.

Un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième... Je m' énerve tout seul, j'ai déjà oublié qu'à peine une heure auparavant j' étais dans un état de zénitude absolu.

Le prochain, je l'arrête de force, je le braque, et s'il ne s'arrête pas je lui ferais l'honneur de croiser les bras et de lui suggérer de se mettre le majeur où je pense !!!

Une demie heure passe, il fait chaud, je sens la sueur s'accumuler sur mon visage, la chaleur est visible, des mirages flottent sur le bitume, je devine une tâche bleu qui arrive dans ma direction. C'est un bus, oui c'est un bus ! Je lève le bras droit avec autorité, je lui fais signe de s'arrêter. « Alléluia! Chauffeur je vous aime!» c'est ce qu'il a pu lire sur mon visage.


Je descends à la gare routière de Madurai, il faut que je trouve rapidement un bus pour Pondicherry, j' espère qu'il reste des places, je n'ai pas envie de dormir ici.

Après m'être renseigné, j' entre dans une agence de voyage, encore une Ganesh Travel.

Le gars fait la grimace quand je lui dis que je veux partir le soir même.

Il appelle, me demande 350 roupies pour le billet, il reste une place, la numéro 25, le départ est à 22 heure, je souffle.

Je dépose mon gros sac dans une consigne à la gare routière et m'en vais tuer le temps dans le vieux Madurai, à coté du temple. Je suis stupéfait par sa beauté et sa grandeur, je ne rentrerai pas dedans mais le simple fait de le voir de l' extérieur me contente. Je marche aux alentours, comprenant pourquoi cette ville est un haut lieu de pèlerinage pour les hindous.

N' ayant pu rédiger d'articles pendant ma retraite spirituelle, je vais dans un internet-café pour rattraper le retard que j'ai pris. J' y passe le reste de la journée.

Il ne me reste plus qu'à manger quelque chose, je pourrai alors me rendre à l'agence, il est 20h30.

                     


                     


Le bus arrive à l'heure, je suis un des premiers à monter dedans, « siège numéro 25, hum...ok c'est ici ! ». Un gars s'assoit à coté de moi :


«- Tu as quelle place? Me demande-t'il.

-25.  

-C'est bizarre moi aussi!?

-Regarde, c'est bien marqué 25. »


Il descend du bus, le gars de la place 26 arrive, s'assoit et me demande à qui est le sac qui est à sa place, je lui dis que c'est à un autre gars qui a la même place que lui. Il se lève et descend à son tour.

Je me dis que je bougerai pas, que j'étais là le premier, je suis au milieu du bus,  où on ne sent pas trop les secousses. Un gars vient vers moi, me demande mon billet et s'en va avec. Il revient dix minutes plus tard, et me dit de me déplacer à la place 63, la dernière, au fond au milieu de l'allée, la plus désagréable, juste au dessus de l'essieu arrière.

L' agence m' a vendu une place qui l'était déjà, je prends celle d'un des employés.

Je respire par le nez, repense à l' ashram et à mon avocat, mon Dr Gonzo qui est « cépagravologue ».

Le principal, c'est que je sois dans le bus, je serai dans dix heures à Pondicherry!


A la descente, je me fais avoir par un chauffeur de rickshaw. Je lui demande de m' emmener à la Sri Aurobinio Guest House, il me dépose dans le quartier français devant un hôtel où les chambres sont à 1000 roupies ( 17 euros ), je décide de marcher pour essayer d' en trouver une bien moins cher mais après quelques minutes, je me décide à prendre un autre rickshaw. Cette fois-ci je souhaite aller à la Surya Swastika Guest House, il me dépose au Surya Hôtel où les chambres sont au même prix que les précédentes, heureusement le gars de l'accueil me dit d'aller quelques rues plus loin pour en trouver une qui correspondant à mon budget.

Je repars à pied et envoie promener tous les chauffeurs qui se présentent à moi.

Je trouve finalement une petite cellule d'à peine six mètres carrés, sans fenêtre et avec une ridicule salle de bain pour 200 roupies à la Mother Guest House, le long du grand boulevard qui sépare les quartiers tamil et français. Je vais dormir quelques heures.

En me réveillant je déclare la guerre à des fourmis naines, il va leur falloir trois jours, trois générations et des milliers de pertes pour comprendre que ce carrelage est mon territoire. Je leur prévois un véritable holocauste si elles insistent. Elles vont finir par comprendre et par battre en retraire.

 

L'après-midi je pars à la découverte de la ville, je suis sidéré par la différence de propreté qu'il y a entre les deux parties de la ville. Du coté français, il y a plein de touristes du troisième âge, des restaurants, des boulangeries dont la qualité des croissants n'a rien à envier à celle que nous avons chez nous, le nom des rues est inscrit dans la langue de Molière et comme par hasard on est à deux pas de la Mer du Bengale.

Je prends place pour le reste de la journée dans le Eat'n Net, rue Romain Roland, un très beau bar où il y a le WIFI, j'ai encore du travail.

Les patrons sont délicieux, ils sont indiens, parlent une multitude de langues. Ce sont les meilleurs commerçants que j'ai pu voir en Inde.

Ils ne passent presque que de la musique classique.

J'ai l'impression d' être un des droogies dans le milk-bar d'Orange Mécanique ( même si la décoration n'a rien à voir ) au moment où j' entends la 9ème symphonie de Beethoven et que je sirote en même temps une boisson lactée, l'ultra violence en moins bien sûr !

Un peu plus tard j' aurai même le droit de plonger dans l' univers de Twin Peaks à l'écoute de son générique désormais kitch.

Le soir je vais au bar Le Space ( rien à voir avec le club d' Ibiza ) pour boire des cocktails, je n'ai pas bu depuis Goa, j' y rencontre deux françaises, Maika et Claire. Elles viennent juste d'arriver en Inde, elles vont travailler pendant un mois dans une ferme d' Auroville, une ville expérimentale, idéaliste , communautaire. Je ne vais pas faire long feu...


Le matin suivant, je me lève tôt. J'ai deux objectifs, trouver le Sri Aurobinium ashram pour prendre des cours de yoga, et la Jayalakshmi Fine Art Academy pour apprendre à jouer des tablas.

Je vais mettre du temps pour trouver l'ashram, demandant mon chemin à plusieurs personnes qui m'orientent tous dans des directions différentes.

Une fois sur place, une dame me dit d'aller au bureau des renseignements « Vous allez tout droit, prenez la troisième rue à droite, continuez, c'est à gauche après le pont, un bâtiment gris, s'est marqué COTTAGE ».

A l'office, on m'explique qu'il n'y a pas de leçons de yoga, que chacun vient le faire de façon autonome, je ne suis pas assez expérimenté, j'abandonne.

Je file sur Mission Street pour trouver l'école de musique, dans le Lonely Planet ils indiquent que c'est au 221.

Je suis devant, il y a un hôtel et une battisse à l'abandon. Je demande mon chemin à un employé de l' hôtel « Vous reprenez Mission Street, c'est à l'avant dernière rue à gauche, à l'angle ».

J' y vais, il n'y a rien à l' angle. Je redemande mon chemin, on me guide vers un studio d'enregistrement qui n'est pas une école.

Je me renseigne à nouveau, on me dit que c'est au 221, j' y retourne, reste face à l'immeuble désaffecté, il y a une pancarte écrite en indien, je devine un chiffre, ils ont du changé d' adresse.

Il y a un jeune couple, assis sur un scooter à l'arrêt. Je leur demande s'ils peuvent me traduire par écrit ce qu'il y a de marqué. La fille note mot pour mot, sur mon cahier, ce qui est inscrit, je ne comprends pas plus mais elle me dit que si je montre ça à n'importe qui, on me guidera.

Je vais finalement comprendre que l' école est désormais au 39 Thiyagaraja Street.

Je réserve cinq heures de cours, je commence demain à 9h30, ça me coûte à peine 5 euros de l'heure.

Je décide d'aller à la plage. Je m' assois au bout d'une digue de rochers noirs, face au soleil, je fais connaissance avec Monsieur Meursault, L' étranger.


              


Le soir je retourne au Space, revois les deux françaises, rencontre Constantin un suisse et Markus un allemand.


Une nouvelle nuit de passée, j' ai rendez-vous à 9h30, je suis un peu excité, c'est mon premier cours de musique.

J' arrive, le master n'est pas là, le gars du bureau l' appelle pour lui rappeler qu'il a un cours à donner.

Il se pointe, me demande si je suis novice. Je lui explique que je fais de la musique mais que je ne sais pas jouer de percussion.


Tout d'abord, nous restons assis en tailleur, sans instrument, il prend mon cahier, note :

 

« THA GA DHE ME, THA GA DHE ME » « THA GI DA, THA GI DA »

( 1 2 3 4 ) ( 1 2 3 )


Il me fait taper le rythme sur ma cuisse, un temps de la paume, le suivant du dos de la main.

Au début je ne chante pas le rythme, mais il m' explique que c'est primordiale, si je ne suis pas capable de le chanter, je ne pourrais pas le jouer.

 

Il me note ainsi quelques exercices je vais attendre un peu avant de toucher l' instrument.

Une tabla est une percussion constituée de deux éléments, le Danga la partie gauche qui correspond à la basse et le Karnai, plus petite, à droite.


Il me montre quatre touchers que je vais travailler :


Le THA, joué sur le danga avec les cinq doigts de la main gauche, au milieu de la peau.

Le THEE, joué sur le karnai avec trois doigts de la main droite, au milieu de la peau.

Le THOM, joué sur le danga avec le majeur gauche, au milieu de la peau.

Le NAM, joué sur le karnai avec l'index, sur le bois, l'extrémité de la peau.

 

Il écrit une dizaine d' exercices.


< THA THA - THEE THEE - THOM THOM - NAM NAM >


< NAM NAM THOM - NAM NAM THOM >


< NA DHE - NA DHE DHEN - NA DHE >



Il est assez dissipé, on dirait un grand gamin qui ne sait pas rester en place, qui a du mal à rester concentré.

Il passe des coups de téléphone à des amis pour leur dire qu'il donne des cours à un musicien occidental, il me passe le téléphone, m' explique qu'ils veulent me parler, nous échangeons des banalités.

Il me passe un autre de ces amis qui vend des tablas, il m' en propose à 3500 roupies.

Il me montre ses cartes de visite, ses papiers à entête, des prospectus où son nom est inscrit. Il demande à la secrétaire un thé. Il me note de nouveaux exercices.

Les deux heures sont passées vite, je n'ai pas l'impression d'avoir appris grand chose, mais au moins j'ai tout un cours manuscrit avec plein de THOM, de NAM et de THEE, j'imagine que je saurai m' en souvenir le jour où je me retrouverai chez moi à composer.


« Je peux vous demander une faveur Master ? Oui ? En fait, pendant mon voyage, je promène avec moi une caméra, j'aimerai pouvoir filmer le prochain cours... C'est vrai, ça ne vous dérange pas... Merci beaucoup ! »


Deux jours plus tard, je pénètre dans la même pièce, cette fois-ci, il est déjà là, il est avec un garçon de six ans qui tape comme un sourd sur une batterie.


« On m' a appelé à cinq heure ce matin, pour que je donne un cours à ce gamin », me dit-il.

Je fais semblant de le croire.


J' installe mon matériel.

 

«-Alors ça tourne?

-Non pas encore Master.»


Il est déjà pendu au téléphone, j'imagine qu'il dit à ses amis qu'un type est venu de loin pour le filmer. Il a besoin de se mettre en valeur vis à vis des autres, il ne doit pas avoir une grande confiance en lui. C'est curieux, avec le talent qu'il a, il a juste à jouer pour qu'on s'intéresse à lui.

Je l'aime bien, il est touchant.


«-Alors ça tourne ?

-Oui, c'est bon. »


Il me demande de taper sur les tablas, pour que je fasse entendre à la personne qu'il a au bout du fil qu'il est bien en train de donner un cours.

Il me dit de reprendre les exercices, il s'absente quelques secondes et revient avec un petit clavier qui fonctionne à l'air, un peu comme un accordéon. Il commence à jouer. La façon dont il fait sonner ce  jouet  m'épate, il est vraiment doué. Il me corrige, m'explique comment mieux toucher les peaux.


«-Alors ça tourne ?

-Oui oui, encore. »


Il prend les tablas, se cadre au milieu de l'objectif et commence à jouer un rythme tribal. Instinctivement je me mets à chanter...

Avec tout son cirque, je ne suis plus attentif, je n'ai plus trop envie d' apprendre, d'ailleurs, je réalise que je ne suis pas venu ici pour vraiment apprendre à jouer mais pour vivre une expérience.

 



( Pondicherry ne m'enchante pas plus que ça, j' ai même du mal à supporter cette ville.

La frontière entre les deux quartiers est indécente. Les mendiants, qui ne sont ni du coté français, ni du coté tamil, me paraissent encore plus abimés ici.

J'ai l'impression qu'ils sont victimes des riches expatriés et des vieux « voyageurs organisés » qui viennent en Inde pour faire le tour de ...Pondicherry, pour acheter du mobilier d'art et se rassurer,

« Chéri, prend l'appareil, regarde comme il est pauvre cet enfant !».


La colonisation a le don d'engendrer le chaos.

Du chaos, il y en a pourtant dans toute les villes d' Inde, mais ailleurs, il parait être « organisé », les gens vivent avec, on arrive à sentir de l' humanité chez « les laissés pour compte », ici c'est l'inverse, les misérables font vraiment très très mal à voir, ils dorment dans les caniveaux, ils errent sur ce grand boulevard qui donne la gerbe …

… Et deux ou trois pâtés de maison plus loin, il y a ce parc si « français » avec de belles fleurs, des toboggans, des bancs publics et des gens qui se prennent en photos devant tout et n'importe quoi.

Je me sens mal à l'aise, les indiens, du moins les riches indiens, les plus pales, ont l' air d' apprécier ce beau quartier, cette sorte de Promenade Des Anglais qui longe la mer...

J'en ai marre des croissants.

Faut que je bouge, encore un cours et je bouge, plus que deux jours et je bouge.

Une semaine ici, c'est beaucoup trop, beaucoup beaucoup trop... )      

 

                    

 

                     


                    

 

                    

 

                    

 

                     



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