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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 08:37

 

 

 

 

 

( A l 'extrême sud de Goa, proche du Karnakata, se trouve un endroit magique, une plage splendide, Palolem Beach. Quand on arrive, c'est comme si l'on pénétrait dans une carte postale de rêve.

Des palmiers d'un vert vif, une multitude de huttes, reprenant toute la gamme des couleurs pastelles, violettes, jaunes, roses, bleues, se dressent comme elles peuvent sur le sable blanc, un paysage montagneux émeraude entoure cette plage arrondie offrant un panorama impressionnant et des couchers de soleil à rendre tendre le plus sadique des bourreaux, elle est belle, elle est très très belle...

Les indiens vivant chez elle sont d'une gentillesse exquise, j' adore la manière qu'ils ont de balancer la tête latéralement avec souplesse pour acquiescer, ou tout simplement exprimer un remerciement, un échange agréable. Nous, quand nous bougeons la tête d' un coté vers l 'autre c'est avec sévérité, pour dire non, d'ailleurs je n'ai jamais autant dis non qu'en Inde.

Si vous voulez vous reposer loin du tumulte et de la fête du nord de Goa, si vous voulez vous relaxer, passer un bon moment en amoureux et oublier le stress occidental, Palolem est l' endroit idéal! )

 

 

 

Je quitte Anjuna le 16 décembre.  J'ai besoin de retrouver un peu de solitude. Le prix des chambres quadruple avec l' arrivée des fêtes de fin d'année, comme Goa fut une colonie portugaise, le catholicisme y est encore très encré et les fidèles arrivent en masse pour fêter Noël, je n'ai donc plus les moyens de rester.

Je partage un taxi avec Alex, qui part à l'aéroport, jusqu'à Panjim, la capitale.

Je pensais y rester une nuit pour prendre le temps de trouver un ukulélé, ma guitare commençant à me manquer terriblement, mais une fois arrivé à la station de bus, je compris rapidement que je ne resterai pas dormir ici, je n'aime pas trop les villes en Inde, certaines sont trop sales à mon goût.   Je cherche le magasin de musique de Pedro Fernandes que j'ai repéré sur le net.

Une heure plus tard, je fais la queue pour prendre un ticket de bus pour Margao, mon nouveau jouet à la main, un ukulélé bleu Takamine.

Le bus arrive. Une sorte de steward hurle, siffle, crie « Margao » et le nom de tous les villages où le bus va passer. Je monte, m'installe à l'avant avec mes deux gros sacs qui prennent beaucoup de place dans ce car très rustique, je suis le seul étranger.

A Margao, la même scène, changement de véhicule, un autre type hurle, siffle, crie « Palolem » et tous les noms de villages où le bus va passer. Je me régale à regarder et écouter ce type qui passe ses journées entières à gueuler.

Dans les villages, le bus ne s' arrête quasiment pas, les passagers doivent le prendre en marche et presque sauter pour en sortir.

Le voyage jusqu' à Palolem me coûte la maudite somme de 70 roupies (1 euro).

 

A peine descendu du bus, des gars me sautent dessus pour me proposer une chambre:

 

« - Hey my friend! Tu cherches une chambre? Tu veux quoi, cher, pas cher?

-Pas cher !

-J' en ai pour 500 roupies !

-Je t'ai dis pas cher !

-Ok my friend, pas de problème, pour toi je te la fais à 400 roupies !

-300 !

-My friend, donne moi un peu plus, 350 !

-300 !

-Ok my friend, suis moi ! »

 

Il porte un maillot de foot avec un écusson « yin et yang » , je lui demande:

« - C'est quoi ton maillot? » lui montrant l'écusson.

« - Çà my friend, c'est que je fume trop, c'est  pour cacher les trous de boulettes ! Tu veux quelque chose ?

-Non merci. »

 

Je le suis, nous marchons le long de la plage, il tient à tout prix à porter mon sac, je pénètre dans le San Francisco Camp. Dans la première hutte qu'il me présente, il n' y a pas de ventilateur.

 

« - T'inquiètes pas my friend, je te le monte de suite.

-Non, je ne veux pas de cette chambre.

-Ok, je t'en montre une autre, mais c'est plus cher !

-Non, tu m'as dit 300, c'est 300.

-Ok, je te la fais à 300, mais tu dis pas le prix, car eux là, ils payent 500, et les russes 700.

-Marché conclu ! »

 

Je prend place dans ma cabane violette, les toilettes et la douche ne sont pas terribles mais je suis à 100 mètres de la Mer d' Oman. C'est la première fois depuis que je suis parti, que je ne dors pas dans un dortoir. Je vais rester dix jours ici.

 

                  

               ( San Francisco Camp )                                  ( Ma cabane )

 

Les premiers jours, je profite du fait de me retrouver à nouveau seul. Je lis, j'ai acheté l'Alchimiste traduit en anglais,  c'est une bonne façon pour moi de tenter  d'amadouer la langue de Shakespeare, j'écris, j'écoute de la musique, me baigne, bronze. Le soir, je sors boire un verre et me pose ensuite sur le sable pour jouer du ukulélé et fredonner mes airs préférés.

Je ne cherche pas à rencontrer des gens mais curieusement, quand on essaye de s'échapper un peu, quand on utilise des outils tels qu'un instrument de musique ou une caméra sur un trépied, ça les attire.

 

 Emmanuel, un polonais, arrive à coté de moi et a crie d'une façon enthousiaste « UKULELE!!! ». Il s'en va, revient cinq minutes plus tard en me demandant s'il peut s'assoir avec moi.

Deux chiens noirs nous rejoinent. Nous sommes sur leur territoire, ils estiment sûrement être en droit de nous réclamer des caresses. Ils s' allongent à coté de nous, se lèvent de temps en temps pour chasser d'autres chiens et les inviter à passer leur chemin.

Nous discutons de nos voyages, il a un rire bizarre, fort et aigu, je lui fais la remarque, il me dit

« I'm a traveller, I'm not ordinair », c'est ce que je retiendrai de lui, ça et le fait qu'une bonne vodka doit avoir le goût de l'eau. 

 

Le lendemain je récidive. Même endroit, Même position, un mélange de vodka et de jus de pomme pour l'inspiration à porté de main.

Cette fois-ci, de jeunes indiens viennent s'installer à mes cotés. Ils sont trois, ne parlent pas anglais. Je leur fourni des cigarettes, ils boivent dans ma bouteille et tiennent absolument à tester mon instrument bien qu'ils ne savent pas en jouer. Ils grattent les quatre cordes à vide et chantent. L'un des trois me le  redonne, je lui dis « Thank you », ils répètent tous les trois « Thank you » et rigolent. Je leur demande « comment dit-on thank you en indien », ils me répondent « comment dit-on thank you en indien ». Je suis bercé entre deux sentiments, un qui me dit que ce moment est génial, et un autre qui me dit de me méfier d'eux. Je crains qu'ils partent en courant avec mes affaires. Ils boivent encore un peu, retournent d'où ils viennent.

 

 (...)

 

 Je me prépare à participer à une « Silent Party » (ces soirées sont très appréciées dans le coin car les autorités sont sévères en matière de nuisances sonores, la musique est censée s'arrêter à 22 heure, le principe consiste à faire la fête avec un casque hifi sur la tête, je sais, c'est bizarre comme concept), je suis sur le chemin pour aller au club, sur le flanc rocailleux de la plage, lorsque je croise un vendeur de cigarette assis tranquillement devant son stand :

 

« Hello my friend » me dit-il comme tous les indiens.

« - Je n'ai besoin de rien, j'ai tout ce qu'il me faut.

-La party n'est pas encore commencée, pas avant une heure, assis-toi si tu veux en attendant.

-D'accord, merci. »

 

Il s'appelle Yeshwant, il est né à Goa, il a 24 ans, il n' a ni femme ni enfants et n' a jamais connu les joies de l'amour.

Nous nous racontons nos vies, réalisant le décalage qu'il y a entre nos quotidiens. En revanche, nos façons de penser se rejoignent sur beaucoup de points.

Il gagne 300 roupies par jour (5 euros), il aimerait un jour avoir son propre magasin. Il travaille dur. Je lui explique comment attirer des clients occidentaux, lui conseille d'oublier les phrases toutes faites employées par 95 % des commerçants de Goa, de ne pas brusquer les éventuels clients et de les accueillir comme il le fait avec moi.

Il est frustré de voir tous ces touristes russes dépenser sans compter leur argent dans l' alcool. Il les trouve froids et irrespectueux.

Peu à peu, trois de ses amis viennent s'installer à nos cotés, puis Shakar fait son apparition.

Ses cheveux sont longs, son bouc est finement taillé. Il vient d' Hampi, il a 25 ans , est marié et a trois enfants. Il vient six mois par an pour faire la saison à Palolem.

Il me dit qu'à cette époque de l'année il ne doit pas y avoir de bruit le soir pour ne pas perturber la quiétude des riches touristes. Nous philosophons.

 

« Avec l' état d'esprit que tu as, ne vas pas dans cette soirée à 500 roupies, ne fais pas comme les autres touristes, tu sais ce que cette somme représente pour nous », me dit-il.

 

Je lui réponds:

 

« Je ne veux pas prendre de casque, je veux juste y aller quelques minutes pour filmer car ce concept me parait étrange. Je n 'arrive pas à comprendre comment on peut s'amuser et communiquer avec un casque sur les oreilles, c'est un truc de fou, je ne veux surtout pas payer les 500 roupies, je veux juste observer, avec cette somme je peux dormir deux nuits! »

 

Il rigole, je les quitte après leur avoir offert une boisson à chacun, c'est un minimum si on veut créer des liens avec des indiens et tenter de les comprendre, j'arrive à la soirée.

Un gars qui fait la sécurité, un grand blond, me réclame le droit d' entrer, je lui explique que je ne veux pas de casque:

 

«- C'est un club ici ! Même sans casque, tu payes ! 

-Ta soirée est une escroquerie mec, ciao ! »

Je retourne voir mes nouveaux amis.

Je n'ai pas testé pour vous la  Silent Party !

 

 

                       

                 ( Shakar )                                           ( Yeshwant, à droite) 

 

Deux jours plus tard, j'arrive sur la plage avec mon matèriel vidéo en vue de filmer le coucher de soleil dans son intégralité.

Au moment ou j'installe mon trépied, j' aperçois une fille devant moi, elle est assise sur le sable, regarde en direction du soleil.

Je continue mon petit manège, peaufine mes réglages. Le temps que je relève la tête, elle passe à coté de moi. J'attend un peu, me retourne pour la regarder. Elle se retourne au même moment, nous faisons instantanément le geste inverse.

Elle m'intrigue. Elle est jolie, elle a un tatouage « Dalien » sur l'épaule gauche, la peau matte, des cheveux mi-longs ondulés. Je me concentre sur ma caméra car je n'ai plus que 51 minutes de charge de batterie, il est 17h19, et le soleil se couche vers 18h30, il faut que je calcule bien mon coup pour ne pas rater la fin du spectacle.

 

 

Le temps d'avoir ce raisonnement et de patienter un peu pour commencer la prise de vue, la demoiselle s'est assise derrière moi. Je ne peux m'empêcher de me retourner, il faut que j'aille lui parler mais je ne peux pas laisser mon matériel en plan.

Je me retourne à nouveau, elle n'est plus là. Elle est de retour dix minutes plus tard. Elle  me demande du feu.

Elle s'appelle Maria, elle est portugaise, elle est passionnée de yoga. Nous discutons, elle cherche une de ses amies, une fois l'avoir retrouvée elle me fait deux bises (curieusement les voyageurs ne se font pas beaucoup la bise), me dit à demain :

 

« - Peut être à ce soir !

-Tu es dans le coin ce soir ? Si tu me vois, appelle moi !

-Avec plaisir ! »

 

Je ne l'a reverrai que le lendemain, la croisant dans la rue principale:

 

« Tu fais quoi là ? » lui dis-je.

«-J'ai envie d'aller me poser à l'ombre, si ça te dis.

-J'ai juste un petit truc à faire, je te rejoins. »

 

Nous passons dans la zone « off » de Palolem, celle où les locaux vivent, celle qu'on ne voit jamais dans les cartes postales, « The Dark Side Of The Beach » où « La face cachée de la plage » selon votre convenance, je n'étais pas encore venu de ce coté.

La veille, Maria me parlait de dualité, qu'elle était présente partout, spécialement ici, je suis en train de comprendre ce qu'elle me disait à la vue de ces maisons en bois en triste état.

Nous nous posons à l'ombre d'un arbre. Elle me parle de yoga, de respiration par le nez, me demande si j'en ai déjà fait.

Je lui dis que j'ai essayé de méditer quelques fois, seul, sans enseignement, après avoir lu des livres, que je sais juste que pendant nos moments les plus heureux nous respirons toujours par le nez.

 

« -Je peux te montrer si tu veux , me dit-elle,

-J'aimerai beaucoup! »

 

Et me voici en train de prendre mon premier cour de yoga, dans l'arrière décor, au milieu des cochons sauvages, sous des arbres.

C'est surréaliste, je suis sous le charme, j' apprend à sentir l'énergie cosmique, je tiens en équilibre sur une jambe, l'autre jambe repliée , les mains jointes, en l'air, le dos droit, le regard fixe, les abdominaux tendus, je tremble un petit peu par manque d'expérience, mais je ne m'en sors pas trop mal selon les dires de ma nouvelle prof. 

Je vais rester quelques heures en sa compagnie, elle doit bientôt partir dans le nord de Goa.

 

Le soir même, autour du feu devant le San Francisco Camp, je fais la connaissance de Arnaud et Caroline, un couple de parisiens, il est professeur de lettre, elle enseigne la biologie.

Je vais passer la fin de mon séjour en leur compagnie, passant le réveillon de Noël avec eux, partageant le foie gras que ma soeur m'a offert avant de partir et une bonne bouteille de vin blanc chilien.

Ils sont très intéressants, cultivés, Arnaud joue de la guitare et chante, ça rapproche.

 

Un soir, après avoir bu le digestif sur la terrasse de leur hutte, après avoir parlé de liberté, de religion, d'histoire, de voyages, nous sommes retournés autour du feu, euphoriques.

Mon regard était perdu dans les flammes, dans l'instant présent.

Caroline essayait de m'interpeller depuis une bonne minute sans que je n' ai la moindre réaction, elle m'a fait réagir en disant:

 

« Ça y'est, on a perdu Steven ! »

 

Elle sait très bien que je me nomme Vincent, pourquoi m'a-t-elle appelé Steven, Steven qui est un ami, un personnage,  qui me manque beaucoup. Je ne l'ai pas vu depuis longtemps.

Elle aurait pu, pour s'amuser, m'appeler par n'importe quel prénom, André, Jean-Louis, Robert, mais non, elle a choisi Steven.

Je leur raconte son histoire, ils sont abasourdis.

Il y a de drôles de coïncidences dans la vie, ou pas....  

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

                      " Doit on se courber encore et toujours pour une ligne droite?                               

                        Prière pour trouver les grands espaces sur les parois d'une boite

                        Serait-ce un estuaire ou le bout du chemin au loin qu'on entrevoit

                        Spéciale dédicace à la flaque où on nage, ou on se noie.

                        Autour des amandiers fleurissent des mondes en sourdine

                        No pasaran sous les fourches caudines.

 

                       

 

                   A l'envers                                                          A l'endroit

 

                       

 

                   A l'envers                                                            A l'endroit

 

                           

 

                    A l' endroit                                                          A l' envers

 

                       

 

                    A l'envers                                                           A l'endroit "   

                                                     ( Noir Désir / A l'envers à l'endroit )

 

                        

 

 

                     

 

 

                     

 

 

                        

 

 

                     

 

 

                     

 

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